Le Conseil national a éliminé jeudi les deux dernières divergences techniques. Le projet du Conseil fédéral vise à éviter que les criminels n'accèdent au système financier suisse via des entreprises ou des sociétés boîte aux lettres opaques.
Les sociétés devront à l'avenir annoncer l'identité de leurs ayants droit économiques dans un registre fédéral. Le registre électronique, qui ne sera pas public, sera tenu par le Département fédéral de justice et police.
La Suisse à la traîne
Actuellement, la Suisse est à la traîne en matière de lutte contre la criminalité économique. Dans 167 des 196 Etats du monde, les informations sur les ayants droit économiques sont disponibles sous une forme ou sous une autre.
Au cours des débats, Raphaël Mahaim (Vert-e-s/VD) a rappelé l'importance de la lutte contre le blanchiment d'argent. "C'est capital pour débusquer des crimes bien plus graves. On parle de financement du terrorisme, de corruption, de fraude fiscale, de la mafia, du crime organisé, du pillage des ressources naturelles", a-t-il énuméré.
La ministre des finances Karin Keller-Sutter a aussi souligné l'importance de cette loi pour assurer l'intégrité de la place financière suisse.
Au bilan, Christian Dandrès (PS/GE) estime que dans l'ensemble, on "a sauvé les meubles", mais la logique dominante cherche toujours à se soustraire aux standards internationaux ou à être a minima.
Fondations et associations dispensées
Le projet du Conseil fédéral a toutefois été remanié par les Chambres, la droite invoquant une surrèglementation pour les entreprises. Deux points importants ont été modifiés. Les fondations et les associations sont dispensées de l'inscription au registre de transparence.
L'obligation d'annoncer les rapports de fiducie a aussi été supprimée. Il s'agit de situations dans lesquelles une personne gère un patrimoine, mais en son nom propre pour le compte de quelqu'un d'autre.
Droit d'accès limité
L'accès au registre sera réservé aux autorités de police, pénales et administratives, de la Confédération et des cantons dans le cadre de la lutte contre le blanchiment. Les intermédiaires financiers pourront aussi consulter en ligne les données du registre, dans la mesure où ces données sont nécessaires à l'accomplissement de leurs obligations.
La gauche a échoué à autoriser un droit d'accès pour les autorités fiscales ainsi que pour les médias et les ONG.
Avocats-conseil à part
Enfin, les négociants en métaux précieux sont aussi concernés. Les paiements en espèce supérieurs à 15'000 francs seront désormais soumis à une obligation de diligence (contre 100'000 francs aujourd'hui). Dans le commerce des biens immobiliers, les obligations de diligence relevant de la loi sur le blanchiment vaudront pour tous les paiements en espèces, quel que soit le montant.
Les Chambres ont retiré du projet les nouvelles obligations imposées aux avocats et notaires. Ce volet est traité à part.