Par 18 voix contre 1 et 4 abstentions, la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) a rejeté une proposition demandant le classement de l’initiative. Par 16 voix contre 9, elle a pris la décision de principe de mettre en œuvre cette dernière au niveau de la loi, renonçant à modifier la Constitution fédérale (Cst.). Elle est arrivée à la conclusion que l’art. 14 Cst. n’empêchait pas le législateur de s’appuyer sur sa compétence législative en matière civile pour ouvrir l’institution juridique du mariage aux personnes de même sexe.
A la demande de la commission, l’Office fédéral de la justice (OFJ) avait élaboré un
document présentant les conséquences du mariage pour tous dans les différents domaines du droit. L’OFJ y avait exposé deux manières possibles d’instituer le mariage pour tous au niveau de la loi: une révision unique ou une mise en œuvre en deux étapes (ou plus). La CAJ-N est parvenue à la conclusion qu’une mise en œuvre par étapes du mariage pour tous présentait plus d’avantages qu’une révision unique, car elle permettrait notamment de faire entrer en vigueur plus rapidement le nouveau dispositif légal. La commission souhaite également éviter qu’un blocage autour de certains domaines délicats, tels que les rentes de survivants ou l’accès à la procréation médicalement assistée, ne fasse échouer l’ensemble du projet. Elle a chargé l’administration de lui remettre, d’ici à février 2019, un «projet central» d’ouverture du mariage aux couples de même sexe, fondé sur la présentation de l’OFJ. Ce projet devra régler les éléments essentiels du mariage pour tous au niveau du droit civil (y compris le droit de cité et l’accès à l’adoption).
Droit du bail: critères concernant les loyers abusifs et la contestation du loyer initial
La commission a procédé à l’examen préalable de plusieurs initiatives parlementaires relatives aux loyers abusifs (art. 269 ss CO) et à la contestation du loyer initial (art. 270 ss CO).
Aux termes de l’art. 269 CO, les loyers sont abusifs notamment lorsqu’ils permettent au bailleur d’obtenir un rendement excessif de la chose louée. La loi ne définit toutefois pas précisément les critères permettant de juger si un loyer est abusif. La commission partage les préoccupations formulées dans l’initiative parlementaire Feller (17.491) et estime que les modalités de calcul du rendement admissible en droit du bail devraient être fixées par le législateur. Avec le taux hypothécaire de référence actuel (1,5 %), un rendement maximal de 2 % serait admis selon la jurisprudence du Tribunal fédéral. Or, le calcul fondé sur le coût d’acquisition historique par rapport à la valeur actuelle mènerait à des valeurs irréalistes s’agissant de bâtiments anciens.
Selon l’art. 269a, let. a, CO, ne sont en règle générale pas abusifs les loyers qui, notamment, se situent dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier. La commission est d’avis que les tribunaux posent des exigences élevées pour le détail des critères comparatifs et qu’il n’est par conséquent guère aisé d’apporter les preuves nécessaires. Elle parvient ainsi à une conclusion qui rejoint l’objectif de l’initiative parlementaire Egloff (17.493): les critères de comparaison doivent être fixés dans la loi. Par ailleurs, la commission approuve la proposition de faire en sorte que les dispositions relatives aux loyers abusifs et à la contestation du loyer initial ne soient applicables qu’en cas de pénurie de logements (initiatives parlementaires Nantermod 17.514 et 17.515). Enfin, la commission a rejeté l’idée d’abroger les restrictions du droit de contester le loyer initial visé à l’art. 270, al. 1, let. a et b, CO (initiative parlementaire Sommaruga 17.459).
La commission a donc pris les décisions suivantes:
- Par 13 voix contre 8 et 2 abstentions, la commission a décidé de donner suite à l’initiative parlementaire Feller (17.491).
- Par 13 voix contre 8 et 2 abstentions, la commission a décidé de donner suite à l’initiative parlementaire Egloff (17.493).
- La commission a décidé, par 13 voix contre 9 et 1 abstention, de donner suite à l’initiative parlementaire Nantermod 17.514 et, par 12 voix contre 10 et 1 abstention, de donner suite à l’initiative parlementaire Nantermod 17.515.
- Pour ce qui est de l’initiative parlementaire Sommaruga (17.459), la commission propose, par 16 voix contre 7, de ne pas y donner suite. Une minorité propose de donner suite à l’initiative.
Obligation d’informer en cas de renouvellement automatique d’un contrat
Les conditions générales des contrats conclus avec les consommateurs contiennent souvent des clauses prévoyant un renouvellement tacite du contrat. Typiquement, elles prévoient qu’un contrat échu est automatiquement renouvelé si le consommateur ne l’a pas dénoncé. La Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) s’est longuement penchée sur ce thème et a élaboré un avant-projet qui comporte une obligation d’information visant à empêcher les prolongations de contrat non désirées (13.426). Une
consultation a été organisée sur cet avant-projet du 16 juin au 9 octobre 2017. La commission a pris acte des résultats de la consultation et décidé, par 12 voix contre 11, d’entrer en matière sur le projet et de le remanier lors d’une de ses prochaines séances.
La primauté du mariage civil doit être maintenue
La CAJ-N a procédé à l’examen préalable de l’initiative parlementaire «Supprimer les exigences discriminatoires qui s’appliquent au mariage religieux» (17.470).
Déposée par le conseiller national Claudio Zanetti, cette initiative vise à supprimer l’obligation de conclure un mariage civil avant tout mariage religieux (art. 97, al. 3, du code civil [CC]). Estimant qu’il n’y a pas lieu d’intervenir en la matière, la commission rejette l’initiative par 20 voix contre 3 et 1 abstention. Elle souligne en particulier le rôle protecteur de la primauté du mariage civil: la disposition concernée garantit que les conditions du mariage citées dans le CC – majorité des futurs mariés, par ex. – sont bien vérifiées avant l’union. Par ailleurs, la commission craint que la suppression voulue par l’auteur de l’initiative n’entraîne une augmentation des mariages d’enfants et des mariages forcés.
Autres objets
- A l’unanimité, la commission propose à son conseil d’adopter le projet de révision totale de la loi fédérale sur l’Institut suisse de droit comparé (LISDC) (18.018), que le Conseil des Etats a, pour sa part, adopté à la session de printemps.
- Suivant le Conseil des Etats, la commission propose à son conseil, par 17 voix contre 7, d’approuver uniquement la ratification de la convention n°94 du Conseil de l’Europe sur la notification à l’étranger des documents en matière administrative (17.053). A l’instar du Conseil fédéral, une minorité de la commission propose d’approuver également la ratification de la convention n°100, qui règle la coopération dans le domaine de l’obtention à l’étranger d’informations et de preuves en matière administrative.
- La commission a procédé à l’examen préalable de l’initiative parlementaire «Protégeons nos aînés des résiliations de bail abusives» (17.502), déposée par le conseiller national Carlo Sommaruga. Par 15 voix contre 7, elle propose à son conseil de ne pas y donner suite. Une minorité propose d’y donner suite.
- La commission a procédé à l’examen préalable de l’initiative parlementaire Addor (17.465) « Pouvoir des curateurs post mortem » et propose à son conseil, par 13 voix contre 8 et 1 abstention, de ne pas y donner suite. Une minorité propose d’y donner suite.
- La commission a procédé à l’examen préalable de l’initiative parlementaire Brand (17.438) « Halte aux doublets procéduraux pour les touristes de la criminalité » et a décidé, par 14 voix contre 8, d’y donner suite.
- A l’unanimité, la commission a approuvé la motion «Droit foncier rural. Compléter les articles 61 et 66 LDFR» (17.4203), déposée par le conseiller aux Etats Fabio Abate; elle a également pris acte, dans ce contexte, du rapport intitulé «Simplifications administratives dans le domaine du droit foncier rural», que le Conseil fédéral avait publié le 29 mars 2017 en réponse au postulat Vogler (15.3284).
La commission a siégé les 05 et 06 juillet 2018 à Berne, sous la présidence du conseiller national Pirmin Schwander (UDC/SZ).