La commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E) est parvenue à la conclusion que l’abrogation du droit à porter un double nom matrimonial, décidée avec la révision de 2013, devait être considérée comme une régression. Selon elle, l’obligation faite à l’un des conjoints de changer ou d’abandonner son nom s’il veut créer un lien relatif au nom avec son ou sa partenaire ou les enfants communs remet en question le principe de l’égalité entre hommes et femmes.
Dans le cadre d’une audition de l’Association suisse des officiers de l’état civil, la CAJ-E a constaté qu’en pratique, disposer d’un droit du nom ouvert et libéral, en mesure de répondre au plus grand nombre possible de besoins de la population, était un souhait bien réel. La commission est d’avis que le projet adopté par le Conseil national offre une solution praticable pour répondre à cette demande puisqu’il laisse aux époux tout loisir de choisir un nom. Parallèlement, il élargit les possibilités de créer un lien relatif au nom entre les membres d’une même famille et renforce ainsi l’unité au sein de celle-ci. Elle se félicite que le projet suive un principe simple : lorsqu’ils se marient, les fiancés peuvent décider individuellement de conserver leur nom, de prendre celui de leur partenaire ou de porter un double nom. Dans ce dernier cas, ils peuvent choisir eux-mêmes l’ordre des noms et décider de les lier, ou non, par un trait d’union. La CAJ-E est convaincue que cette solution a le mérite de la simplicité et qu’elle facilitera considérablement l’application du droit. Elle procèdera à la discussion par article du projet à l’occasion de l’une de ses prochaines séances. Dans cette perspective, elle a confié à l’administration des mandats en rapport avec le port du nom des couples non mariés ayant des enfants communs ainsi qu’avec le principe du nom de célibataire.
Loi sur la transparence des personnes morales : entrée en matière et scission
Par 11 voix contre 2, la commission est entrée en matière sur le projet du Conseil fédéral relatif à la loi fédérale sur la transparence des personnes morales et l’identification des ayants droit économiques (24.046). Avec ce projet, le Conseil fédéral entend notamment instaurer un registre fédéral des ayants droit économiques des personnes morales. La commission se félicite de l’introduction prévue d’un registre de transparence, notamment au vu de l’évolution des normes internationales, et espère qu’il sera bénéfique au dispositif suisse de lutte contre le blanchiment d’argent. Les obligations de diligence associées aux activités de conseil, que le projet contient également, la laissent toutefois sceptique. Elle estime que dans leur forme actuelle, ces obligations de diligence entraîneraient un surcroît de travail disproportionné pour les personnes qui y seraient soumises et que leur conception ne tient pas compte des risques. La commission doute en outre qu’elles soient compatibles avec le secret professionnel des avocats et des avocates. C’est pourquoi, par 8 voix contre 4 et 1 abstention, elle a décidé de scinder le projet et de consacrer un projet distinct à la révision partielle de la loi sur le blanchiment d’argent (projet 2).
Une minorité rejette le projet dans son ensemble, estimant que la Suisse dispose déjà de suffisamment de moyens de lutte contre le blanchiment d’argent et que, par conséquent, la charge administrative supplémentaire qui serait imposée aux entreprises et aux conseillers et conseillères en cas d’adoption du projet ne se justifie pas. La commission commencera la discussion par article des deux projets au prochain trimestre.
Réglementation du commerce des biens utilisés pour la torture
Après l’examen par le Conseil national de la loi sur les biens utilisés pour la torture (23.066) à la session d’été, la commission du Conseil des États s’est maintenant penchée sur cet objet pour la première fois. Par 11 voix contre 1, elle a proposé à son conseil d’entrer en matière sur le projet. Cette nouvelle loi fédérale vise à régler le commerce des biens susceptibles d’être utilisés en vue d’infliger la peine capitale ou la torture. La commission soutient cette modification de la législation nationale et, ainsi, la mise en œuvre d’une recommandation du Conseil de l’Europe visant à limiter le commerce international des biens utilités pour la torture.
Une minorité propose de ne pas entrer en matière sur le projet, considérant le cadre juridique suisse suffisant et ne jugeant donc pas nécessaire de prendre des mesures.
La commission commencera la discussion par article au prochain trimestre.
Harcèlement obsessionnel
La commission s’est en outre penchée sur le projet de son homologue visant à inscrire le harcèlement (« stalking ») dans le code pénal (19.433). Elle a prévu d’organiser des auditions sur le sujet à l’une de ses prochaines séances.
La commission a siégé à Berne le 26 août 2024, sous la présidence du conseiller aux Etats Daniel Jositsch (S, ZH).