(ats) La Suisse se dote d'une Institution nationale des droits de l'homme (INDH). Après le Conseil des Etats, le National a donné mardi son feu vert par 136 voix contre 52 à ce nouvel organe prévu pour prendre le relais du Centre national de compétence pour les droits humains (CSDH).

La future institution apportera une analyse scientifique et indépendante des problèmes touchant aux droits humains en Suisse. Elle pérennisera le CSDH mis en place en 2011, en qualité de projet-pilote.

L'udc a bataillé seule contre la mise sur pied de cette nouvelle instance. "La Suisse compte déjà de nombreuses institutions qui s'occupent des droits humains", a relevé Yvette Estermann (UDC/LU). L'INDH représente un gaspillage de l'argent public, selon elle.

Pour Christine Badertscher (Vert-e-s/BE), l'INDH a au contraire son utilité en tant que passerelle entre l'Etat et la société civile. Elle peut ainsi faire office de médiation entre des investisseurs suisses et les droits humains en Chine, a-t-elle illustré.

En Suisse aussi, il y a des choses à améliorer pour les droits humains, même si leur protection est d'un bon niveau, a argué le conseiller fédéral Ignazio Cassis. Il a cité en exemple les personnes âgées dans les EMS pour lesquelles il y a encore des choses à améliorer.

Suisse plus crédible

En se dotant d'une telle institution, la Suisse deviendrait aussi plus crédible lorsqu'elle invite d'autres pays à protéger les droits humains, a-t-il poursuivi. L'INDH renforcera enfin la Genève internationale. Des arguments qui ont convaincu: la proposition de l'UDC de ne pas entrer en matière a été rejetée par 135 voix contre 54.

Grâce à sa forme de corporation de droit public (association), l'institution pourra définir ses propres activités dans le cadre de son mandat et réagir rapidement aux développements qui se présentent. Confédération et cantons pourront être associés d'une manière qui préserve l'indépendance de l'INDH.

Mandat bien défini

Les Chambres ont cependant précisé les tâches de l'institution. Elle ne doit pas enregistrer de plainte individuelle, ni assurer de fonction de surveillance. Les membres de l'institution doivent en outre être soumis à la confidentialité. Les informations reçues par des tiers et leurs sources ne peuvent être divulguées.

Par 99 voix contre 87, le National a suivi le Conseil fédéral et le Conseil des Etats qui ont tenu à prévoir dans la loi une liste exhaustive des tâches dévolues à l'INDH. Sans cette précision, on crée des incertitudes et des conflits potentiels, estime le chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

La gauche aurait préféré une formulation plus ouverte. Cela aurait permis de laisser une petite marge de manoeuvre pour des réalités auxquelles on ne pense pas aujourd'hui et qui pourraient remettre en cause les droits humains à l'avenir. Sans succès.

Crédit quadriennal

Concernant le financement de l'institution, les députés se sont aussi ralliés à l'idée d'un plafond de dépenses soumis tous les quatre ans à l'Assemblée fédérale. Un crédit-cadre sur quatre ans offre davantage de stabilité qu'un financement annuel, a plaidé Brigitte Crottaz (PS/VD).

Le Conseil fédéral avait prévu une enveloppe annuelle d'un million de francs, à l'image de ce qui est fait pour le projet-pilote. Une solution qu'a soutenue en vain l'UDC.

Encouragements onusiens

La création d'une institution pérenne pour la Suisse figure depuis longtemps à l'agenda politique. Elle répond à une exigence tant sur le plan de la politique intérieure que sur celui de la politique extérieure, dans la mesure où l'ONU encourage la création de ce type d'instance. Plus de 120 Etats, dont la quasi-totalité des pays européens, ont déjà mis en place une telle institution.

Afin d'éviter toute interruption entre la création de l'INDH et le CSDH, le Conseil fédéral propose d'en prolonger le mandat de deux ans jusqu'à fin 2022. Par ses expertises, le CSDH a démontré la nécessité de disposer d'une solution durable disposant d'une base légale en Suisse. Actuellement, seules les discriminations raciales, ethniques ou religieuses sont prises en compte. Des groupes vulnérables manquent encore de protection.