La version orale fait foi

Ansprache von Philippe Schwab, Generalsekretär der Bundesversammlung

 

Monsieur le Président du Conseil national,
Madame la Chancelière de la Confédération,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Chers Collaborateurs des Services du Parlement,
Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de vous remercier d’avoir répondu si nombreux à l’invitation du président de l’Assemblée fédérale Ruedi Lustenberger. Le Premier citoyen de notre pays nous convie à fêter un «Vivant héritage», celui de la Constitution fédérale de 1848 dont l’esprit traverse et anime ce premier commentaire de la loi sur le Parlement.

Nous fêterons demain le bicentenaire de l’entrée dans la Confédération suisse des cantons de Genève, de Neuchâtel et du Valais et deux jours plus tard, le 12 septembre, l’anniversaire de l’adoption de la Constitution fédérale de 1848.

Ces commémorations sont de formidables occasions de se projeter dans l’avenir. Elles renouvellent notre vitalité et notre optimisme.

Vitalité et optimisme: ces deux qualités ont marqué le parcours éditorial du tout nouveau commentaire de la loi sur le Parlement.

Mesdames et Messieurs,
Notre Constitution place le Parlement à la tête de l’Etat fédéral. Elle répartit aussi le pouvoir équitablement entre le Législatif, l’Exécutif et le Judicaire et veille à ce que chacune de ces autorités puissent observer l’autre, la contrôler au besoin et la contenir si nécessaire.

Voilà pour le principe! Le modèle helvétique de la séparation des pouvoirs, et le président Ruedi Lustenberger nous en parlera plus longuement tout à l’heure, confère néanmoins au Parlement un statut unique.

Le Parlement est une redoutable et curieuse institution au sein des pouvoirs publics. Par rapport au Conseil fédéral et au Tribunal fédéral, il dispose du triple privilège

  1. de définir lui-même ses règles de fonctionnement,
  2. puis, de les appliquer,
  3. enfin, de régler les éventuels litiges sans possibilités de recours. Ses décisions sont sans appel.

Autrement dit: le Parlement dicte les règles, les exécute et arbitre les différends. Il cumule ainsi les fonctions d’organe législatif, de pouvoir exécutif et d’autorité judiciaire. Certes, sous le contrôle a posteriori du peuple qui peut apporter des correctifs lors des référendums ou des élections.

Nous sommes loin de la «dictature parlementaire» 1 que Rousseau appelait de ses vœux vers 1765, pour la Corse. Mais lorsqu’il s’agit de son organisation et de ses procédures, l’autorité suprême de notre pays concentre toutes les prérogatives. Quelle liberté dans l’interprétation du principe de la séparation des pouvoirs!

Cette situation n’est pas sans risques et elle appelle une certaine vigilance.

Le Parlement doit s’interroger constamment sur son fonctionnement et sur sa pratique. Il a pour cela un urgent besoin d’un regard critique extérieur. Ce regard peut être celui des médias, mais il est parfois biaisé; ce regard devrait être celui des scientifiques.

«Sans commentaire», dit-on quand une chose se suffit à elle-même. La loi sur le Parlement, ne se suffit pas à elle-même; elle avait donc besoin d’un commentaire.

Je félicite Cornelia Theler, Martin Graf et Moritz von Wyss qui sont à l’origine de cette initiative ambitieuse. Il fallait une bonne dose d’audace et d’inconscience pour se lancer dans une telle aventure. Les trois compères ont réussi à embarquer un grand nombre d’auteurs dans l’aventure, qui ont travaillé ou travaillent encore pour les Services du Parlement. Ils voudront bien me pardonner de ne pas les citer nommément. Je tiens toutefois à remercier Nicole Schwager, qui a été le visage souriant de ce commentaire.

Les participants à cette monumentale aventure éditoriale, à qui j’exprime ma profonde reconnaissance, ont connu des moments d’ivresse et aussi des périodes de doute, voire de désespoir. Finalement, ce «Radeau de La Méduse» est arrivé à bon port, plus beau qu’avant, grâce aussi aux conseils avisés du comité scientifique composé des professeurs Wolf Linder, Georg Müller et René Rhinow.

Mesdames et Messieurs,
Les auteurs, les éditeurs, les collaborateurs des Services du Parlement méritent vos chaleureux applaudissements.

La publication du commentaire de la loi sur le Parlement est la première pierre de l’édifice critique nécessaire à notre institution. On parlera bientôt du «Graf/Theler/von Wyss» comme on parle du «Duden», du «Gaffiot» ou du «Littré». «Graf/Theler/von Wyss» cela sonne sérieux en français, cela fait solide, durable, infaillible à l’instar de la méthode «Hagenbach-Bischoff», du théorème de «Beurling-Lax» ou du «double Pukelsheim».
Je souhaite bon vent à cet ouvrage et formule le vœu qu’il vienne animer le débat scientifique, qu’il donne lieu à des discussions contradictoires et à des opinions divergentes. En effet, la fonction parlementaire se caractérise par le dialogue et par l’échange d’idées. Elle n’est soumise à aucun dogme ou doctrine.

C’est pourquoi il m’apparaît indispensable aujourd’hui que la compréhension et l’interprétation de la législation parlementaire s’émancipe de l’entre-soi et des officines fédérales pour affronter le jugement exigeant d’un public plus large. En science comme ailleurs, la consanguinité ne garantit pas toujours les meilleures filiations.

Mesdames et Messieurs,
Le Parlement est sans doute la plus publique et transparentes des institutions fédérales. Paradoxalement, c’est également la moins connue. En Suisse – je le regrette particulièrement – le champ de la recherche parlementaire tombe en friche. Il mérite d’être cultivé. La recherche sur le droit parlementaire ne peut en rester là.

Cette fête est l’occasion de lancer un appel appuyé aux chercheurs et aux étudiants du pays pour étudier les multiples facettes du Parlement. La facette historique, tout d’abord: que sait-on des origines du Parlement et de son évolution depuis 1848? La facette sociologique, ensuite: que sait-on de l’évolution socio-professionnelle du Parlement depuis les origines et de la représentativité des élus? La facette des relations internationales: quel est le rôle de la diplomatie parlementaire et son influence par rapport à la diplomatie classique? La facette des sciences sociales: quelle est la place des médias et l’influence des groupes d’intérêts? La facette rhétorique: quel art oratoire pratique-t-on au Parlement fédéral? La facette linguistique : quel est l’effet du plurilinguisme sur la culture du débat parlementaire? La facette architecturale: comment est organisé l’espace dans lequel s’exerce le pouvoir parlementaire? La facette ethnologique: comment s’organise les préséances, les rituels et les cérémonies attachés à la fonction parlementaire et à la socialisation des élus?

Le Parlement est un univers à découvrir et il offre de larges et belles opportunités dans plusieurs disciplines scientifiques.

La recherche parlementaire n’a aucune raison de rester le parent pauvre et même très pauvre du paysage scientifique suisse. Elle peut au contraire alimenter le débat académique. C’est le défi que s’est d’ailleurs lancé le «Centre de compétence pour le parlementarisme» que les Services du Parlement ont mis en place, sous la conduite de Jérémie Leuthold et de Jean-Claude Hayoz. Ce centre encourage les travaux et les études à travers une aide financière et logistique de la Bibliothèque du Parlement.

Mesdames et Messieurs,
C’est aussi par la recherche que l’héritage de la Constitution de 1848 restera vivant.
Je vous remercie de votre attention.

 

1 Gérard Pardini, Grands principes constitutionnels: Institutions publiques françaises, 2e édition revue et augmentée, Paris, l’Harmattan, 2012, p. 29.