Christoph Blocher ne peut pas brandir son immunité parlementaire pour empêcher le Ministère public d'enquêter sur lui dans l'affaire Hildebrand. La commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a rendu lundi son verdict. Mais le conseiller national UDC n'entend pas céder.

Le tribun zurichois étudie désormais la possibilité de recourir au Tribunal fédéral. Mais il reconnaît que sa tentative a peu de chance d'aboutir.

Christoph Blocher compte en outre sur le fait que la Cour suprême zurichoise a partiellement admis un recours demandant la révocation d'un des procureurs cantonaux. La personne concernée, Martin Bürgisser, s'est en fait retirée auparavant de son propre gré.

Selon les dires du conseiller national, il lui reste désormais cinq jours pour demander la suspension de l'enquête zurichoise. Et d'annoncer son intention d'intervenir. L'enquête pourrait être définitivement close. Et si une décision devait aboutir au lancement d'une nouvelle procédure, la question de l'immunité pourrait repartir à zéro.

De son côté, la commission des affaires juridiques n'a en tout cas pas souhaité surseoir à sa décision sur la base de cette nouvelle polémique de procédure. Elle a rejeté la demande du conseiller national par 10 voix contre 3. La décision de la justice zurichoise n'a pas d'influence sur la procédure parlementaire concernant l'immunité, a expliqué la présidente de la commission Anne Seydoux (PDC/JU) devant la presse.

Secret bancaire

Le Ministère public zurichois veut poursuivre Christoph Blocher pour tentative d'instigation à violer le secret bancaire les 3 et 27 décembre. Il a déjà fait perquisitionner les bureaux du tribun UDC, avant que celui-ci n'invoque son immunité.

Les deux commissions parlementaires chargée de trancher la question s'étaient déjà entendues pour décider que cette protection ne peut valoir qu'à partir de l'assermentation du conseiller national le 5 décembre.

Christoph Blocher ne peut donc pas invoquer son immunité pour empêcher la justice de se pencher sur sa rencontre à son domicile le 3 décembre avec l'avocat et député UDC thurgovien Hermann Lei et l'informaticien de la Banque Sarasin. Ce dernier avait mis la main sur les opérations bancaires délicates qui ont finalement poussé l'ancien président de la Banque nationale suisse (BNS) Philipp Hildebrand à démissionner.

Restait à trancher le cas du 27 décembre. Lors de cette rencontre, Christoph Blocher est soupçonné d'avoir poussé Hermann Lei à transmettre les données bancaires à un journaliste de la "Weltwoche". Le Zurichois affirme avoir agi dans le cadre de son activité parlementaire en tant que membre d'une autorité de surveillance de la BNS. Il n'a réussi à convaincre que la commission de l'immunité du National.

Verdict définitif

La commission des affaires juridiques du Conseil des Etats, qui avait le dernier mot, a rejeté cette argumentation: il n'y a pas de lien étroit entre l'incitation à remettre des informations confidentielles à la presse et l'activité parlementaire, a fait valoir Anne Seydoux.

Le recours aux médias ne fait pas partie des voies de droit idoines. En tant que conseiller national, Christoph Blocher pouvait s'adresser à la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey - ce qu'il a fait et que personne ne lui reproche - ou aux commissions de gestion. Il peut aussi déposer des interpellations ou d'autres questions au gouvernement.

La commission des affaires juridiques a donc maintenu par 10 voix contre 3 sa décision de non-entrée en matière, a précisé Anne Seydoux (PDC/JU). Son verdict est définitif. Il n'y a pas de recours possible, selon Claude Janiak (PS/BL).

Polémiques

La commission a dû toutefois s'armer de textes de loi pour faire valoir le bien-fondé de cette procédure. Christoph Blocher a en effet contesté la voie choisie. Selon lui, la décision favorable à son égard prise par la commission du National serait définitive.

Or la règle est claire, le deuxième refus d'entrer en matière exprimé par une commission, par analogie à ce qui ce pratiquait jusqu'ici entre les conseils, est irrévocable, a fait valoir Claude Janiak.

Le ministère public zurichois pourra à nouveau s'atteler à la tâche dès qu'elle aura reçu confirmation écrite de la décision de la commission. Elle devrait lui parvenir dans les prochains jours.

Le parquet n'a pas encore pu utiliser les moyens perquisitionnés chez Christoph Blocher, parmi eux un ordinateur et un téléphone portable. Aucune décision n'a été prise jusqu'ici en vue de lever les scellés qui ont été posés.

 

ATS, 11.06.2012