Les paroles prononcées font foi.

Monsieur le Président de la Cour des Droits de l’homme,
Monsieur le Président du Conseil des Etats,
Madame la Vice-présidente du Conseil fédéral,
Monsieur le Président du Tribunal fédéral,
Madame la Chancelière de la Confédération,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil national et du Conseil des Etats,
Mesdames et Messieurs les Invités,

Le 28 novembre 1974, la Suisse ratifiait la Convention européenne des droits de l’homme. Ce même jour, la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entrait en vigueur.

Le Parlement est réuni aujourd’hui pour commémorer le quarantième anniversaire de cette ratification. Il a l’insigne honneur d’accueillir le Président de la Cour européenne des droits de l’homme, Monsieur Dean Spielmann, qui nous parlera dans quelques instants. Avant de lui céder la parole, permettez-moi quelques propos liminaires.

En effet, on ne saurait évoquer la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) sans se souvenir qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe n’était qu’un vaste champ de ruines, marqué par la terreur, par des millions de morts, par des dizaines de milliers de villes et de villages détruits entre 1939 et 1945.

Devant tant d’atrocités, commises à une échelle jusque-là inimaginable, l’Assemblée générale des Nations unies adoptera, en 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme, avec pour noble ambition d’empêcher que de telles horreurs ne se reproduisent. A la guerre destructrice succède ainsi un ordre juridique nouveau à mettre en place. Un ordre juridique qui se voudra le garant de la protection des individus contre les effets désastreux de la toute-puissance arbitraire de l’Etat ou de l’expansion du totalitarisme.

La Convention européenne des Droits de l’Homme est donc indissociable de ce dramatique épisode de l’Histoire. Elle reprendra d’ailleurs dans ses articles 2 à 14 les grands principes de la Déclaration universelle : le droit à la vie, l’interdiction de la torture, le droit à la liberté et à la sûreté, le droit à un procès équitable, la légalité des peines, le droit au respect de la vie privée et familiale, la liberté de penser, de conscience et de religion, le droit à la liberté d’expression, le droit à la liberté de rencontre et d’association, le droit au mariage, le droit à un recours effectif et l’interdiction de discrimination.

Si l’adhésion de la Suisse à la CEDH n’alla pas de soi, notre système juridique ne saurait maintenant se distancer d’un texte, qui affirme des droits essentiels ancrés dans la Constitution fédérale et qui représente pour beaucoup de nos concitoyennes et concitoyens l’accès à une sorte de «tribunal du dernier espoir».
Concrètement, pour notre pays, la Convention a permis de consacrer le droit de vote des femmes et l’abolition des articles confessionnels contenus dans la Constitution. La Cour européenne a aussi marqué de son empreinte notre droit des étrangers, notre droit du nom pour les époux ou notre droit de l’adoption. Elle a renforcé le contrôle judiciaire des litiges de droit pénal et civil et le droit de procédure pénale. Elle a garanti le principe de célérité, le droit inconditionnel de réplique et les obligations positives incombant aux Etats-parties.

Comme le dit le Professeur Malinverni, les droits de l’homme, c’est avant tout la protection des minorités. Or, nous sommes tous, à un moment donné de notre vie une minorité, tantôt en raison de notre âge, tantôt de notre sexe, de notre origine, de nos choix de vie, de nos orientations sexuelles ou politiques. Cette protection nous prémunit ainsi contre d’éventuels excès de la majorité. Cela n’est ni à sous-estimer, encore moins à minimiser.

Comme toute construction institutionnelle, la Cour européenne des Droits de l’Homme mérite d’être remise en question. Les problématiques telles que son champ d’action ou sa propension à devenir un tribunal de quatrième instance, au risque de se substituer aux juridictions nationales, doivent être débattues. Il en va de la pertinence, de la crédibilité et de la pérennité de l’institution.

Cher-e-s Collègues,

Je veux conclure par une mise en garde qui me paraît prendre tout son sens dans cet hémicycle: ne confondons pas démocratie et droits de l’Homme! La démocratie précède les droits de l’Homme et les droits de l’Homme sont l’expression de la maturation de la démocratie. Les droits de l’homme sont apparus progressivement en Suisse, bien après 1848, et bien après la création des instruments de démocratie directe, en 1874 et 1891, à la suite de principes non-écrits découlant des décisions du Tribunal fédéral. Il est donc de notre responsabilité de les faire durer pour le bien-être et la prospérité des générations futures et pour consolider la paix, la démocratie et l’Etat de droit.

J’ai maintenant le plaisir d’inviter à la tribune Monsieur Dean Spielmann, président de la Cour européenne des droits de l’Homme.