La Commission des affaires juridiques du Conseil national a achevé l’examen du projet de révision du droit de la société anonyme (16.077). Elle a adopté le projet par 14 voix contre 10 et 1 abstention lors du vote sur l’ensemble. Une minorité de la commission propose de ne pas entrer en matière sur le projet, tandis qu’une seconde minorité propose de le renvoyer au Conseil fédéral. 

​Depuis novembre 2017, la commission s’est penchée à plusieurs reprises, dans le cadre de la discussion par article, sur le projet de révision du droit de la société anonyme. Au cours de cet examen approfondi, elle a notamment pris les décisions suivantes:

Contre-projet indirect à l’initiative pour des multinationales responsables

A sa dernière séance, la commission s’était déclarée favorable, sur le principe, à l’élaboration d’un contre-projet indirect dans le cadre de la révision du droit de la société anonyme (cf. communiqué de presse de la CAJ-N du 20 avril 2018). Elle a maintenant terminé l’examen des diverses dispositions du contre-projet. Elle a notamment décidé, en ce qui concerne la responsabilité des sociétés mères par rapport aux dommages causés par les entreprises qu’elles contrôlent, d’exclure explicitement toute responsabilité relative au comportement des fournisseurs. La commission a approuvé ce contre-projet indirect par 14 voix contre 10 et 1 abstention. Une minorité souhaite abandonner l’idée d’un tel contre-projet et propose à son conseil de biffer les dispositions concernées du projet relatif au droit de la société anonyme. A sa prochaine séance, la commission adoptera un rapport explicatif sur le contre-projet.

Actions de loyauté

La commission a décidé que les statuts peuvent prévoir divers avantages pour les actions dont le propriétaire est inscrit depuis au moins deux ans au registre des actions en tant qu’actionnaire disposant du droit de vote. Les actionnaires en question pourraient ainsi bénéficier non seulement du versement d’un dividende plus élevé et d’un remboursement plus élevé de réserves issues du capital, mais aussi d’un droit de priorité et d’un prix d’émission préférentiel lors de l’émission de nouvelles actions ou de l’octroi d’un droit d’option. Une minorité rejette l’introduction d’actions de loyauté. 

Prise de décision par l’assemblée générale

Par 10 voix contre 5 et 5 absentions, la commission a décidé que l’assemblée générale devait prendre ses décisions et procéder aux élections à la majorité des voix attribuées aux actions représentées, à moins que la loi ou les statuts n’en disposent autrement. Une minorité souhaite conserver le système prévu par le projet du Conseil fédéral et soumettre les élections et la prise de décisions à la règle de la majorité des voix exprimées.

Marge de fluctuation du capital

Par 15 voix contre 7, la commission a décidé d’approuver l’introduction de la nouvelle institution juridique que constitue la marge de fluctuation du capital. Celle-ci offre à l’assemblée générale la possibilité d’autoriser le conseil d’administration à augmenter ou à réduire le capital-actions dans certaines limites et pendant une durée n’excédant pas cinq ans.
S’écartant du projet du Conseil fédéral, la commission propose, par contre, de restreindre la marge de fluctuation en cas de réduction du capital: elle veut que la limite inférieure de la marge ne puisse pas être inférieure au capital-actions de plus d’un quart de celui-ci. La commission propose en outre de réduire à deux ans la durée maximale de l’autorisation donnée au conseil d’administration lorsque la marge de fluctuation entraîne une réduction de plus d’un dixième du capital-actions. Une minorité de la commission propose de suivre le projet du Conseil fédéral pour ce qui est de la limite inférieure et de la durée maximale de la marge de fluctuation du capital. Une autre minorité s’oppose catégoriquement à l’introduction de la marge de fluctuation du capital.

Reprise de biens

Contrairement à ce que prévoit le Conseil fédéral, la commission propose, par 20 voix contre 3 et 1 abstention, de maintenir la reprise de biens en tant que procédé qualifié lors de la fondation ou de l’augmentation de capital. Si elle reconnaît que la réglementation en vigueur comporte des lacunes et pose des problèmes d’ordre pratique, la commission estime que la suppression des dispositions relatives à la reprise de biens aurait pour conséquence indésirable d’affaiblir la protection du capital. C’est pourquoi elle propose de combler les lacunes de la réglementation actuelle et de créer une sécurité juridique par rapport au champ d’application des dispositions concernant la reprise de biens.

Restitution de prestations

Par 18 voix contre 4 et 2 abstentions, la commission propose que la possibilité d’exiger la restitution des prestations indûment perçues prévue à l’art. 678 CO soit octroyée uniquement aux sociétés et aux actionnaires. Le projet du Conseil fédéral prévoit d’étendre ce droit aux créanciers lorsque la prestation a été effectuée en faveur d’une société du même groupe.

Valeur nominale minimale

La commission a décidé, par 12 voix contre 11, de réduire la valeur nominale minimale des actions à une valeur supérieure à zéro. Une minorité propose de conserver le droit en vigueur et de fixer la valeur nominale minimale à un centime.

Accès aux tribunaux civils: supprimer l’effet prohibitif des coûts élevés

La commission estime qu’il est urgent de modifier la manière dont sont réglementés les coûts de la justice civile. Elle soutient donc à l’unanimité une motion du Conseil des Etats qui vise à charger le Conseil fédéral d’adapter les dispositions concernées du code de procédure civile (17.3868 é Mo. Conseil des Etats (Janiak). Faciliter l’accès aux tribunaux civils). L’objectif est d’éviter que des coûts excessifs empêchent une large frange de la population d’accéder aux tribunaux civils.

Modifier le droit des faillites s’agissant des biens numériques

A l’unanimité, la commission soutient une initiative parlementaire visant à régler expressément, dans le droit des faillites, le destin des biens numériques en cas de faillite (17.410 n Iv. pa. Dobler. Les données étant le bien le plus précieux des entreprises privées, il convient de régler leur restitution en cas de faillite). A supposer que son homologue du Conseil des Etats approuve cette décision, la commission se penchera dans un deuxième temps sur la question de la mise en œuvre de l’initiative.

La commission a siégé les 2 et 3 mai 2018 à Berne, sous la présidence du conseiller national Pirmin Schwander (UDC/SZ).