La Commission de l’économie et des redevances du Conseil des États (CER-E) s’est penchée sur trois motions (24.3146, 24.3159 et 24.3374) visant à soutenir l’industrie sidérurgique suisse et propose à son conseil de les adopter. Aux yeux de la majorité de la commission, ces motions complètent les mesures immédiates actuellement en discussion au sein de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national (CEATE-N). Le Conseil fédéral est ainsi chargé de prendre rapidement des mesures supplémentaires pour maintenir la production d’acier en Suisse. – Après avoir procédé à des auditions et mené une discussion approfondie sur le sujet, la commission ne souhaite pas entrer en matière sur le projet visant à introduire un contrôle des investissements (23.086), contrairement au Conseil national, qui avait lui largement soutenu le projet. Le Conseil des États se prononcera vraisemblablement lors de la session de printemps 2025.

Lors des auditions que la commission avait décidé de mener au sujet de la loi sur l’examen des investissements étrangers (cf. son communiqué de presse du 22 octobre 2024), des représentants de la Conférence des cheffes et chefs des départements cantonaux de l’économie publique et de différentes associations (Asset Management Association Switzerland, economiesuisse, Union suisse des arts et métiers, Swiss Holdings, Association Immobilier Suisse) ont exposé leur position sur le projet du Conseil fédéral et sur les extensions décidées par le Conseil national. Par 8 voix contre 4, la commission a ensuite décidé de ne pas entrer en matière sur le projet. Dans la mise en balance entre intérêts de sécurité et intérêts économiques, les inconvénients qui découleraient de l’introduction d’un contrôle des investissements l’emportent aux yeux de la commission. La petite économie ouverte qu’est la Suisse souffrirait excessivement de l’affaiblissement de l’attractivité de sa place économique et de la sécurité juridique. Le contrôle prévu rendrait beaucoup plus compliqués les investissements directs étrangers qui ne posent pas de problème sur le plan stratégique et sont absolument nécessaires. En outre, il faut s’attendre à ce que la Suisse fasse l’objet de mesures de rétorsion d’autres pays si elle s’engage sur cette voie. S’agissant de l’extension des critères décidée par le Conseil national, la commission considère qu’elles représenteraient un empiètement excessif sur les compétences cantonales. Enfin, comme les infrastructures critiques sont en grande partie en mains publiques, la majorité estime que le risque d’acquisitions indésirables d’un point de vue stratégique est limité. Une minorité propose au Conseil des États d’entrer en matière sur le projet, considérant que, dans le contexte géopolitique actuel, il convient au moins de mener une discussion politique concernant l’introduction d’un contrôle des investissements. Contrairement à la majorité, elle estime qu’il n’existe actuellement pas d’instrument suffisamment efficace pour protéger la Suisse contre les investissements directs qui posent problème sur le plan stratégique. Le Conseil des États débattra de la proposition de sa commission vraisemblablement lors de la session de printemps 2025.​

Avant de se prononcer sur les motions en faveur de l’industrie sidérurgique, la commission a été informée en détail des mesures déjà mises en place par le Conseil fédéral, notamment en faveur de l’aciérie Stahl Gerlafingen, par les chefs du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche et du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication. Elle a en outre pris connaissance du fait que la CEATE-N devrait bientôt se prononcer sur la nécessité de prendre des mesures immédiates concrètes (cf. communiqué de presse de la CEATE-N du 22 octobre 2024). Une partie de la commission a donc demandé que les motions soient suspendues, proposition que la CER-E a toutefois rejetée par 7 voix contre 6. La commission propose à son conseil d’adopter la motion 24.3146 (par 7 voix contre 5) et la motion 24.3159 (par 7 voix contre 6 et 1 abstention), qui chargent le Conseil fédéral de prendre des mesures immédiates pour sauver l’aciérie de Gerlafingen ; elle propose également d’adopter la motion 24.3374 (8 voix contre 2 et 3 abstentions), qui charge le Conseil fédéral d’accorder un financement transitoire à l’industrie sidérurgique afin de conserver la production en Suisse et de préserver dans ce domaine l’économie circulaire. La majorité estime que ces motions visent à soutenir le Conseil fédéral dans la poursuite et la mise en œuvre des mesures planifiées. Elle souligne que les motions sont délibérément formulées de manière ouverte, et n’exigent pas de recourir au droit de nécessité. Elle considère que, même si, sur le principe, l’on n’est pas favorable à une politique industrielle, il y a lieu de prendre des mesures au vu de la menace existentielle qui pèse sur les aciéries de Gerlafingen et d’Emmenbrücke. Selon elle, dans l’intérêt de la sécurité d’approvisionnement du pays et de la durabilité, il faudrait créer des conditions-cadres permettant de garantir la survie de l’industrie sidérurgique suisse. La minorité de la commission se rallie aux arguments du Conseil fédéral. Elle soutient ses efforts et ne souhaite pas lui confier de nouveaux mandats, d’autant plus que la CEATE-N a déjà entamé des démarches en ce sens. Elle ne veut pas non plus créer de précédent : d’autres branches industrielles — comme l’industrie du ciment ou les scieries — pourraient également demander des mesures de soutien à la Confédération en faisant référence à la sécurité d’approvisionnement et à la durabilité. Le Conseil des États se penchera sur les motions à la session d’hiver.

Interventions dans le domaine du droit des cartels

Malgré les travaux déjà entamés par le Conseil fédéral pour réformer les autorités de la concurrence, la commission soutient l’objectif de la motion 23.3224 et propose donc à son conseil, par 8 voix contre 3 et 2 abstentions, d’adopter cette intervention. La commission souhaite ainsi signaler sa volonté de s’attaquer, d’une part, à la problématique de la séparation institutionnelle entre l’autorité qui mène l’instruction et celle qui statue et, d’autre part, à la question de la durée des procédures. Afin d’accélérer les procédures, la commission propose, par 7 voix contre 1 et 2 abstentions, d’adopter également la motion 22.4404. Elle considère que le système actuel est extrêmement problématique, en particulier pour les PME, en raison de l’insécurité juridique qui résulte de la longue durée des procédures, et qu’il nuit à la confiance des milieux économiques dans la loi sur les cartels.

Par 6 voix contre 4 et 2 abstentions, la commission propose de rejeter la motion 22.3838, qui vise à limiter la marge de manœuvre des constructeurs et des importateurs de véhicules dans la conception de leurs modèles de distribution, afin de maintenir la concurrence sur le marché automobile. La majorité de la commission partage l’avis du Conseil fédéral selon lequel une telle réglementation correspondrait de facto à une obligation de contracter et constituerait donc une atteinte considérable à la liberté économique inscrite dans la Constitution. Elle estime en outre que les acteurs du marché peuvent s’appuyer sur les conditions-cadres en vigueur en matière de droit des cartels dans tous les types de modèle de distribution. Une minorité de la commission soutient l’objectif de la motion. Au vu de la réduction constante de la densité du réseau commercial, en particulier dans les régions périphériques, elle considère qu’il est nécessaire de prendre des mesures pour compenser la dépendance des petits acteurs vis-à-vis des grands constructeurs et importateurs et pour favoriser la concurrence au profit des consommatrices et des consommateurs.

N’ayant pas eu le temps de pencher sur les motions de même teneur 22.3976 et 22.3977 («Supprimer les commissions d’interchange pour les opérations de paiement des cartes de débit»), la commission a décidé de reporter leur examen à une séance ultérieure.

La commission a siégé le 14 novembre 2024 à Berne sous la présidence du conseiller aux États Hans Wicki (PLR, NW) et, en partie, en présence des conseillers fédéraux Guy Parmelin et Albert Rösti.