La Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a décidé, à l’unanimité, de rejeter la motion 16.4129, déposée par la conseillère nationale Doris Fiala. Cette motion vise à préciser les critères applicables à la surveillance des fondations ecclésiastiques qui se trouvent sous la surveillance des communautés religieuses auxquelles elles appartiennent et, au besoin, à placer les fondations ecclésiastiques sous surveillance étatique.

​La commission s’est penchée pour la deuxième fois sur la motion Fiala 16.4129. Lors du premier examen, elle avait proposé au Conseil des Etats de l’adopter. Celui-ci a toutefois renvoyé la motion à la commission, en la chargeant de vérifier si l’intervention devrait être modifiée par le second conseil en ce sens que les fondations qui appartiennent à une Eglise nationale reconnue pourraient être exemptées des nouvelles règles prévues. La commission s’est donc à nouveau intéressée de près à la surveillance des fondations ecclésiastiques et a auditionné les communautés religieuses concernées.

Elle est parvenue à la conclusion que les mesures demandées par la motion n’étaient pas pertinentes par rapport à la prévention de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme qui est visée. D’une part, les auditions ont montré que les fondations appartenant à des églises qui ne sont pas reconnues de droit public relèvent déjà du droit commun et sont donc soumises à une surveillance étatique. D’autre part, la commission rappelle que, selon le droit en vigueur, une fondation n’existe en tant que fondation ecclésiastique (art. 87 du code civil), ce qui lui permet d’être inscrit au registre du commerce que si les compétences de surveillance de la communauté religieuse à laquelle elle appartient sont au moins aussi étendues que celles que le législateur prévoit pour la surveillance étatique des fondations. En outre, la commission souligne que la prévention et la poursuite du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme sont en premier lieu des tâches des autorités de poursuite pénale et qu’elles ne peuvent être accomplies que de façon limitée dans le cadre de la surveillance des fondations. La commission estime par ailleurs que la problématique devrait être abordée indépendamment de la forme juridique, d’autant plus que les flux de paiement des associations religieuses peuvent également jouer un rôle dans le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. La commission souhaite éviter expressément toute distinction discriminatoire entre les Eglises nationales et les autres communautés religieuses. Eu égard à ces considérations, elle est revenue à l’unanimité sur sa proposition initiale et propose au Conseil des Etats de rejeter la motion Fiala 16.4129.

Lieux de culte musulmans

La commission a rejeté la motion Quadri 16.3330 par 10 voix contre 0 et 1 abstention. S’inspirant des règles en vigueur en Autriche, la motion vise l’interdiction pour les lieux de culte et les prédicateurs musulmans de recevoir des financements étrangers. Elle prévoit en outre l’obligation pour les centres musulmans de déclarer la provenance et l’utilisation des financements dont ils bénéficient et de prêcher dans la langue locale. Sur le principe, la commission considère qu’il est problématique de mettre l’accent, dans la législation, sur une communauté religieuse particulière. Elle souligne que contrairement à la Suisse, l’Autriche, par une législation qui remonte à l’Empire austro-hongrois, accorde à l’échelle nationale un statut de droit public à certaines communautés religieuses et que les dispositions relatives à leur financement vont de pair avec une telle reconnaissance. La commission est d’avis qu’il existe d’autres moyens pour lutter contre les tendances extrémistes de certaines communautés et certains prédicateurs musulmans, renvoyant notamment à la nouvelle loi sur le renseignement ainsi qu’au plan d’action national de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent, adopté le 4 décembre 2017. Enfin, elle rappelle qu’afin de pouvoir bénéficier d’une autorisation de séjour ou de séjour de courte durée, les personnes qui dispensent un enseignement religieux doivent déjà disposer à l’heure actuelle de connaissances de la langue nationale parlée sur leur lieu de travail et connaître les systèmes social et juridique suisses (art. 7 de l’ordonnance sur l’intégration des étrangers).

Oui à la codification du trust

Tout comme son homologue du Conseil national, la commission du Conseil des Etats soutient l’introduction du «trust» dans l’ordre juridique suisse. Elle a donc approuvé, par 6 voix contre 3 et 1 abstention, une initiative parlementaire allant dans ce sens (16.488 Fabio Regazzi «Codifier le trust dans la législation suisse»). La commission est toutefois d’avis que l’élaboration des dispositions législatives doit incomber en premier lieu au Conseil fédéral; c’est pourquoi elle a décidé, par 7 voix contre 1 et 1 abstention, de déposer une motion de commission chargeant ce dernier d’établir un projet d’acte (18.3383).

Les jugements de 1933 ne doivent pas être annulés

La commission a procédé à l’examen préalable de l’initiative 17.300 «Réhabilitation des sept manifestants condamnés suite à la manifestation du 9 novembre 1932», déposée par le canton de Genève. Par cette initiative, le Grand Conseil de la République et Canton de Genève demande à l’Assemblée fédérale d’annuler les jugements d’une cour d’assises fédérale du 3 juin 1933 et de pleinement réhabiliter les sept manifestants condamnés. La commission peut comprendre les raisons qui ont poussé ces personnes à manifester contre des organisation antidémocratiques et antisémites en 1932. Par 5 voix contre 3 et 2 abstentions, elle s’oppose toutefois à l’annulation des jugements prononcés à leur encontre, car elle estime que ceux-ci ont été rendus dans le respect des règles de l’Etat de droit. Une minorité de la commission souhaite que la revendication du canton de Genève soit examinée par l’Assemblée fédérale et propose que les personnes concernées soient réhabilitées, de sorte à tenir compte du regard porté aujourd’hui sur ces évènements historiques.

Autres objets

  • La commission partage le point de vue de son homologue du Conseil national, selon lequel l’art. 122 de la loi sur le Tribunal fédéral présente une lacune. C’est pourquoi elle a décidé, à l’unanimité, de donner suite à l’initiative parlementaire 16.461 «CEDH et casier judiciaire, réparation in integrum», déposée par le conseiller national Yves Nidegger. Cette initiative retourne donc à la commission du Conseil national, qui va maintenant pouvoir élaborer un projet ad hoc.
  • Par 5 voix contre 5 et avec la voix prépondérante de son président, la commission a décidé d’approuver la décision de son homologue du Conseil national de donner suite à l’initiative parlementaire 16.470. Déposée par le conseiller national Fabio Regazzi, cette initiative vise à aligner l’intérêt moratoire appliqué par la Confédération sur les taux du marché.

La commission a siégé à Berne le 26 avril 2018, sous la présidence du conseiller aux Etats Robert Cramer (G, GE).