La pandémie a mis à mal les habitudes de travail du Parlement fédéral. Pour s’adapter à la situation sanitaire, plusieurs solutions ont été développées au fil du temps afin que les députés puissent continuer de siéger. Après BernExpo et l’achat de plaques de Plexiglas, le débat porte à présent sur le vote en ligne.

« Actuellement, nous étudions un modèle où plusieurs parlementaires en quarantaine ou malades pourraient participer aux votes sans entraves. » Andreas Wortmann est responsable des infrastructures des Services du Parlement. Son équipe se prépare à la mise en œuvre d’une initiative parlementaire de la Commission des institutions politiques du Conseil national, qui prévoit que les conseillers nationaux absents en raison du Covid-19 puissent voter à distance (CIP-N ; 20.483). La CIP-N a soumis le 1er décembre un projet de modification urgente de la loi sur le Parlement à son conseil. Cette modification pourrait entrer en vigueur déjà pour la troisième semaine de la session d’hiver (voir Communiqué de presse). 

Mise à jour

Le 10 décembre 2020, le projet de la CIP-N est accepté au Conseil national par 125 voix contre 65 et 4 abstentions, et au Conseil des Etats par 25 contre 7 et 5 abstentions. Le projet entre en vigueur pour la troisième semaine de la session d’hiver, le lundi 14 décembre 2020. Placée en quarantaine préventive, la conseillère nationale vaudoise Sophie Michaud Gigon devient le même jour la première parlementaire de l'histoire suisse à voter depuis son domicile.

Des solutions durables

Depuis le début de la crise, Andreas Wortmann a eu à gérer différents scénarios pour que le Parlement fonctionne conformément aux mesures sanitaires. D’abord le déménagement à BernExpo pour la session extraordinaire de mai et la session d’été (lire également : La longue course du Parlement vers sa digitalisation).

Andreas Wortmann explique les préparatifs liés à la session extraordinaire à BernExpo

Cette solution a permis de maintenir les distances sociales mais elle était coûteuse. Plusieurs options ont donc été examinées pour que la session d’automne puisse se dérouler au Palais du Parlement. Par exemple, répartir les parlementaires dans les salles des Conseils, sur les tribunes des visiteurs et dans les salles de séance, afin de créer la distance physique nécessaire: « Nous aurions loué le même système de vote qu’à BernExpo. Notre proposition était de développer une interface pour intégrer les votes directement dans le système informatique. A BernExpo, on les a enregistrés dans un fichier Excel et intégrés à notre système informatique après la session. Ce n’était pas idéal. »

La Délégation administrative, autorité suprême de l’administration du Parlement, a préféré faire installer des parois de plexiglas  (voir Communiqué de presse). A l’heure où l’on parle beaucoup du danger des aérosols, Andreas Wortmann se montre serein: « L’OFCL a calculé que l’air est intégralement changé dans les deux salles entre une et deux fois par heure ; cela monte jusqu’à 8,5 fois par heure dans les tribunes du Conseil national et 15 fois par heure dans celles du Conseil des Etats ». La circulation se faisant de bas en haut, dans des salles de plus de 10 mètres sous plafond, le risque que les parlementaires soient infectés par le biais d’aérosols semble extrêmement faible.


La salle du Conseil des Etats, dotée de ses parois en plexiglas

Siéger on line

Avec l’initiative de la CIP-N, le projet d’un système de vote en ligne revient sur le devant de la scène, mais uniquement pour les membres du Conseil national absents en raison du Covid-19. « La maladie ou la quarantaine sont annoncés au plus tard la veille au ou à la secrétaire du conseil, qui l’enregistre dans le système. La ou le député absent s’authentifie sur ParlNet, une plateforme dédiée au travail parlementaire. Là, il se connecte à une page Web spécialement conçue pour les votes à distance. Au moment du scrutin, un lien s’affiche sur cette page avec les options de vote. Le choix du député s’affiche ensuite directement, comme s’il était dans la salle », explique Andreas Wortmann. Selon le texte de l’initiative, cette solution prendrait fin au plus tard un an après son entrée en vigueur.

Le meeting skype aurait été une autre option, avec un vote des absents à voix haute. Mais ce processus prendrait trop de temps au conseil, s’il s’avère que beaucoup de parlementaires manquent.

Quid du Parlement virtuel ? : « Mettre sur pied un parlement intégralement virtuel demande plus de temps. Il faut réfléchir non seulement à l’organisation des débats ou aux élections, mais aussi à tout ce qui est de l’ordre des concertations entre parlementaires. Sans oublier le système de backup en cas de panne des serveurs ou de la connexion Swisscom. » Un groupe de travail développe actuellement le catalogue d’exigences pour un Parlement virtuel. Il faudra ensuite déterminer quel système, déjà existant ou à développer, est à même de le remplir. Mais au final, c’est bien une décision politique qui déterminera la mise en œuvre ou non de cette option. 

Ce que dit la loi

La Constitution fédérale stipule que les conseils se réunissent régulièrement (…) (art. 151, al.1) et qu’ils ne peuvent délibérer valablement que si la majorité des membres est présente (art. 159, al. 1). Selon la loi sur le Parlement, l’Assemblée fédérale siège à Berne (art. 32, al. 1). Exceptionnellement, elle peut décider de siéger ailleurs qu’à Berne par voie d’arrêté fédéral simple (al. 2). Ces dispositions partent du principe que les députés sont physiquement présents lorsqu’ils siègent.

L’introduction à titre temporaire du vote à distance nécessite donc que le Parlement adopte une loi fédérale urgente dérogeant à la Constitution: Lorsqu’une loi fédérale déclarée urgente est dépourvue de base constitutionnelle, elle cesse de produire effet un an après son adoption par l’Assemblée fédérale si elle n’a pas été acceptée dans ce délai par le peuple et les cantons. Sa validité doit être limitée dans le temps (art 165, al. 3, Cst.).

Ce que proposent les députés

Depuis le début de la crise du nouveau coronavirus, le Parlement s’active pour assurer son bon fonctionnement. Ce ne sont pas moins de six interventions qui traitent de la question :

20.3098 : Interpellation de Doris Fiala : Coronavirus . Un Parlement virtuel serait-il une solution ?

20.423 : Iv. Pa Thomas Brunner : fonctionnement du Parlement en situation extraordinaire. Introduire des possibilités de flexibilisation adaptées à la situation

20.425 : Iv. Pa Katja Christ : Créer les conditions d’une participation numérique aux séances du Parlement

20.437 : Iv.pa CIP-N : Améliorer la capacité d’action du Parlement en situation de crise

20.3904 : Motion Marianne Binder-Keller : Création urgente des bases légales permettant aux parlementaires de participer à distance aux séances du Parlement.

20.475 : Iv. Pa CIP-N Députés absents en raison du Covid-19. Participation virtuelle aux votes.

20.483 : Iv. Pa CIP-N Vote à distance pour les membres du Conseil national empêchés dans le cadre de la crise du COVID-19 

Au-delà des difficultés légales liées à une participation virtuelle des élus aux séances, il faut aussi être attentifs aux aspects techniques, aux questions touchant à la procédure, ou à la protection des données, a répondu le Bureau du Conseil national à la motion Binder-Keller (20.3904). Il a donc estimé plus opportun que la CIP se penche sur l’objectif de la motion dans le cadre de l’examen des objets 20.423, 20.425 et 20.437.
Le 22 octobre, la CIP-N lançait l’initiative 20.475, qui demandait la création des conditions nécessaires pour que les membres des deux conseils puissent voter à distance. La commission sœur du Conseil des Etats a refusé d’y donner suite. Avec son initiative 20.483, la CIP-N propose maintenant une alternative : que seuls puissent voter à distance les absents du Conseil national.