Comme le Conseil fédéral l’a proposé et le Conseil national
l’a décidé lors de la session d’été, la Commission des affaires juridiques du
Conseil des Etats (CAJ-E) souhaite intégrer dans le droit de la société anonyme
une réglementation visant à lutter contre la corruption dans le secteur des
matières premières. Elle a ainsi approuvé, sans opposition, une proposition
selon laquelle les grandes sociétés cotées en bourse actives dans l’extraction
de matières premières devront, à l’avenir, établir chaque année un rapport sur
les paiements effectués au profit de gouvernements. Par 12 voix contre 0 et 1
abstention, la commission a également décidé de compléter ce principe en
accordant au Conseil fédéral la compétence d’étendre cette obligation de rendre
compte, dans le cadre d’une procédure coordonnée au niveau international, aux
entreprises actives dans le commerce de matières premières. Une minorité de la
commission propose que cette extension au commerce des matières premières soit
inscrite directement dans la loi. Par ailleurs, contrairement au Conseil
national, qui entend prévoir une sanction uniquement en cas de manquement
intentionnel des entreprises à l’obligation de rendre compte, la CAJ-E propose
d’introduire dans la loi une amende en cas de manquement par négligence à cette
obligation.
Lors de sa séance, la commission a en outre abordé la
question de la forme authentique en droit de la société anonyme et a mené des
auditions à ce sujet. Des représentants des cantons, des autorités de poursuite
pénale, du registre du commerce et du notariat ont critiqué la simplification
de l’obligation de la forme authentique dans le cas de sociétés aux structures
simples, proposée par le Conseil fédéral et renforcée par le Conseil national
lors de la session d’été. Contrairement aux représentants des milieux
économiques, qui attendent de cette simplification des avantages substantiels
pour la place économique suisse, la commission craint que la sécurité juridique
et le sérieux garantis par l’obligation de la forme authentique ne diminuent
lors de la création de sociétés et que le nombre de délits de faillite
n’augmente. Par conséquent, elle propose à son conseil, par 9 voix contre 0 et
1 abstention, de s’en tenir au droit en vigueur.
La commission avait déjà pris des décisions sur les trois
thèmes suivants lors de ses séances de juin et d’octobre :
- Seuils applicables à la représentation des sexes : par 6 voix contre 5 et 1 abstention, la commission s’était ralliée au projet du Conseil fédéral, qui prévoit que, dans les grandes sociétés cotées en bourse, la représentation de chaque sexe doit atteindre respectivement au moins 30% et 20% au sein du conseil d’administration et de la direction; si tel n’est pas le cas, la société concernée doit expliquer, dans un rapport, les raisons pour lesquelles les seuils fixés ne sont pas respectés. Une minorité de la commission propose que cette disposition soit limitée dans le temps. Une seconde minorité souhaiterait que cette exigence s’applique uniquement au conseil d’administration.
- Actions de loyauté : par 10 voix contre 2 et 1 abstention, la commission a décidé, dans le cadre de la révision du droit de la société anonyme qui est en cours, de renoncer à l’introduction d’une « action de loyauté ». Le Conseil national voulait en effet offrir la possibilité aux sociétés anonymes de prévoir certains avantages pour les actionnaires inscrits comme actionnaires avec droit de vote pendant plus de deux ans dans le registre des actions. Un postulat de commission demande au Conseil fédéral d’étudier de façon approfondie les conséquences potentielles d’une telle action (18.4092 é Po. CAJ-CE. Conséquences des « actions de loyauté »).
- Marge de fluctuation du capital : avec la voix prépondérante de son président, la commission propose de renoncer à introduire l’institution juridique que constitue la marge de fluctuation du capital et de conserver à la place celle de l’augmentation autorisée du capital. La marge de fluctuation du capital permettrait à l’assemblée générale d’autoriser le conseil d’administration à augmenter ou à réduire plusieurs fois le capital-actions dans une fourchette définie et pendant une durée n’excédant pas cinq ans. Une minorité de la commission propose à son conseil d’introduire la marge de fluctuation du capital.
Le Conseil fédéral chargé de réviser les dispositions relatives à la
réglementation des loyers
A sa séance du 22 août dernier, la commission avait suspendu
l’examen préalable de diverses initiatives parlementaires (16.451; 17.491;
17.493; 17.511; 17.514; 17.515) et chargé l’administration d’établir un rapport
succinct présentant les conséquences d’une éventuelle mise en œuvre de ces
initiatives. Pour la commission, il est judicieux que le Conseil fédéral soit
responsable de procéder à une révision globale des dispositions relatives à la
réglementation des loyers. C’est pourquoi elle a adopté, à l’unanimité, une
motion de commission (18.4101) chargeant le Conseil fédéral de procéder à une
révision globale des dispositions légales en vigueur relatives à la fixation
des loyers pour les habitations et les locaux commerciaux et de soumettre au
Parlement un projet équilibré visant à modifier en conséquence les titres du
code des obligations portant sur le bail à loyer et le bail à ferme. Cette
révision doit avoir pour but d’adapter les dispositions à la situation
actuelle, de les simplifier et, ainsi, de permettre des améliorations aussi
bien pour les locataires que pour les bailleurs. Parallèlement, la commission
s’est ralliée à la décision de la CAJ-N et a donné suite aux initiatives
parlementaires 16.451 (par 7 voix contre 5 et 1 abstention) et 17.493 (par 6
voix contre 4 et 3 abstentions). Elle propose par contre de ne pas donner suite
aux initiatives parlementaires 17.491 (0/5/8), 17.511 (2/8/2), 17.514 (1/9/3)
et 17.515 (0/10/3).
Iv. pa. Reynard. Lutter contre les discriminations basées sur l’orientation
sexuelle
Le projet adopté par le Conseil national durant la session
d’automne (13.407) propose de compléter la norme pénale contre le racisme (art.
261bis CP) par les critères de l’« orientation sexuelle » et de l’« identité de
genre ». Ainsi, ce projet va plus loin que l’initiative parlementaire précitée,
qui ne requiert que l’inclusion de « l’orientation sexuelle » dans l’infraction
pénale visée à l’art. 261bis CP. L’ajout du critère de « l’identité de genre »
se fonde sur la réflexion selon laquelle les personnes transsexuelles ou
intersexuelles sont souvent victimes de crimes et de délits de haine ainsi que
de discriminations au même titre que les personnes homosexuelles ou
bisexuelles. La commission a décidé, par 9 voix contre 2 et 1 abstention,
d’entrer en matière sur le projet.
Le Conseil fédéral propose de renoncer à l’ajout, dans la
norme pénale concernée, du critère de « l’identité de genre » et de se limiter
à celui du critère de « l’orientation sexuelle ». La commission a décidé, par 6
voix contre 6 et 1 abstention, de se rallier au projet du Conseil national. Une
minorité de la commission propose de suivre la proposition du gouvernement.
Limitation de la possibilité d’appliquer les dispositions du droit pénal
relatives à la réparation
A l’instar du Conseil national, la CAJ-E a approuvé le
projet de loi de son homologue du Conseil national (CAJ-N), qui prévoit de
restreindre le champ d’application de l’art. 53 du code pénal (10.519 n iv. pa.
Vischer Daniel. Modifier l’article 53 CP). A l’avenir, l’exemption de peine en
cas de réparation ne devrait plus être possible que si la peine encourue est
une peine privative de liberté d’un an au plus avec sursis, une peine
pécuniaire avec sursis ou une amende et que l’auteur a admis les faits. La
commission a approuvé le projet par 11 voix contre 0 et 2 abstentions lors du
vote sur l’ensemble.
La commission a siégé à Berne les 5 et 6 novembre 2018, sous
la présidence du conseiller aux Etats Robert Cramer (V, GE).