La Délégation des Commissions de gestion (DélCdG) a adopté son rapport d’inspection sur l’affaire Crypto AG le 2 novembre 2020. Elle a découvert lors de ses investigations que le service de renseignement suisse avait également bénéficié de l’opération menée par les services de renseignement américains avec la société Crypto AG. Cette collaboration était en principe conforme au droit en vigueur. La DélCdG conclut à une coresponsabilité, sur le plan politique, des autorités suisses dans les activités de la société. En outre, la délégation s’est penchée sur la suspension des licences générales d’exportation par le Secrétariat d’État à l’économie et à ses répercussions.

Le rapport d’inspection de la DélCdG montre que le Service de renseignement stratégique (SRS), une organisation qui a précédé le Service de renseignement de la Confédération (SRC), savait depuis 1993 que des services de renseignement étrangers se cachaient derrière la société Crypto AG. Dans une seconde phase, une collaboration en matière de renseignement a eu lieu, selon l’appréciation de la délégation. Si le cadre légal permettait au service de renseignement suisse et à des services de renseignement étrangers d’utiliser conjointement une entreprise sise en Suisse pour rechercher des informations sur l’étranger, une telle collaboration avait une grande portée politique, raison pour laquelle la DélCdG considère qu’il est regrettable que les responsables politiques suisses n’en aient été informés qu’à la fin de l’année 2019. Le fait que cette collaboration ait pu être dissimulée aussi longtemps au Conseil fédéral met aussi en lumière des lacunes dans la gestion et la surveillance exercées par ce dernier. Par conséquent, le Conseil fédéral porte une partie de la responsabilité dans le fait que la société Crypto AG a exporté, pendant des années, des appareils de cryptage «vulnérables».

En décembre 2019, le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) a suspendu les licences générales d’exportation pour les appareils de cryptage vendus par les sociétés impliquées. À ce sujet, la DélCdG relève que cette procédure était illicite étant donné que les conditions légales pour un retrait des licences n’étaient pas réunies et que le droit en vigueur ne prévoit pas la possibilité de suspendre une licence. En février 2020, le SECO a déposé une plainte pénale contre inconnu auprès du Ministère public de la Confédération pour infraction à la loi sur le contrôle des biens. Le Conseil fédéral a alors décidé, en juin 2020, de suspendre sa décision relative aux demandes individuelles d’exportation des entreprises ayant succédé à Crypto AG jusqu’à la clôture de la procédure pénale. Le groupe de contrôle des exportations avait pourtant déjà conclu en mars 2020 qu’aucun motif juridique ne permettait de rejeter les demandes individuelles d’exportation. La DélCdG estime que toute entreprise suisse devrait pouvoir s’attendre à ce que ses demandes d’autorisation relatives à des exportations soient approuvées rapidement pour autant qu’aucun motif juridique ne s’y oppose. Étant donné que, dans les faits, les exportations des entreprises concernées sont bloquées depuis fin décembre 2019, la délégation considère que le Conseil fédéral a contrevenu au principe de la bonne foi.

En octobre 2020, la DélCdG a consulté le Conseil fédéral au sujet de son projet de rapport d’inspection. Le gouvernement a pris position sur le rapport le 28 octobre 2020 et a indiqué qu’aucun motif de confidentialité ne s’opposait à sa publication. La DélCdG a adopté son rapport le 2 novembre 2020 et les Commissions de gestion des deux conseils ont approuvé sa publication le 10 novembre.

Il était très important pour la DélCdG de faire autant que possible la transparence sur cette affaire. C’est la raison pour laquelle le rapport sera publié dans son intégralité, y compris les douze recommandations qu’il contient. Par contre, le rapport rédigé par l’ancien juge fédéral Niklaus Oberholzer sur mandat de la délégation, dans lequel ce dernier a traité l’ensemble des dossiers non archivés provenant de l’installation K et qui porte sur les activités susmentionnées de la société Crypto AG et des services de renseignement impliqués, ne sera lui pas publié. Ce rapport, classifié secret, contient notamment des informations qui, si elles étaient rendues publiques, pourraient nuire gravement et durablement aux intérêts du pays. Les faits pertinents pour le traitement de l’affaire sur le plan politique ont été intégrés au rapport de la DélCdG sans aller dans le détail.

Le Conseil fédéral est prié de se prononcer sur le rapport et les recommandations qu’il contient d’ici au 1er juin 2021.