Comme le Conseil fédéral, la commission rejette les mesures de conversion, dont le but est de modifier l’orientation sexuelle d’une personne. Cet avis est également partagé par plusieurs cantons où ont été déposées – et en partie adoptées – des initiatives et des interventions visant à interdire de telles pratiques. Souhaitant se faire une idée plus claire des possibilités d’interdire les mesures de conversion au niveau fédéral, la commission a décidé, à l’unanimité, de suspendre une motion en ce sens de son homologue du Conseil national (22.3889 « Interdire et sanctionner sur le plan pénal les mesures de conversion visant les personnes LGBTQ ») jusqu’à la publication du rapport donnant suite au postulat 21.4474 « Fréquence des thérapies de conversion en Suisse et nécessité de réglementer ces pratiques dans la loi ». Compte tenu des délais prévus par le droit parlementaire, la commission a d’ores et déjà dû prendre une décision concernant l’initiative du canton de Bâle-Ville (22.311 « Interdiction des thérapies de conversion en Suisse ») et celle du canton de Lucerne (22.310 « Interdiction des thérapies de conversion »). Pour éviter des doublons dans le processus législatif, la CAJ-E propose à son conseil, par 7 voix contre 5, de ne pas donner suite à ces deux initiatives.
Convention n° 190 de l’OIT sur l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail : la commission maintient de justesse le refus de ratification
À l’automne 2022, le Conseil des États avait refusé, par 24 voix contre 20 et sans abstention, d’entrer en matière sur l’arrêté fédéral portant approbation de la convention n° 190 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail (22.045). Bien que partageant l’objectif visé par la convention, il déplorait l’absence de consultation et craignait les conséquences d’une ratification pour le droit du travail en Suisse. A contrario, le Conseil national est entré en matière sur le projet par 121 voix contre 48 et 3 abstentions le 12 décembre 2022.
Par 7 voix contre 5, la CAJ-E est entrée en matière sur l’arrêté fédéral et a proposé, par 11 voix contre 1, de préciser dans le texte que la ratification ne nécessite aucune modification du droit suisse. Au vote sur l’ensemble, elle a toutefois rejeté le projet par 6 voix contre 5 et 1 abstention, ce qui équivaut à une proposition de non-entrée en matière. La majorité craint en effet que l’interprétation de la convention ne puisse donner lieu, à l’avenir, à des demandes diverses et variées risquant d’alourdir la législation suisse du travail. Forte du soutien des partenaires sociaux, la minorité considère pour sa part que la Suisse se doit de ratifier la convention, sous peine d’envoyer un signal politique très négatif au niveau international ; elle défendra sa position devant le Conseil des États lors de la session d’automne.
L’aide aux victimes de violence à l’étranger ne doit pas être étendue
Après avoir entendu une délégation de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS), la commission a décidé à l’unanimité, notamment au nom du principe de la territorialité, de proposer le rejet de quatre motions visant à indemniser les victimes de violence subie à l’étranger (motions 21.4533, 21.4534, 214535 et 214536). Elle s’est également prononcée, par 11 voix et 1 abstention, contre la possibilité qui pourrait être donnée aux cantons de prévoir des plafonds supérieurs à ceux prévus dans la loi lorsque le montant de la réparation morale est fixé par un juge (motion 22.3194) : cela risquerait selon elle de créer des inégalités de traitement. Enfin, la commission a refusé, par 7 voix contre 4 et 1 abstention, de soutenir l’initiative de la CAJ-N demandant que les victimes de violence à l’étranger aient accès aux prestations de soutien en Suisse (iv. pa. 22.456).
Pour un meilleur traitement des enfants présentant une variation des caractéristiques sexuelles
La commission propose à son conseil, à l’unanimité, de rejeter une motion du conseiller aux États Matthias Michel demandant l’interdiction pénale des interventions chirurgicales ou hormonales sur les enfants nés avec une variation des caractéristiques sexuelles (22.3355). À l’instar de l’auteur de la motion, la commission souhaite éviter les interventions inutiles, voire néfastes, sur les enfants concernés. Elle estime toutefois que cet objectif ne peut pas être atteint par une interdiction pénale, mais par la garantie que les enfants aient accès à des traitements spécifiques, prodigués par des personnes compétentes. À l’unanimité, elle a décidé de déposer une motion en ce sens (23.3967). Les deux motions seront examinées par le Conseil des États à la session d’hiver, une fois que le Conseil fédéral aura pris position.
Autres objets :
- À l’unanimité, la commission propose à son conseil d’adhérer à la convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for (23.045). Cette convention vise à augmenter la sécurité du droit en matière de relations commerciales internationales en établissant des règles uniformes sur la compétence des tribunaux en matière civile et commerciale. Le projet du Conseil fédéral met en œuvre une motion de la CAJ-E (21.3455).
- Par 7 voix contre 5, la commission a approuvé la décision de son homologue du Conseil national d’élaborer un projet d’acte afin de mettre en œuvre l’initiative parlementaire 22.455 « Améliorer la protection contre le licenciement des jeunes mères ».
- La commission propose à son conseil, par 6 voix contre 0 et 6 abstentions, de rejeter la motion 21.3884, déposée par le conseiller national Thomas Burgherr et adoptée par le Conseil national, laquelle demande au Conseil fédéral de présenter systématiquement les différences entre l’ordre juridique suisse et celui de l’UE en vue de mettre en évidence les avantages potentiels des différences de réglementation (« Avantage d’un droit suisse indépendant pour notre place économique »).
La commission a siégé à Berne le 15 août 2023, sous la présidence du conseiller aux Etats Carlo Sommaruga (PS, GE).