Par 13 voix contre 8 et 3 abstentions, la Commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-N) recommande au Conseil fédéral de procéder à la révision envisagée de l’ordonnance sur le matériel de guerre afin d’adapter les critères d’autorisation des exportations. Par 13 voix contre 12, la commission a rejeté deux propositions visant à charger le Conseil fédéral, par des motions de commission, respectivement de mener une procédure de consultation sur la question et de renoncer à réviser l’ordonnance précitée.

​La Commission a été consultée au sujet d’une révision de l’ordonnance sur le matériel de guerre prévue par le Conseil fédéral. Cette révision porte essentiellement sur trois points: premièrement, le maintien de la base industrielle doit être pris en considération en tant que critère distinct dans la procédure d’autorisation; deuxièmement, il doit être désormais possible, à titre exceptionnel, d’autoriser l’exportation de matériel de guerre vers des pays qui sont impliqués dans un conflit armé interne s’il n’y a aucune raison de penser que le matériel à exporter sera utilisé dans le conflit armé interne; troisièmement, la durée de validité des autorisations accordées doit être prolongée.

La majorité de la commission estime que la révision proposée répond au principe énoncé dans la loi fédérale sur le matériel de guerre selon lequel la Suisse doit maintenir une capacité industrielle adaptée aux besoins de sa défense. Elle estime que la situation économique est tendue dans ce secteur et que les exportations sont en recul, ce qui met en péril aussi bien le savoir-faire que les emplois. Or, l’armée suisse a impérativement besoin des connaissances techniques correspondantes ainsi que d’une base technologique et industrielle en état de fonctionner: il est donc indispensable – également pour la sécurité des citoyens suisses – d’adapter les critères d’autorisation. La majorité précise que la révision prévue n’est rien d’autre qu’une adaptation des conditions à la pratique d’autres pays européens comparables. Même avec cette révision, la pratique de la Suisse en matière d’autorisation des exportations resterait plus restrictive que les autres. Enfin, la majorité indique que les modifications voulues sont compatibles avec les engagements internationaux de la Suisse – en particulier avec le droit de la neutralité, les principes de la Suisse en matière de politique étrangère et sa tradition humanitaire.

Une minorité de la commission s’oppose à une modification de l’ordonnance: selon elle, l’argument avancé par la majorité, qui affirme que conserver la base technologique et industrielle suisse est nécessaire pour répondre aux besoins de la défense et de la sécurité du pays, est fallacieux, d’autant plus qu’actuellement déjà, une grande partie de l’armement acquis provient de l’étranger. Elle regrette en outre que la situation de l’industrie soit dépeinte en s’appuyant sur des faits insuffisamment étayés. Par ailleurs, elle critique le fait qu’il n’est guère possible de vérifier si les armes exportées vers un pays en proie à un conflit armé interne ne sont pas utilisées dans le cadre de ce conflit; il est clair pour la minorité que les possibilités d’effectuer des contrôles en la matière sont insuffisantes. Enfin, la minorité souligne qu’un assouplissement des procédures d’autorisation des exportations en matière d’armement pourrait nuire à la réputation de la Suisse sur la scène internationale.

La commission adressera une lettre au Conseil fédéral pour lui faire part de ses réflexions. Par 13 voix contre 12, elle a décidé de rejeter une proposition qui voulait obliger le Conseil fédéral, par le biais d’une motion de commission, à renoncer à toute modification de l’ordonnance.

Une autre proposition de dépôt d’une motion de commission demandant que le Conseil fédéral ouvre une procédure de consultation sur la question a elle aussi été rejetée par 13 voix contre 12. La majorité de la commission souligne en effet qu’une telle consultation ne correspond pas à la pratique, les modifications précédemment apportées à l’ordonnance n’ayant pas fait en leur temps l’objet d’une consultation. Les autres membres de la commission ont toutefois relevé qu’il serait nécessaire de lancer une procédure de consultation au vu de la portée de cette question et des nombreuses réactions qu’elle a suscitées au sein de la population.

La commission siège les 20 et 21 août 2018 à Berne, sous la présidence du conseiller national Werner Salzmann (UDC, BE) et en présence du conseiller fédéral Johann Schneider-Amman, chef du DEFR et du conseiller fédéral Guy Parmelin, chef du DDPS.