Réunies en séance commune, les Commissions de gestion (CdG) des Chambres fédérales ont adopté aujourd’hui leur rapport relatif aux cautionnements de la flotte suisse de haute mer, l’ont adressé au Conseil fédéral et l’ont publié. Leurs investigations montrent que le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) n’a pas traité ce dossier de façon suffisamment active jusqu’en juin 2015, tandis que l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays (OFAE), compétent en la matière, n’a pas respecté de manière adéquate l’obligation qui lui incombait de signaler les problèmes au DEFR. Les CdG saluent les améliorations apportées à partir de 2015 ainsi que les enseignements tirés par la Confédération en matière de cautionnements suite à ce cas. Elles formulent par contre des critiques concernant l’enquête administrative menée par le Contrôle fédéral des finances (CDF) sur mandat du DEFR dans ce dossier. 

​Suite aux événements liés à la crise des cautionnements de la flotte suisse de haute mer et au vu des conséquences financières considérables de ce dossier pour la Confédération, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont décidé fin septembre 2017 d’ouvrir une inspection à ce sujet. A cet effet, elles ont institué un groupe de travail ad hoc, qui a auditionné les principaux intervenants du dossier et analysé de nombreux documents relatifs à celui-ci. Lors de leur séance commune du 26 juin 2018, les deux CdG ont adopté le rapport final présentant leurs conclusions, dans lequel elles adressent huit recommandations au Conseil fédéral.

L’inspection des CdG est axée en particulier sur la façon dont le DEFR et le DFAE ont assumé leur rôle de surveillance à l’égard, respectivement, de l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays (OFAE, DEFR) et de l’Office suisse de la navigation maritime (OSNM, DFAE). Elle porte également sur l’information de l’ensemble du Conseil fédéral, sur les enseignements tirés de cette affaire pour les autres cautionnements et pour la gestion des risques de la Confédération ainsi que sur le rôle du CDF dans ce dossier. La vente des bateaux et l’analyse des processus et responsabilités au sein de l’OFAE n’ont par contre pas fait l’objet de l’inspection des CdG, dans la mesure où ces aspects ont déjà été ou sont traités par d’autres organes, notamment par la Délégation des finances (DélFin).

Pour les CdG, le problème central réside dans le fait que le DEFR a longtemps adopté une attitude passive envers l’OFAE et n’a pas assez remis en question les activités de l’office dans le cadre de ses tâches de surveillance. En conséquence, personne n’a réalisé, au sein du département, l’évolution critique de ce dossier. Sur ce point, il est également significatif, aux yeux des commissions, que les compétences et les responsabilités de la direction de l’office aient parfois été interprétées de façon différente au sein de l’OFAE ainsi qu’entre la tête du département et la direction de l’office, ce qui pourrait avoir contribué à l’émergence des problèmes relatifs aux cautionnements. L’enquête a également montré que l’OFAE n’avait pas suffisamment informé le DEFR et, par conséquent, qu’il n’avait pas respecté de manière adéquate l’obligation qui lui incombait de signaler les problèmes au département.

Les CdG estiment cependant que, une fois que la crise a éclaté en juin 2015, le DEFR a saisi le problème, pris des mesures et amélioré la surveillance qu’il exerçait à l’égard de l’OFAE. Elles relèvent également que, à partir de ce moment, le DEFR a informé l’ensemble du Conseil fédéral de cette problématique de manière appropriée. Fin 2016, le Conseil fédéral a décidé de ne pas proposer au Parlement le renouvellement du crédit-cadre pour les cautionnements de navires de haute mer. Concernant la surveillance exercée par le DFAE sur l’OSNM, les CdG considèrent qu’il n’y a pas lieu d’intervenir dans le cadre de la haute surveillance parlementaire.

Par ailleurs, les commissions accueillent positivement le fait que, à la suite des problèmes rencontrés dans le secteur des cautionnements de la flotte suisse de haute mer, des leçons ont été tirées dans d’autres domaines aussi. Elles mentionnent en particulier les mesures visant à mieux tenir compte, dans le cadre de la gestion des risques de la Confédération, des risques liés aux cautionnements et à d’autres engagements similaires de la Confédération.

Une autre conclusion de l’enquête des CdG concerne le CDF et l’enquête administrative menée par celui-ci, sur mandat du DEFR, au sujet des événements survenus au sein de l’OFAE. Les CdG sont clairement d’avis que le DEFR n’aurait pas dû confier cette enquête administrative au CDF et que le CDF n’aurait pas dû mener celle-ci, en raison de problèmes d’indépendance et de l’absence de base légale claire. De plus, elles estiment que l’enquête n’a pas été menée avec la rigueur requise, considérant que l’ancien chef de l’Etat-major de l’OFAE (1991-2012) et l’ancienne déléguée à l’approvisionnement économique du pays (2006-2015) n’ont pas été inclus de manière adéquate dans celle-ci. Sur le fond, les CdG se demandent finalement si le CDF est un organe approprié pour mener une enquête administrative sur mandat d’un département. Dans ce contexte, il y a lieu de critiquer également le DEFR, qui a apparemment sous-estimé la question de l’indépendance du CDF.

Sur la base de ces constatations, les CdG ont formulé huit recommandations à l’intention du Conseil fédéral et ont prié ce dernier ainsi que le CDF de prendre position jusqu’au début du mois d’octobre.

Les CdG ont siégé à Berne le 26 juin 2018, sous la présidence de la conseillère aux Etats Anne Seydoux-Christe (PDC, JU) et du conseiller national Erich von Siebenthal (UDC, BE).