La Commission des affaires juridiques du Conseil national a entendu une délégation de la fondation « Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante » et a longuement débattu de la question de l’accès à la justice dans le cas de « dommages différés ». En ce qui concerne la prescription, elle entend garantir la sécurité juridique et exclut une éventuelle rétroactivité du nouveau droit : c’est ainsi que pourra être mis en place un cadre favorable au financement et au fonctionnement de la fondation précitée. En allongeant le délai de prescription absolu, la commission souhaite améliorer dorénavant l’accès à la justice des personnes souffrant de dommages corporels pour lesquels la période de latence est particulièrement longue.

​Par 15 voix contre 9, la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) propose à la Chambre basse de maintenir sa décision de porter à 20 ans le délai de prescription absolu en cas de dommage corporel (13.100). Cela devrait permettre à la plupart des personnes souffrant de dommages qui n’apparaissent que de nombreuses années après le fait qui les a causés d’avoir accès à la justice. La commission entend améliorer ainsi la situation juridique des futures victimes de «dommages différés» et tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). La CEDH avait critiqué, dans un arrêt, le délai de prescription absolu prévu par le droit suisse, le jugeant trop court puisqu’il avait empêché une victime de l’amiante de faire examiner son cas, du point de vue matériel, par un tribunal. La prolongation du délai de prescription n’aura aucune incidence sur les exigences relatives à l’administration des preuves. Une minorité souhaite s’en tenir au délai de prescription absolu de dix ans prévu par le droit en vigueur. La CAJ-N propose de biffer du projet de loi la disposition spéciale que le Conseil des Etats avait élaborée pour les dommages corporels causés par l’amiante. Afin de garantir la sécurité et la paix juridiques, elle souhaite exclure la rétroactivité du nouveau droit de la prescription. Elle souligne que, s’agissant des victimes de l’amiante dont la maladie est apparue sous le régime juridique actuel, la fondation «Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante» (EFA) leur assure une indemnisation appropriée. Renoncer à toute rétroactivité du nouveau droit de la prescription empêchera l’afflux de plaintes et permettra aux donateurs potentiels de la fondation EFA de fournir effectivement les contributions financières promises. La certitude ainsi garantie sur l’issue de la révision du droit de la prescription assurera un financement suffisant à la fondation et une indemnisation équitable des victimes de l’amiante, précise la commission.
Par 21 voix contre 1 et 1 abstention, la CAJ-N a rejeté une proposition visant à déposer une motion de commission afin que la Confédération fournisse une contribution financière à la fondation susmentionnée.

La commission se félicite des simplifications apportées au droit international en matière de faillite

Par 24 voix contre 0 et 1 abstention, la commission a approuvé au vote sur l’ensemble le projet portant sur le droit international en matière de faillite (17.038 é Loi sur le droit international privé. Chapitre 11: faillite et concordat). Celui-ci vise à simplifier la procédure de reconnaissance des décisions de faillite étrangères et à améliorer le statut des créanciers de la succursale suisse d’une société étrangère insolvable.

Limiter la possibilité d’appliquer les dispositions du droit pénal relatives à la réparation

La commission a poursuivi ses travaux de mise en œuvre de l’initiative parlementaire concernant l’exemption de peine en cas de réparation en droit pénal (10.519 n Iv. pa. Vischer Daniel. Modifier l’article 53 CP). Après avoir pris connaissance des résultats de la consultation, elle a décidé, par 19 voix contre 5, d’élaborer un projet d’acte. Une minorité préconise la non-entrée en matière sur le projet et le classement de l’initiative. Par 14 voix contre 11, la CAJ-N a opté pour la variante 1 de l’avant-projet, laquelle a également eu la préférence de la majorité des participants à la consultation: l’exemption de peine en cas de réparation ne devrait plus être possible que si la peine encourue est une peine privative de liberté avec sursis ou une amende. Une minorité de la commission préfère la variante 2, qui va plus loin en réduisant le plafond à une peine pécuniaire avec sursis ou une amende.

Pour un meilleur équilibre entre transparence de la justice et respect de la sphère privée

La commission s’est penchée sur l’iv.pa. 17.437 Addor «Pour une publicité des jugements plus respectueuse des droits de la personnalité et de la sphère privée des parties», qui demande une limitation du champ d’application du principe de publicité aux seuls jugements rendus en audience par les tribunaux, les ordonnances pénales en étant exclues. Soucieuse à la fois d’éviter les atteintes à la sphère privée et de préserver la transparence de la justice, la CAJ-N a décidé, par 14 voix contre 8 et 2 abstentions, de déposer plutôt une motion de commission (18.3004) par laquelle elle charge le Conseil fédéral de soumettre un projet de modification du Code de procédure pénale visant à ce que les ordonnances de non-entrée en matière et les ordonnances de classement ne soient pas publiques. Ses préoccupations ayant été entendues, le conseiller national Addor a décidé de retirer son initiative.

Examen préalable d’initiatives parlementaires

  • Estimant qu’il n’est pas nécessaire de définir dans la loi fédérale sur le droit international privé le terme d’«ordre public», la CAJ-N a rejeté, par 15 voix contre 9, une initiative parlementaire allant dans ce sens (17.488 n Iv. pa. Zanetti Claudio. Définir ce qu’est l’ordre public suisse, pour éviter que la charia n’entre par la petite porte). Une minorité propose de donner suite à l’initiative.
  • La commission a par ailleurs appris que l’objectif de l’initiative 16.416 (n Iv. pa. Guhl. Autoriser le placement en détention de sûreté des récidivistes sexuels) pouvait être réalisé dans le cadre de la révision en cours du code de procédure pénal ; elle a donc considéré qu’il serait plus judicieux de ne pas maintenir sa décision initiale et a salué la proposition de l’auteur de l’initiative de retirer son texte.
  • Par 18 voix contre 7, la CAJ-N propose à son conseil de ne pas donner suite à l’initiative parlementaire 16.489 (Iv. pa. Pardini. Garantir l’emploi des salariés âgés). Une minorité propose d’y donner suite.

La commission a siégé à Berne les 25 et 26 janvier 2018, sous la présidence du conseiller national Pirmin Schwander (UDC / SZ).