La version orale fait foi

 

Chers Collègues du Conseil national et du Conseil des Etats,
Chère Artiste,
Mesdames et Messieurs les Invités,

 

On dit que l’art du consensus est une vertu suisse ; qu’elle est partie intégrante de notre manière de fonctionner. Mais en politique, c’est en général la majorité qui l’emporte. J’ai donc rarement l’occasion de vivre la mise en pratique de cette vertu si typiquement suisse.

Voici sous nos yeux l’exception qui confirme la règle, puisque cette œuvre a été adopté à l’unanimité par le jury. Composé de neuf personnes, et présidé par la conseillère nationale et présidente du Conseil national de l’époque Christa Markwalder, les membres de ce jury avaient pourtant à choisir entre 13 projets, d’artistes sélectionnés au préalable. Mais à y bien réfléchir :  pouvait-on attendre autre chose que l’unanimité pour un projet baptisé « Consensus » ?

En réalité, l’œuvre que nous admirons ici ne parle pas que de consensus. Les jurés ont choisi de donner la place à une œuvre qui raconte une Suisse jusqu’alors bien peu – voire pas du tout – thématisée dans ce palais. 

 

Je m’explique : Hans Wilhelm Auer, l’architecte du Palais du parlement, avait décidé qu’il serait la « maison des Suisses ». Chaque région du pays a participé à l’élaboration de cet ouvrage – et pas seulement avec ses impôts ! Ainsi, les pierres viennent de plus de 12 cantons, les parquets ont été commandés dans des entreprises de onze cantons. Auer est passé partout où l’artisan lui semblait mériter commande.  Au final, 95 % des matériaux et des artistes qui ont participé à l’élaboration de ce monument sont suisses – Auer a réussi son pari.

Passons maintenant à l’œuvre d’Annaïk Lou Pitteloud : sous chaque fenêtre, vous pouvez voir un mot, décliné dans les quatre langues nationales et en anglais. Il s’agit de synonymes du mot « consensus ». L’artiste a mené une enquête, en invitant des personnes à désigner parmi une sélection de termes ceux qui leur semblaient les plus appropriés pour définir l’idée de consensus. Pour chaque mot, elle a choisi un métal, provenant des 5 continents. Ainsi, « connivence » est en platine des Etats-Unis, l’or de « compromis » vient d’Afrique du Sud, « convention » est en argent de Chine, « conciliation » en cuivre du Chili et « transaction » en nickel d’Australie.

 

Ainsi, pour la première œuvre d’art commanditée pour ce palais depuis 1902 (cela fait tout de même plus d’un siècle !), on ne retrouve aucun matériau suisse ! Serait-ce une erreur de casting ? Au contraire. Ce qui fait la Suisse et sa prospérité, c’est aussi son ouverture sur le monde. Cette ouverture et notre savoir-faire en matière de services ont fait de notre pays l’une des premières places financières au monde, et l’une des principales places de négoce des matières premières. Cette œuvre nous raconte aussi cette Suisse-là, une Suisse qui fait du commerce, une Suisse en contact constant avec le reste du monde – contacts qui sont un instrument de survie pour ce petit pays au centre de l’Europe. Cette Suisse des échanges était une référence qui manquait dans l’iconographie du Palais du Parlement. Voilà qui est réparé.

 

Soulignons encore l’importance de l’emplacement : nous nous trouvons dans le corridor donnant accès à la tribune des visiteurs du Conseil national. L’œuvre d’Annaïk Lou Pitteloud souligne ainsi le rôle du monde extérieur dans les décisions prises dans cet hémicycle. Ce message est si pertinent et important que j’ai décidé de baptiser ce vestibule « Galerie du Consensus ».


Je vous y souhaite la bienvenue et vous remercie de votre attention.