Monsieur le Président du Conseil des Etats,
Madame la Conseillère fédérale,
Monsieur le Président de la Cour européenne des droits de l’homme,
Mes chers collègues des deux chambres,

Je vous salue très cordialement

Nous sommes réunis pour marquer le 40e anniversaire de l’adhésion de la Suisse au Conseil de l’Europe. La date exacte de l’entrée de la Suisse au Conseil de l’Europe est le 6 mai. Mais seuls les conseillers nationaux étaient en session ce jour-là de sorte que nous avons décidé de marquer cet événement aujourd’hui avec nos collègues conseillers aux Etats. Cela nous permet en plus de souhaiter bon anniversaire à Ruedi Imhof, Franz Brun et à notre vice-président Jean-Philippe Maitre.

C'est à Zurich que Winston Churchill lança son fameux appel du 19 septembre 1946 à la constitution d'un Conseil de l'Europe. Mais la Suisse n'a pas toujours occupé la place qui aurait pu lui revenir au sein de cette institution. Notre pays a pris son temps avant de se décider à adhérer. Ainsi, le Conseil fédéral relevait, en 1957, que " l'ambition du Conseil de l'Europe de devenir un lieu où s'élaborerait une politique extérieure commune pourrait comporter certains inconvénients pour notre politique de neutralité, en obligeant nos délégués à prendre position dans des débats relatifs à des questions controversées. ". Fort heureusement les esprits ont évolué, et l'action décidée des parlementaires a conduit notre pays à devenir, lui aussi, membre du Conseil de l'Europe.

Il y a 40 ans - c'était le 6 mai 1963 -, les couleurs fédérales furent hissées devant le Palais de l'Europe à Strasbourg : la Suisse entrait dans la famille des nations démocratiques d'Europe. Je me permets de citer les mots du ministre des affaires étrangères d'alors, M. Wahlen : " Wir begrüssen im Europarat den edlen Versuch, als einigendes Band in der Familie der europäischen Völker den Geist zu setzen und die Macht dem Recht zu unterwerfen ".

Notre parlement a, depuis lors, toujours su que le Conseil de l'Europe avait une éminente mission à accomplir et a souvent délégué les meilleurs d'entre nous pour siéger à Strasbourg. La Suisse est fière d'apporter sa contribution à l'Assemblée parlementaire qui est devenue la conscience démocratique de l'Europe. Pensons simplement à des personnalités comme les radicaux Willy Bretscher et Ernst Mühlemann, l’indépendant Gottlieb Duttweiler, les socialistes Walther Bringolf et Max Weber, les démocrates-chrétiens Kurt Furgler et Josi Meier, les agrariens Walter Hofer et Peter Sager, ou encore le libéral Olivier Reverdin qui jusqu’ici fut le seul Suisse président de l’Assemblée parlementaire entre 1969 et 1972. Je rends hommage à l’action de nos 94 représentants qui se sont succédé à Strasbourg.

La Suisse a-t-elle toujours fait tout son devoir en tant que 17e membre d’une organisation qui en compte aujourd’hui 45 ? Probablement pas tout à fait puisque la Charte sociale européenne n’est toujours pas ratifiée alors qu’elle a été signée par le conseiller fédéral Pierre Graber il y a 26 ans !

Mais ce qui essentiel de relever en un tel jour, c’est que le Conseil de l’Europe représente l’Europe dans sa véritable dimension géographique. Il regroupe un ensemble de peuples reconnaissant les mêmes valeurs de civilisation, immortel héritage d’une Europe culturelle et d’une Europe humaine.

Mes chers collègues,
Tributaire de l’Europe et attachée comme nous le sommes à tout ce qui est européen, nous souhaitons que l’organisation de Strasbourg continuer à jouer pleinement son rôle. Nous lui reconnaissons plusieurs mérites : d’être un forum unique en son genre pour les parlementaires, les ministres et les experts, un cadre où se développe et se perfectionne la collaboration inter européenne. Rien de ce que fait le Conseil de l’Europe ne nous est indifférent.

Avec la conviction militante qui le caractérisait, Denis de Rougemont a écrit :

« L’Europe unie n’est pas un expédient moderne, économique ou politique, mais c’est un idéal qu’approuvent depuis mille ans tous les meilleurs esprits, ceux qui ont vu loin, Homère déjà qualifiait Zeus d’europos, adjectif signifiant qui voit très loin. »

Le Conseil de l'Europe et l'Union européenne ont le même emblème car leurs buts sont communs. Le Statut de Londres prône " une union plus étroite entre les membres du Conseil de l'Europe " alors que le Traité de Rome postule que les Etats-membres " sont déterminés à établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ". Comme l'a dit si poétiquement mais si lucidement le président tchèque Vaclav Havel, les douze étoiles de cet emblème ne signifient pas que l'Europe édifiera le paradis sur terre. Ces douze étoiles signifient que l'on pourrait vivre mieux sur terre si l'on osait, de temps en temps, lever les yeux vers les étoiles. Eh oui, l’Europe va de l’avant, l’euro circule, une nouvelle constitution pour une Europe réunifiée sera présentée après-demain au sommet de Salonique. Ces événements nous interpellent alors que nous les contemplons du haut de notre balcon. Faisons attention à ce qu’une  indépendance formelle ne cache pas une satellisation de fait.

Mes chers collègues,
La grande oeuvre du Conseil de l’Europe est naturellement son activité en faveur des droits de la personne humaine, grâce à la Convention européenne des droits de l’homme et grâce à la Cour que préside avec distinction notre compatriote Monsieur Luzius Wildhaber que les Bureaux ont invité pour nous adresser un message à l’occasion du 40e anniversaire que nous voulons commémorer tout à la fois sobrement mais dignement.

Je l’invite à monter à la tribune et à prononcer l’allocution solennelle destinée à marquer ce bel anniversaire.

Suit l’allocution de M. Wildhaber.

Lorsque le président Wildhaber a terminé :

Monsieur le Président de la Cour permanente des droits de l’homme,

Au nom de l’Assemblée fédérale, je vous remercie de votre message. Votre communication a été du plus grand intérêt. Nous voici excellemment renseignés sur l’activité de votre Cour. Avec ces 38 000 requêtes, vous êtes victimes du succès de votre institution !

Vous avez pleinement répondu à l’espoir que formulait le Conseiller fédéral Wahlen voici 40 ans. « Notre adhésion à l’organisation de Strasbourg – disait-il - dans le maintien plein et entier de notre neutralité, se place sous le signe de l’œuvre solidaire de tous les peuples européens pour former un avenir où la liberté sera protégée par le droit… J’espère que nous y serons aidés par les traditions et l’expérience de notre coexistence nationale ». (fin de citation).

Le 6 mai 1963, lorsque notre drapeau fut hissé devant le Palais de l’Europe, il resta bloqué à mi-mas, il fallut s’y prendre à deux fois. Aujourd’hui, votre propos n’est pas resté à mi-hauteur et a porté haut et loin l’engagement de la Suisse en faveur de la sauvegarde des libertés fondamentales.

Merci Monsieur le Président.

La séance est levée (8h30) et les travaux reprendront dans 5 minutes.