La Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) souligne que le projet du Conseil des États comporte des nouveautés importantes par rapport au droit en vigueur et s’en félicite. Elle soutient tout particulièrement la façon dont le Conseil des États a structuré les art. 189 et 190 du code pénal (CP) pour les infractions concernées et s’oppose, par 15 voix contre 7 et 3 abstentions, à l’idée d’une disposition distincte pour l’atteinte sexuelle. Néanmoins, la CAJ-N considère, contrairement au Conseil des États, que le droit pénal relatif aux infractions sexuelles doit être axé sur le principe du consentement. Avec un tel dispositif, le législateur soulignerait que les actes sexuels consensuels doivent systématiquement reposer sur le consentement des personnes qui y prennent part. Par ailleurs, la commission espère que, lorsqu’elles doivent éclaircir des faits, les autorités de poursuite pénale se concentreront davantage sur le comportement de l’autrice ou l’auteur (présumé) des faits et moins sur celui de la victime (présumée). La minorité de la commission pointe quant à elle le risque d’un droit pénal symbolique et craint que la solution du consentement ne soit associée à un renversement du fardeau de la preuve. Elle n’exclut pas que les modifications opérées dans le droit pénal matériel génèrent des attentes excessives chez les victimes d’infractions sexuelles ; leur participation à la procédure pénale restera nécessaire même si le droit matériel a été modifié. Dans ce contexte, la commission a pris acte avec satisfaction du fait que, parallèlement aux travaux de révision du droit pénal matériel, la cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP) avait lancé un projet en collaboration avec les cantons, afin de récolter davantage d’informations sur la situation générale et d’améliorer encore le conseil aux victimes d’infractions sexuelles et leur accompagnement.
La CAJ-N s’est également penchée attentivement sur plusieurs propositions concernant les peines prévues en matière d’infractions sexuelles. À des nombres de voix différents, elle a refusé de supprimer la peine pécuniaire pour l’ensemble de ces infractions ou de prévoir, pour certaines infractions, des peines plancher ou des peines privatives de liberté bien plus sévères.
Elle propose de supprimer la peine pécuniaire uniquement à l’art. 190, al. 1, pour le viol, ce par 13 voix contre 11 et 1 abstention. Par 15 voix contre 8, la commission ne s’est pas ralliée à la décision du Conseil des États de prévoir une peine minimale de « plus de deux ans » pour le viol qualifié, à l’al. 2, ce qui exclurait d’office la privation de liberté avec sursis. Comme cela était prévu dans le projet initial, elle propose de prévoir, pour ce type d’infraction, une peine privative de liberté d’au moins un an.
La CAJ-N a en outre profité de l’examen de ce projet pour proposer à son conseil de modifier les délais de prescription prévus à l’art. 101, al. 1, let. e, CP. Selon le droit en vigueur, les délits d’ordre sexuel sont imprescriptibles s’ils ont été commis sur des enfants âgés de moins de 12 ans. Par 11 voix contre 10 et 4 abstentions, la commission propose à son conseil de relever l’âge concerné à 16 ans.
Lors de sa prochaine séance, la CAJ-N se penchera sur le
rapport adopté par le Conseil fédéral le 19 octobre dernier en réponse au postulat 21.3969 qu’elle avait déposé. Elle déterminera ensuite s’il y a lieu d’intégrer au catalogue des infractions sexuelles punies par le code pénal la pornodivulgation (revenge porn) et le pédopiégeage en ligne (cybergrooming). Ainsi, le Conseil national devrait pouvoir examiner le projet lors de la session d’hiver à venir.
Avoirs de potentats : la commission juge qu’il n’y a pas lieu d’agir pour l’instant
Après s’être enquise auprès du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), dans le cadre du rapport annuel, des mesures prises l’année passée en vertu de la loi fédérale sur le blocage et la restitution des valeurs patrimoniales d’origine illicite de personnes politiquement exposées à l’étranger, la commission a rejeté deux initiatives parlementaires sur les avoirs de potentats – la 21.523 par 14 voix contre 11, et la 21.508 par 15 voix contre 9. Ces deux initiatives, déposées par le conseiller national Fabian Molina et par la conseillère nationale Laurence Fehlmann Rielle, visaient à renforcer l’actuel dispositif juridique de blocage et de séquestre des valeurs patrimoniales d’origine illicite. La commission se ressaisira de la question lorsque le Conseil fédéral présentera le rapport en réponse au postulat 19.3414 de la Commission des affaires extérieurs du Conseil des Etats (« Nouvelles dispositions sur le suivi des restitutions de valeurs d’origine illicite »).
Autres objets
- Par 11 voix contre 10 et 2 abstentions, la commission a maintenu sa décision de donner suite à l’initiative parlementaire 19.486 « Lutter enfin efficacement contre la pédocriminalité sur Internet », déposée par le conseiller national Fabio Regazzi.
- La commission a adopté, par 16 voix contre 4 et 3 abstentions, la motion « Nouveau plan d’action national, amélioré, contre la traite des êtres humains » (22.3369), élaborée par son homologue du Conseil des États.
- Par 22 voix contre 2 et 1 abstention, la commission a donné suite à l’initiative parlementaire « Punir systématiquement l’omission de prêter secours » (21.518), déposée par la conseillère nationale Tamara Funiciello.
- Par 20 voix contre 0 et 1 abstention, la commission a donné suite à l’initiative parlementaire « Sauver des vies. Surveillance électronique active » (22.409). Par 12 voix contre 9 et 1 abstention, elle propose au contraire de ne pas donner suite à l’initiative parlementaire « Présomption légale de la légitime défense et de l’état de nécessité des fonctionnaires de police dans l’exercice de leurs fonctions » (21.521). Ces deux initiatives avaient été déposées par la conseillère nationale Céline Amaudruz.
- Sans opposition, la commission a maintenu son initiative parlementaire « Adoption et recherche des origines » (22.428).
La commission a siégé les 20 et 21 octobre 2022 à Berne, sous la présidence de la conseillère nationale Christa Markwalder (PLR/BE).