Le nom de l’OSCE est aussi son programme: l’Organisation lutte pour la sécurité et la coopération en Europe. Quel est le rôle des parlementaires suisses dans cette organisation et comment y font-ils entendre la voix de notre pays ? Entretien avec la présidente de la délégation suisse auprès de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, Margret Kiener Nellen.

​L’Assemblée parlementaire de l’OSCE est composée de 323 députés issus de 57 nations. La délégation suisse compte 6 membres et deux suppléants. Elue en 2013, présidente de cette délégation depuis 2017, la socialiste bernoise Margret Kiener Nellen évoque les circonstances de son entrée à l’AP OSCE.


Le fonctionnement de l’institution

L'assemblée se réunit en session annuelle début juillet. Une réunion est également programmée en automne, et une autre en hiver. Entre les sessions, c’est la Commission permanente, composée des chefs de délégation des 57 nations et des membres du Bureau, qui prépare et guide le travail de l'Assemblée parlementaire.
Ce travail se divise en trois grands thèmes, attribués à trois commissions générales: la Commission des affaires politiques et de la sécurité, la Commission des affaires économiques, de la science, de la technologie et de l’environnement et enfin, la Commission de la démocratie, des droits de l’Homme et des questions humanitaires. Cette commission fut présidée par Margret Kiener Nellen jusqu’en juillet 2019. L’AP OSCE est également un acteur clé pour les missions d’observation électorales. La présidente s’exprime sur les modalités de son élection.

Sur le terrain pour l’AP OSCE

Margret Kiener Nellen s’est rendue dans l’Est de l’Ukraine du 16 au 21 décembre 2018 et du 30 mai au 3 juin 2019 en tant que présidente de la Commission de la démocratie et des droits de l’homme. Le but de la mission était de récolter des informations sur les conséquences de la guerre en Ukraine.

«Une guerre oubliée de l’Occident»

«Les témoignages sont alarmants», rapporte la socialiste, qui parle d’une «guerre oubliée de l’Occident». «Les villages se trouvent sous les tirs chaque nuit. L’Est de l’Ukraine, la région du Donbass, est la troisième région du monde en termes de minage, après l’Afghanistan et la Syrie. Le conflit fait des victimes civiles, femmes et enfants, des deux côtés. Les deux parties violent quotidiennement le droit international humanitaire, notamment les conventions de Genève, en endommageant des infrastructures civiles vitales, touchant notamment à l’approvisionnement en eau et en électricité des populations. Et ce, malgré le cessez-le-feu négocié en 2015 entre l’Ukraine, la Russie et les deux Républiques autonomes de l’Est du Donbass par la diplomate suisse, l’ambassadrice Heidi Tagliavini, dans le cadre des Accords de Minsk.»


Le rapport de la commission a été présenté en juillet 2019, dans le cadre de la session annuelle de l’OSCE à Luxembourg. Il a reçu un large écho médiatique. Les délégations de la Fédération de Russie et de l’Ukraine ont salué le travail de la commission, quoique d’un œil critique. Le rapport dénonce notamment que les procédures judiciaires nécessaires après les violences meurtrières sur les places Maïdan de Kiev et à Odessa n’ont toujours pas été menées à leur terme.

La présidence de la commission a également présenté le rapport devant la Commission permanente de l’AP OSCE, où siègent les 57 président/e/s des délégations.

Un rapport suivi d’effets

Le déminage du passage de la ligne de front dans la région de Lougansk progresse et des ingénieurs ont reçu le mandat de reconstruire l’unique pont de la région, à Stanytsia Luhanska. Un pont provisoire en bois a en outre déjà été ouvert au public.

Les personnes âgées ne doivent ainsi plus risquer leur vie pour aller chercher leur rente de vieillesse sur l’autre rive.

Margret Kiener Nellen voit également des signes d’espoir dans l’accélération des échanges de prisonniers entre l’Ukraine et la Russie : ainsi, les marins ukrainiens faits prisonniers lors de la confrontation navale dans le détroit de Kertch ont été libérés. L’Ukraine a en outre promis de renforcer sa législation en matière de droits sociaux.

 

La présence suisse

La Suisse jouit d’un grand crédit dans les négociations entre les pays en conflit car elle ne fait partie d’aucune alliance militaire, comme l’OTAN. Elle a ainsi pu établir le dialogue entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie et la Moldavie et la Transnistrie. Cette indépendance explique aussi que deux commissions générales de l’AP OSCE sur trois soient actuellement présidées par des Suisses, avec le Tessinois Filippo Lombardi (PDC) à la tête de la Commission des affaires politiques et de la sécurité depuis 2017, et Margret Kiener Nellen à la tête de la Commission pour la démocratie et les droits de l’homme de 2018 à juillet 2019. C’est également un Suisse, l’ambassadeur Thomas Greminger qui occupe le poste de secrétaire général de l’OSCE depuis 2017. Cette forte présence suisse est fondamentale, selon la politicienne.

  


Pour un bilan de Margret Kiener Nellen à la tête de la Délégation suisse auprès de l’AP OSCE: Une tribune pour défendre les droits humains et les droits des femmes, sur Femmes Politiques