La version orale fait foi

Le 19 novembre 2009, Hôtel Kreuz, Sumiswald, Nachtessen 

 

Monsieur le président,
Chers collègues parlementaires, chers amis,


C’est un insigne honneur pour moi de vous accueillir en cette vénérable demeure, typique de l’architecture paysanne de la vallée de l’Emmental. Peut-être avez-vous remarqué l’arrondi de l’avant-toit en façade. C’est le «Ründi», si bien nommé, où l’on le mettait les réserves de grain à l’abri des intempéries. Niché au pied du massif montagneux du Napf et blotti à l’ombre protectrice de son château, Sumiswald a frappé l’imagination d’un écrivain suisse du XIXe siècle: Jérémias Gotthelf.

Si je vous parle de ce romancier suisse-alémanique, dont l’œuvre bénéficie d’une nouvelle traduction française depuis 2000, c’est d’abord parce qu’il est né à Morat, dans mon canton de Fribourg, sous le nom d'Albert Britzius, en 1797.
Et ensuite parce que Gotthelf a rendu célèbre le bourg de Sumiswald, où nous avons la joie de fraternelles agapes, ce soir. Son roman «L’araignée noire» raconte comment Sumiswald a été ravagé par la peste au XVe siècle. Dans l’imagination de Gotthelf, l’épidémie est née d’un baiser posé par le démon sur la joue d’une jeune femme.

A l’endroit du baiser, une araignée grandit, grandit, jusqu’à éliminer les habitants du village les uns après les autres.
Mais quittons cette vision funeste et venons-en à ma troisième bonne raison de vous citer Gotthelf. Sa pensée résolument moderne est proche de l’idéal du Conseil de l’Europe car elle met l’homme et sa dignité au centre. Pour Jérémias Gotthelf, l’être humain est la mesure de toute chose.
«Traitez chaque être humain avec l’amour fraternel naturel qui non seulement ne bat, ni ne mord, mais qui, dans chaque situation, partage les sentiments de l’autre, chaque vibration de son for intérieur, afin que personne parmi vous ne se croie abandonné», écrivait-il

La culture ne commence pas à l’échelon national ou internationale. Elle est d’abord locale et Gotthelf illustre la grande diversité qui anime la culture européenne. Il montre aussi comment les idées qui vivifient aujourd’hui la civilisation européenne ont traversé les frontières et comment elles se sont propagées sur un mode horizontal, et non pas de bas en haut.
Depuis 60 ans, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe traduit les valeurs et les idées qui sont les fondements d’une Europe plus juste. Depuis le 6 mai 1963, la Suisse apporte modestement sa pierre à l’édifice. Plus d’une centaine de députés confédérés ont siégé à Strasbourg depuis et l’un d’eux, le Genevois Olivier Reverdin, a même présidé entre 1969 et 1972 l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Pour la Suisse, le Conseil de l'Europe est, et restera le pilier de l'architecture européenne. Pour nous, parlementaires, son assemblée est le lieu privilégié d'un dialogue entre les représentants élus des peuples d'Europe.
J’aimerais ici rendre un vibrant hommage à la commission permanente qui rassemblent les figures centrale de l’Assemblée parlementaire. En y œuvrant inlassablement, vous contribuez à défendre les droits de la personne et à consolider la sécurité et la paix.
La tâche est immense face aux périls conjoints de l’explosion démographique, du gaspillage des ressources naturelles et de l’énergie, de la pollution de l’eau, des changements climatiques et aussi du crime organisé et du terrorisme.
Durant votre session dans la capitale helvétique, vous allez mener d’importantes réflexions sur les migrations, l’égalité des chances pour les hommes et les femmes. Vous allez évoquer la liberté de religion et les répercussions sociales de la crise économique. Vous préparerez ainsi les recommandations de l’assemblée que toute l’Europe attend sur ces sujets brûlants.
Je souhaite que nos Parlements nationaux s’inspirent de votre travail et fassent valoir leur poids politique.


Je souhaite que les parlementaires renforcent leur rôle en faisant un usage immodéré de leur droit de parole afin de renforcer la démocratie et le lien avec le peuple dont ils sont la voix.

Je vous remercie de votre attention.