Mes chers collègues,
Je vous prie de vous lever pour l’éloge funèbre d’un ancien conseiller fédéral.
Vendredi dernier est décédé à quelque trois semaines de son 96e anniversaire l’ancien conseiller fédéral Hans Schaffner. Après des études de droit à l’Université de Berne, il fut chargé de la mise sur pied de l’Office central de l’économie de guerre en mai 1941. Il fut transféré au seco d’alors que l’on appelait Division du Commerce et devint délégué aux accords commerciaux. Il élaborera le nouveau tarif douanier.
En 1958, l’Europe libre se divisa sur le plan économique entre les six pays de la Communauté économique européenne (CEE) et les sept pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE ou EFTA). Schaffner fut avec le ministre anglais du commerce Reginald Maudling un militant décidé de cette organisation qui perdit par la suite en substance en raison de l’adhésion britannique à la CEE.
En 1959, Hans Schaffner tenta d’entrer au Conseil fédéral mais la majorité du Parlement ne voulait que deux radicaux au gouvernement et choisit d’élire un second socialiste en la personne d’Hanspeter Tschudi. Ce n’est qu’en 1961 qu’Hans Schaffner, haut fonctionnaire et non homme politique, fut élu au Conseil fédéral. Il devint en tant que Chef du Département de l’Economie publique un robuste négociateur dans les questions d’intégration européennes et de commerce international. Avec le conseiller fédéral Wahlen, il s’efforça de trouver un accord durable avec le CEE et présenta un projet d’association qui n’aboutit pas. C’est de son temps que date l’adhésion de notre pays à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce - le GATT -, ancêtre de l’Organisation mondiale du commerce.
On doit à Hans Schaffner une nouvelle loi sur le travail et diverses mesures d’aide à l’agriculture. Il fut confronté à la surchauffe de l’économie caractérisée par un taux de croissance trop rapide doublé d’une forte inflation. Il présenta les fameux arrêts anti-surchauffe de 1965 qui dérogeaient à la liberté du commerce et de l’industrie, alors qu’il était lui-même un adepte résolu du libéralisme économique.
M. Schaffner est entré dans l’histoire de notre pays car il fut un grand négociateur. Son rayonnement a été celui d’un homme d’Etat tant en Suisse que sur le plan international. Comme son fils spirituel, le secrétaire d’Etat Paul Jolles l’avait dit, M. Schaffner possédait « la faculté de s’exprimer en images claires, de convaincre, de faire apparaître des points communs et de trouver des formulations marquantes dans toutes les langues de négociation. »
Il aimait la vie parlementaire et ses interventions étaient à la fois brillantes dans la forme, non dénouées d’humeur et d’ironie mordante et elles témoignaient d’une totale maîtrise des dossiers.
Il quitta le gouvernement en janvier 1970 et bénéficia d’une longue retraite qui a duré 35 ans, lui qui avait affirmé au moment de la démission de Paul Chaudet que « dans la société moderne, un conseiller fédéral s’use à la tâche beaucoup plus vite qu’autrefois !».
Je vous invite à observer une minute de silence à la mémoire d’un Argovien d’origine et d’un Bernois de domicile qui fit beaucoup pour son pays et qui mérite la reconnaissance de tous.