(ats) Les amateurs de poker ou de paris sportifs en ligne auront plus de mal à assouvir leur passion. A la suite du Conseil des Etats, le National a décidé mercredi par 135 voix contre 45 de bloquer l'accès aux jeux d'argent basés à l'étranger.

Après sept heures de débats, une majorité composée d'élus de tous bords l'a emporté, suivant le projet du Conseil fédéral. Celui-ci entend bloquer les sites de jeux étrangers dans la nouvelle loi sur les jeux d'argent.

Le but: mieux protéger les joueurs et favoriser les exploitants légaux basés en Suisse, qui reversent leurs bénéfices à l'AVS et aux cantons à des fins d'utilité publique.

L'intérêt public et la santé des nombreux joueurs dépendants est en jeu. Le blocage n'est pas excessif, a souligné Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE). Il aura un effet dissuasif sur les opérateurs de jeux, comme on le voit en Europe.

Il ne sera pas totalement impossible d'atteindre un site. Mais une page officielle préviendra le joueur dès qu'il arrive dans une zone illégale, a précisé Jean Christophe Schwaab (PS/VD). "Sans blocage, combien de nouveaux joueurs deviendront accros, combien de millions ne finiront pas dans les caisses de l'AVS?"

Il serait naïf de croire que les exploitants de jeux étrangers vont se conformer à la loi suisse. Il faut donc les bloquer. "Internet n'est pas une zone de non-droit", a lancé Thierry Burkart (PLR/AG).

Pas de censure

Une alliance hétéroclite composée de Verts, d'UDC, de Vert'libéraux et de quelques PLR ne voulait pas d'un blocage. Après avoir tenté de renvoyer tout le paquet au Conseil fédéral, cette coalition a essayé de temporiser et d'instaurer une période d'observation de cinq ans avant d'interdire.

"Rendre l'accès à ces sites plus difficiles dans les moteurs de recherche et empêcher leur publicité, oui. Mais tout interdire, comme on l'a fait pour la drogue et la prostitution, ce n'est pas sain et ça ne sert à rien", a lancé Balthasar Glättli (Verts/ZH).

Censurer aujourd'hui Internet, c'est faire un premier pas dans une direction très inquiétante, a dénoncé Lukas Reimann (UDC/SG). "Les loteries et les maisons de jeux établies en Suisse ont pesé de tout leur poids dans l'élaboration de la loi, qui leur fait la part belle."

Pour la ministre de la justice Simonetta Sommaruga, les jeux d'argent doivent pourtant être encadrés avec un système de concession. "Le peuple suisse a ancré ce principe dans la Constitution à près de 90% des voix". On ne se trouve pas dans un marché libéralisé.

Pas de nouvelle concession

Les casinos qui veulent mettre à disposition de leurs clients des jeux en ligne devraient pouvoir le faire en demandant l'extension de leur concession. Seuls ceux remplissant les conditions pour obtenir une concession de type A, soit les grands casinos, pourront toutefois offrir des e-casinos.

Il n'y aura pas de nouveau type de concession. Une minorité issue de la droite et des Verts voulait des concessions distinctes pour les offres sur Internet. Cela aurait permis à des prestataires étrangers d'obtenir des concessions. Inimaginable, selon Jean Christophe Schwaab: cela ruinerait les efforts faits contre le blanchiment d'argent et l'escroquerie puisqu'ils ne pourraient pas être contrôlés.

Pas de salaire maximum

Une autre proposition visait à limiter le salaire des personnes employées par un exploitant de jeux de grande envergure au montant de la rémunération d'un conseiller fédéral. Une intrusion massive de l'Etat dans l'économie privée, a critiqué Thierry Burkard. Il a été suivi par 103 voix contre 90.

Le projet prévoit aussi de renforcer la lutte contre la dépendance. "Entre 75'000 et 120'000 personnes sont concernées, pour un coût social de 550 millions de francs par an", a rappelé Laurence Fehlmann Rielle. Le projet de loi impose aux cantons de mettre en place des mesures supplémentaires sans en assurer le financement, a-t-elle critiqué.

Mais la gauche n'a pas réussi à muscler ce volet. La Chambre du peuple a également balayé l'idée d'un système pour restreindre l'accès des jeux sur automates ou électroniques aux mineurs ainsi que celle de créer une Commission fédérale pour les questions liées au jeu excessif.

A suivre

Faute de temps, les députés ne sont pas arrivés au bout de leur peine et devront trancher la question de l'imposition des bénéfices. Selon le gouvernement, tous les gains gagnés aux jeux d'argent devraient être exemptés de l'impôt.

Le Conseil national semble pencher vers ce modèle, alors que le Conseil des Etats veut limiter cet allégement aux gains inférieurs à 1 million. Les débats se poursuivront lors de la troisième semaine de la session de printemps.