Plusieurs dispositions de la Constitution garantissent que la séparation des pouvoirs est bien respectée et que le pouvoir judiciaire ne s’élève pas au-dessus du pouvoir législatif. L’art. 189, al. 4, prévoit par exemple que les actes de l’Assemblée fédérale ne peuvent pas être portés devant le Tribunal fédéral, les exceptions étant déterminées par la loi. Quant à l’art. 190, il dispose que le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales. La Suisse ne connaît donc qu’une juridiction constitutionnelle limitée.

I. Art. 189, al. 4, Cst.

L’art. 189, al. 4, de la Constitution fédérale (Cst.) restreint les compétences du Tribunal fédéral : les actes de l’Assemblée fédérale peuvent être portés devant le Tribunal fédéral uniquement si une loi le prévoit explicitement ou si le droit à une protection judiciaire découle également du droit international.

Cette disposition concerne tous les actes de l’Assemblée fédérale : ne peuvent donc être portés devant le Tribunal fédéral ni les lois fédérales, ni les ordonnances du Parlement, ni les arrêtés fédéraux, ni les actes particuliers de l’Assemblée fédérale ou de ses organes ne revêtant pas la forme d’un arrêté fédéral.

II. Art. 190 Cst.

En vertu de l’art. 190 Cst., le Tribunal fédéral et les autres autorités chargées d’appliquer le droit doivent appliquer les lois fédérales même si celles-ci sont contraires à la Constitution.

Cette disposition concerne uniquement les lois fédérales, et non pas les ordonnances. Ainsi, les autorités d’application du droit peuvent, de cas en cas, examiner à titre préjudiciel la compatibilité des ordonnances avec le droit de rang supérieur et refuser éventuellement d’appliquer les ordonnances en question. Toutefois, si l’inconstitutionnalité d’une ordonnance découle de l’inconstitutionnalité de la loi fédérale pertinente, les autorités d’application doivent malgré tout appliquer les dispositions concernées de l’ordonnance.

Pour en savoir plus

Par contrôle des normes, on entend l’examen des normes sous l’angle de leur compatibilité avec le droit de rang supérieur. Lorsque ce contrôle est opéré par un tribunal à l’aune de la constitution, il représente l’une des formes de la juridiction constitutionnelle.

Le contrôle des normes possède plusieurs aspects. Il peut être :

  • préventif ou répressif : le contrôle des normes est préventif lorsqu’il intervient avant l’entrée en vigueur de l’acte ; il est au contraire répressif s’il est effectué après l’entrée en vigueur ;
  • diffus ou concentré : dans un système « diffus » (ou « décentralisé »), le contrôle des normes est effectué par toutes les autorités concernées ; dans un système «concentré», il incombe à une seule et même autorité, par exemple le tribunal suprême ou un tribunal constitutionnel créé tout spécialement à cet effet ;
  • abstrait ou concret : le contrôle des normes est abstrait lorsque l’acte est examiné en tant que tel, c’est-à-dire en dehors de tout cas d’application particulier, le recours portant alors sur l’acte même. En revanche, le contrôle est concret lorsque le recours porte sur une décision ou un jugement, autrement dit un acte particulier. Le tribunal examine à titre préjudiciel (ou accessoire) dans quelle mesure l’acte sur lequel se fonde l’acte particulier faisant l’objet du recours est conforme à la Constitution.

L’art. 189, al. 4, Cst. exclut le contrôle abstrait des actes de l’Assemblée fédérale et du Conseil fédéral. Quant à l’art. 190 Cst., il empêche un contrôle des normes pour ce qui est des lois fédérales, mais non pour ce qui est des ordonnances : la constitutionnalité des ordonnances peut donc être examinée dans un cas d’application donné (c’est-à-dire de manière accessoire).

La Suisse connaît ce que l’on peut appeler un « système diffus de contrôle accessoire des normes » : toutes les autorités chargées d’appliquer le droit sont tenues d’office d’examiner la conformité au droit de rang supérieur des actes normatifs – à l’exception des lois fédérales – et, au besoin, de ne pas appliquer les dispositions concernées.

Le contrôle des normes a posteriori (contrôle répressif) est effectué par les autorités d’application du droit, tandis que le contrôle préventif des normes incombe principalement, sur le plan fédéral, à certaines unités de l’administration fédérale. Ainsi, l’Office fédéral de la justice (OFJ) examine, dans le cadre de la procédure de consultation interne (consultation des offices), la conformité au droit constitutionnel de tous les projets d’actes normatifs. Quand vient la délibération parlementaire, l'OFJ donne son avis, à la demande des départements compétents ou d’organes du Parlement, sur la constitutionnalité de toutes les modifications du projet qui sont proposées ou adoptées.

Sources

  • Introduction : Message du Conseil fédéral du 20.11.1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 436.
  • Chapitre « I. Art. 189, al. 4, Cst. » : Walter Haller, Art. 189 N. 55, in : Ehrenzeller/Schindler/Schweizer/Vallender (éd.), Die schweizerische Bundesverfassung, St. Galler Kommentar, Schulthess, Zurich/Bâle/Genève 2014, pp. 2694 ss. ; Goran Seferovic, Art. 189 N 62, in : Waldmann/Belser/Epiney (éd.), Bundesverfassung, Helbing Lichtenhahn Verlag, Bâle 2015, p. 2766 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_65/2012 du 14.2.2012.
  • « Pour en savoir plus » textes partiellement issus de : Message du Conseil fédéral du 20.11.1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 500, 518 et 531 ; Renforcement du contrôle préventif de la conformité au droit, rapport du Conseil fédéral du 5.3.2010, FF 2010 1990. Autre source : Pierre Tschannen, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2e édition, Berne 2007, § 11, note marginale 36.

Source de l'image : Tribunal fédéral