Les citoyens peuvent demander une révision, totale ou partielle, de la Constitution en déposant une initiative populaire. Pour que l’initiative aboutisse, elle doit recueillir 100 000 signatures valables, qui doivent être récoltées dans un délai de 18 mois.

I. Récolte des signatures

Avant la récolte des signatures, la Chancellerie fédérale vérifie si la liste prévue à cet effet satisfait, quant à la forme, aux exigences de la loi (art. 69, al. 1, LDP). Après cet examen préliminaire, le titre et le texte de l’initiative, ainsi que le nom de ses auteurs (art. 68, al. 1, let. e, LDP), sont publiés dans la Feuille fédérale (art. 69, al. 4, LDP).

Les listes de signatures doivent être déposées à la Chancellerie fédérale au plus tard dix-huit mois après la publication du texte dans la Feuille fédérale (art. 71, al. 1, LDP). À l’expiration du délai imparti pour la récolte des signatures, la Chancellerie fédérale constate si l’initiative a recueilli ou non le nombre de signatures valables prescrit par la Constitution, et donc si l’initiative a abouti ou non (art. 72, al. 1, LDP).

Aspects historiques et liens utiles

L’initiative populaire tendant à la révision totale de la Constitution remonte à la fondation de l’État fédéral, tandis que l’initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution a vu le jour en 1891. Le délai de 18 mois pour la récolte des signatures a été introduit en 1976 et, dès 1977, le nombre de signatures requises est passé de 50 000 à 100 000.

En raison de la pandémie de Covid-19, les délais applicables aux initiatives populaires fédérales ont été suspendus du 21 mars au 31 mai 2020.

II. Initiative populaire tendant à la révision totale de la constitution : forme et procédure

II.1. Forme

En déposant une initiative populaire, les citoyens ayant le droit de vote peuvent proposer la révision totale de la Constitution (art. 138 Cst.), mais ils ne peuvent pas déposer de projet constitutionnel rédigé.

II.2. Procédure

Cette proposition de révision totale de la Constitution doit être soumise au vote du peuple (art. 138, al. 2, Cst.). L’Assemblée fédérale peut émettre une recommandation de vote à ce sujet.

Si le peuple accepte le principe d’une révision totale, les deux conseils, à savoir le Conseil national et le Conseil des États, ainsi que le Conseil fédéral sont renouvelés (art. 193, al. 3, Cst.).

Les autorités nouvellement élues élaborent un projet constitutionnel et le soumettent au vote du peuple et des cantons (art. 140, al. 1, let. a, Cst.). Si le peuple et les cantons acceptent la nouvelle constitution, celle-ci entre en vigueur le jour même de son acceptation – sauf disposition contraire prévue par l’arrêté fédéral concerné (art. 195 Cst.). Si, au contraire, ils la rejettent, la révision échoue et la constitution en vigueur le demeure.

 

Faits et chiffres

La seule initiative populaire tendant à la révision totale de la Constitution qui ait abouti fut rejetée lors de la votation du 8 septembre 1935 par plus de 7 % des votants.

Chancellerie fédérale : initiative populaire « Révision totale de la Constitution »

III. Initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution : forme et procédure

III.1. Forme

Les initiatives populaires tendant à la révision partielle de la Constitution peuvent revêtir la forme d’un projet rédigé ou celle d’une proposition conçue en termes généraux (art. 139, al. 2, Cst.). Elles doivent impérativement respecter le principe de l’unité de la forme : toute forme hybride est proscrite (art. 139, al. 3, Cst.).

 

La plupart des initiatives sont déposées sous la forme d’un projet rédigé.

Faits et chiffres

Depuis l’introduction, en 1891, de l’initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution, les deux formes d’initiative sont autorisées.


Depuis 1980, plus aucune initiative revêtant la forme d’une proposition conçue en termes généraux n’a été déposée. En 2020, l’initiative populaire fédérale «Pour une prévoyance vieillesse respectueuse de l’équité intergénérationnelle (prévoyance oui – mais équitable)» a échoué au stade de la récolte des signatures.

III.2. Procédure

Le Conseil fédéral soumet à l’Assemblée fédérale, dans un délai d’un an à compter du dépôt de l’initiative dont l’aboutissement a été constaté, un projet d’arrêté fédéral accompagné d’un message (art. 97, al. 1, let. a, LParl). Si le Conseil fédéral décide d’élaborer un contre-projet, ce délai est porté à 18 mois (art. 97, al. 2, LParl).

L’Assemblée fédérale doit tout d’abord examiner la validité de l'initiative : celle-ci doit respecter le principe de l’unité de la forme, celui de l’unité de la matière et les règles impératives du droit international, faute de quoi l’Assemblée fédérale la déclare totalement ou partiellement nulle (art. 139, al. 3, Cst.).

Afin de garantir qu’un arrêté soit pris même si les décisions des conseils divergent quant à la validité de tout ou partie d’une initiative populaire, une procédure spéciale s’applique dans ce cas : si le conseil qui a reconnu la validité confirme sa décision, l’initiative ou les parties en cause sont réputées valables (art. 156, al. 3, let. a, Cst. ; art. 98, al. 2, LParl).

Les arrêtés relatifs à la nullité d’une initiative populaire sont pris sous la forme d’un arrêté fédéral simple, qui n’est pas sujet au référendum.

Faits et chiffres

« Unité de la forme »

L’unité de la forme est respectée lorsque l’initiative est déposée exclusivement sous la forme d’une proposition conçue en termes généraux ou exclusivement sous celle d’un projet rédigé de toutes pièces (art. 75, al. 3, LDP).

« Unité de la matière »

L’unité de la matière est respectée lorsqu’il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties d’une initiative (art. 75, al. 2, LDP).

« Règles impératives du droit international »

Sont considérées comme des règles impératives du droit international les dispositions qui font partie des normes de jus cogens incontestées. Il s’agit notamment des interdictions de l’agression, du génocide, de la torture et de l’esclavage, des « garanties de la CEDH qui ne souffrent aucune dérogation, même en état de nécessité », et des principes du droit humanitaire applicables en temps de guerre.

Pour le reste, la procédure varie selon la forme de l’initiative.

III.2.1. Initiative populaire déposée sous la forme d’un projet rédigé

Lorsqu’une initiative populaire est déposée sous la forme d’un projet rédigé, l’Assemblée fédérale décide, dans un délai de 30 mois à compter de son dépôt, si elle reconnaît la validité de l’initiative et, le cas échéant, si elle recommandera au peuple et aux cantons de l’accepter ou de la rejeter (art. 100 LParl). Si l’un des conseils adopte un contre-projet au vote sur l’ensemble, l’Assemblée fédérale peut proroger d’un an le délai imparti pour traiter l’initiative (art. 105, al. 1, LParl). ​

La votation populaire a lieu 10 mois au plus tard après la décision de l’Assemblée fédérale (art. 75a, al. 1, LDP). Ce délai peut être porté à 16 mois les années où des élections fédérales ont lieu (art. 75a, al. 3bis, LDP).

Si l’Assemblée fédérale prononce la nullité totale d’une initiative, celle-ci n’est pas soumise au vote du peuple et des cantons ; si elle prononce la nullité partielle d’une initiative, seules les parties valables de cette dernière sont soumises au vote du peuple et des cantons (art. 99 LParl).

III.2.1.1. Complément : Contre-projets

Il existe deux types de contre-projet : le contre-projet direct et le contre-projet indirect.

III.2.1.1.1. Contre-projets directs

L’Assemblée fédérale peut adopter un projet de modification de la Constitution, qu’elle oppose directement à l’initiative populaire lors de la votation (art. 101, al. 1, LParl). Les citoyens ayant le droit de vote peuvent approuver les deux projets à la fois (« double oui »). Ils peuvent indiquer, en réponse à la question subsidiaire, le projet auquel ils donnent la préférence au cas où les deux seraient acceptés (art. 139b, al. 2, Cst.). Si, en réponse à la question subsidiaire, l’un des projets obtient la majorité des voix des votants, et l’autre la majorité des voix des cantons, le projet qui entre en vigueur est celui qui, en réponse à la question subsidiaire, a enregistré la plus forte somme des pourcentages des voix des votants et des voix des cantons (art. 139b, al. 3, Cst.).

 

Un contre-projet direct peut être déposé par le Conseil fédéral ou devant les conseils sous forme de proposition (art. 76, al. 1bis, let. b, LParl). Les conseils examinent l’arrêté fédéral concernant le contre-projet de l’Assemblée fédérale avant de statuer sur la recommandation de vote qui doit figurer dans l’arrêté fédéral concernant l’initiative (art. 101, al. 2, LParl).

III.2.1.1.2. Contre-projets indirects

Le Parlement peut également élaborer, en lieu et place d’un contre-projet direct, un contre-projet indirect. Un tel projet d’acte est étroitement lié à l’initiative populaire, mais n’y est pas directement opposé lors de la votation. Il est généralement élaboré sous la forme d’une loi fédérale. Un contre-projet indirect peut toutefois également revêtir la forme d’un projet de modification de la Constitution, d’un arrêté fédéral ou d’une ordonnance.

Les contre-projets indirects peuvent être déposés par le Conseil fédéral en vertu de son droit d’initiative (art. 181 Cst.) ou devant les conseils au moyen d’une initiative parlementaire (art. 107 ss LParl).

Pour ce qui est des contre-projets indirects, l’Assemblée fédérale a en principe deux possibilités :

  1. Elle décide que le contre-projet indirect ne sera publié dans la Feuille fédérale (ou, dans le cas des ordonnances, dans le Recueil officiel du droit fédéral) que lorsque l’initiative aura été retirée ou rejetée en votation populaire ;
  2. Elle ne se prononce pas sur sa publication et, par conséquent, l’acte est publié dans la Feuille fédérale (ou, dans le cas des ordonnances, dans le Recueil officiel du droit fédéral) immédiatement après son adoption par les conseils lors du vote final.

Dans le premier cas de figure, le sort du contre-projet indirect est lié à celui de l’initiative : si cette dernière est acceptée, le contre-projet indirect échoue. Par contre, si elle est retirée ou rejetée, le contre-projet indirect est publié dans la Feuille fédérale ou le Recueil officiel du droit fédéral et entre en vigueur, à condition qu’il ne soit pas soumis au référendum, que le référendum ne soit pas demandé ou que le contre-projet soit accepté en votation populaire.

 

Dans le deuxième cas de figure, le contre-projet indirect entre en vigueur, à condition qu’il ne soit pas soumis au référendum, que le référendum ne soit pas demandé ou que le contre-projet soit accepté en votation populaire, et ce même si l’initiative a été acceptée ; le contre-projet indirect n’entre pas en vigueur dans le seul cas où l’Assemblée fédérale décide, par un acte adopté ultérieurement, de ne pas le mettre en vigueur.

 

Toute initiative populaire peut être retirée par le comité d’initiative jusqu’au jour où le Conseil fédéral fixe la date de la votation populaire (art. 73, al. 1 et 2, LDP). Le retrait d’une initiative populaire est en principe inconditionnel (art. 73a, al. 1, LDP). Toutefois, si l’Assemblée fédérale oppose à l’initiative un contre-projet indirect élaboré sous la forme d’une loi fédérale qu’elle adopte au plus tard à la date du vote final sur l’initiative, le comité d’initiative peut assortir le retrait de son initiative de la condition expresse que le contre-projet ne soit pas rejeté en votation populaire (art. 73a, al. 2, LDP).

Faits et chiffres

III.2.2. Initiative populaire déposée sous la forme d’une proposition conçue en termes généraux

Si l’initiative populaire revêt la forme d’une proposition conçue en termes généraux, l’Assemblée fédérale décide, dans un délai de deux ans à compter de son dépôt, si elle l’approuve ou non (art. 103, al. 1, LParl).

Si elle approuve l’initiative, l’Assemblée fédérale élabore un projet de révision partielle de la Constitution et le soumet au vote du peuple et des cantons (art. 104, al. 1, LParl).

Si l’Assemblée fédérale rejette l’initiative, elle la soumet directement au vote du peuple (art. 103, al. 2, LParl). Si le peuple approuve l’initiative, l’Assemblée fédérale doit élaborer un projet et le soumettre au vote du peuple ainsi qu’à celui des cantons (art. 104, al. 1, LParl).

Faits et chiffres

Les initiatives déposées sous la forme d’une proposition conçue en termes généraux sont très rares ; en voici quelques exemples :

  • Initiative populaire fédérale « visant à garantir l’approvisionnement de la population en biens de première nécessité, et à lutter contre le dépérissement des petits commerces » (déposée le 3.10.1980),
  • Initiative populaire fédérale « pour la réforme fiscale » (déposée le 19.3.1974),
  • Initiative populaire fédérale « Nouveau régime de financement des études » (déposée le 10.5.1972),
  • Initiative populaire fédérale « pour la création d’un service civil » (déposée le 12.1.1972),
  • Initiative populaire fédérale « pour la coordination scolaire » (déposée le 1.10.1969), et
  • Initiative populaire fédérale « relative à la lutte contre l’alcoolisme » (déposée le 30.10.1963).

Sources

  • 01.401 Initiative parlementaire - Loi sur le Parlement (LParl), FF 2001 3298.
  • Conditions de validité des initiatives populaires et limites matérielles à la révision de la Constitution fédérale, DFJP, Office fédéral de la justice, Rapport du 28.12.2006 à l’intention de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, p. 59.
  • Alexandre Füzesséry, Art. 105 N 11, in : Graf/Theler/von Wyss (éd.), Parlamentsrecht und Parlamentspraxis der Schweizerischen Bundesversammlung, Kommentar zum Parlamentsgesetz (ParlG) vom 13. Dezember 2002, Helbing Lichtenhahn Verlag, Bâle 2014, p. 689 ss (uniquement en allemand).

Source de l'image : KEYSTONE / Lukas Lehmann