(ats) La primauté du droit suisse sur le droit international ne doit pas être inscrite dans la constitution. Après le Conseil des Etats, le National a rejeté lundi l'initiative UDC sur les juges étrangers par 127 voix contre 67. Peuple et cantons auront le dernier mot.

La décision est tombée au terme d'un débat fleuve de plus de 9 heures sur trois jours. Le premier round en début de session a été marqué par des échanges musclés, avec une UDC tentant de monopoliser le débat en interpellant chaque intervenant à l'issue de son discours.

Le bureau du Conseil national a entre-temps coupé court aux velléités du parti de faire déborder les discussions. La liste des orateurs comptant 83 députés, dont plus de la moitié des rangs de l'UDC, il a décidé que la Chambre du peuple devait terminer coûte que coûte son examen avant l'été et ajouté une séance de nuit.

L'udc a poursuivi son épreuve de force lundi soir en lançant une dernière tentative d'ajourner le débat. Le président du groupe Thomas Aeschi (ZG) a demandé un vote sur le quorum alors que la salle semblait désertée. Finalement grâce à la présence de 125 députés sur 200, les orateurs ont pu continuer à étayer leurs points de vue au grand dam de Toni Brunner (UDC/SZ), qui y a vu une provocation.

Adaptation des traités

A la tribune, l'UDC, seule contre les autres partis, a défendu son texte, qui veut consacrer la primauté du droit constitutionnel suisse sur le droit international, sous réserve des règles impératives du droit international (interdiction de la torture, du génocide et de l'esclavage, notamment).

L'initiative populaire "Le droit suisse au lieu de juges étrangers" ou pour l'autodétermination impose aux autorités d'adapter les traités internationaux contraires à la constitution et, au besoin, de les dénoncer. Le Tribunal fédéral ne serait plus obligé d'appliquer les traités internationaux qui n'ont pas été sujets au référendum.

Pour l'UDC, la primauté du droit international sur le droit suisse menace la démocratie directe et les droits de l’homme sont déjà garantis par la constitution. Des organisations qui ne sont pas légitimées dictent nos règles, a dénoncé Magdalena Martullo-Blocher (UDC/GR), accusant les autres partis de vendre la souveraineté du peuple à l'étranger.

Respect du droit international

Les opposants ont fait valoir l'importance du respect des règles du droit international pour la Suisse. Le texte risque de conduire à la dénonciation de traités importants tels que la Convention européenne des droits de l’homme, selon eux.

La Suisse signe régulièrement des conventions internationales, adhère à des traités, comme la Convention européenne des droits de l'homme, les accords bilatéraux ou les accords de l'Organisation mondiale du commerce, a expliqué Philippe Nantermod (PLR/VS).

Ces textes ne sont pas du droit étranger, mais du droit international. Et "ce que nous appelons le droit international, n'est rien d'autre que du droit suisse", toujours accepté selon un processus démocratique, a-t-il ajouté.

La force de la démocratie directe n'est pas la voix omnipotente du peuple, mais le dialogue institutionnel entre les différents pouvoirs, a renchéri Carlo Sommaruga (PS/GE). Depuis toujours, la Suisse n'existe et ne peut faire valoir ses intérêts que dans le cadre du droit international.

Pas de contradiction

La souveraineté et le droit international ne se contredisent pas, a relevé la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. La Suisse profite déjà de l'autodétermination. "Nous décidons souverainement avec quels états nous souscrivons nos traités".

Le peuple et les cantons ont inscrit dans la constitution les droits que les tribunaux doivent respecter, à savoir le droit fédéral et le droit international, a poursuivi la ministre de la justice. Le texte de l'UDC ne fait qu'installer l'insécurité juridique, a-t-elle ajouté.

Sans contre-projet

Le peuple et les cantons seront prochainement appelés à se prononcer sur l'initiative. Le Conseil des Etats l'a balayée par 36 voix contre 6. Aussi bien les chambres fédérales que le Conseil fédéral n'ont pas voulu y opposer de contre-projet.

Au premier jour des débats, Gerhard Pfister (PDC/ZG) a retiré sa proposition de contre-projet. Il proposait d'introduire dans la constitution une jurisprudence du Tribunal fédéral dite "Schubert". Une réserve aurait permis d’édicter dans le droit national des dispositions qui dérogent au droit international, mais seulement si la norme de droit international ne garantit pas la protection des droits de l’homme.