En décembre, la Chambre du peuple, dans sa nouvelle composition, avait accepté d'entrer en matière sur cette modification de la loi sur les stupéfiants contre l'avis de sa commission. Celle-ci a dû revoir sa copie et s'est ralliée dans les grandes lignes au projet du gouvernement.
Le dossier n'a pas pu être abordé en mars, coronavirus oblige, et a dû être reporté à la session d'été. Par 113 voix contre 81, le Conseil national a accepté la base légale que le Conseil fédéral veut créer pour mener des études scientifiques sur les effets d'une utilisation contrôlée du cannabis. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.
Les recherches doivent permettre de comprendre le fonctionnement du marché et de combattre le marché noir. Il s'agit aussi de déterminer les effets, notamment sociaux, de la consommation de cannabis récréatif. Berne, Genève, Zurich, Bâle ou Bienne ont manifesté leur intérêt pour ces expériences. Les modèles doivent être testés avant d'entamer le débat sur la libéralisation ou non du cannabis, a expliqué Pierre-Yves Maillard (PS/VD) au nom de la commission.
Limites
Une ordonnance d'application a déjà été rédigée et elle fixe un cadre très strict. La participation aux projets pilotes sera limitée aux consommateurs de cannabis âgés d'au moins 18 ans. Les participants devront être étroitement accompagnés et l’évolution de leur état de santé devra faire l’objet d’une surveillance constante.
Pour l'UDC et une partie du groupe du centre, les garde-fous ne suffisent pas. Les conditions pour la réalisation de ces essais devraient être plus strictes afin d'éviter les risques pour la santé, a défendu Verena Herzog (UDC/TG).
La consommation de drogue est nocive, a fait valoir Benjamin Roduit (PDC/VS). Le projet ne contient pas de mesures de protection des jeunes, a-t-il regretté.
C'est l'illégalité du cannabis qui a des effets négatifs, a répondu Manuela Weichelt-Picard (Verts/ZG). Ceux qui soutiennent le projet sont du côté de la santé et de la sécurité, alors que les opposants soutiennent le marché noir. Ce marché existe et ne se préoccupe pas de santé publique ou de protection de la jeunesse, a relevé Michel Matter (PVL/GE).
La guerre contre la drogue a échoué et la consommation de cannabis par les jeunes n'a pas diminué, a renchéri Philippe Nantermod (PLR/VS). Quand une politique échoue, il faut en essayer une autre.
Cannabis bio et suisse
Le Conseil national a ajouté une seule précision au projet du Conseil fédéral. Elle concerne la provenance des produits. Ils devraient être issus de l'agriculture biologique suisse afin de profiter aux paysans helvétiques.
Très peu de producteurs ont de l'expérience dans ce domaine, a mis en garde le ministre de la santé Alain Berset. Le délai pour obtenir un tel produit risque d'être long, ce qui retardera la mise en place du projet.
Les propositions de l'UDC et d'une partie du PDC ont toutes été rejetées. Les cantons et les communes où seraient menés ces essais ne devraient pas avoir leur mot à dire, a décidé le Conseil national. Cette procédure compliquerait l'expérience. Idem pour des critères de santé et de sécurité stricts pour le choix des groupes cibles.
La Chambre du peuple n'a pas non plus voulu obliger les personnes concernées à informer leurs employeurs ou leurs écoles de leur participation à ces essais. Le droit de conduire ne devrait pas non plus être supprimé. La valeur maximale en THC sera limitée à 20% et un participant ne pourra pas se procurer plus de 10 grammes de THC pur par mois. Les opposants auraient voulu faire passer la limite à 15%.
Consommateurs connus
Seules les personnes pouvant prouver qu’elles consomment déjà du cannabis, par exemple par un prélèvement capillaire, seront autorisées à participer aux essais pilotes.
Les essais pilotes seront limités géographiquement. Ils ne devront pas durer plus de cinq ans prolongeables de deux ans sur demande. La taille du groupe dépendra du type d'essai, mais ne devra pas dépasser 5000 participants.