(ats) Le budget de l'armée suisse doit être musclé rapidement. Le Conseil national a accepté lundi par 111 voix contre 79 une motion visant à l'augmenter progressivement dès l'an prochain. Objectif: passer de 5 à 7 milliards de francs d'ici à 2030.

La guerre en Ukraine a fait réagir la droite du Parlement dès mars. Sous son impulsion, les deux commissions de politique de sécurité ont déposé deux motions identiques demandant une augmentation progressive des dépenses consacrées à l'armée à partir de 2023. Ces dépenses devraient atteindre au minimum 1% du PIB au plus tard en 2030, soit un budget d'environ sept milliards de francs.

Armée obsolète

"Comme tous les pays européens, nous avons cessé de considérer les dépenses militaires comme prioritaires. La guerre en Ukraine a brutalement changé la situation. Mais notre armée n'est plus en mesure de mener pleinement sa mission", a affirmé Jean-Luc Addor (UDC/VS) au nom de la commission. La part du budget affectée à la grande muette n'a cessé d'être réduite ces dernières années, passant d'une part du PIB de 1,34%, en 1990, à 0,67% en 2019.

"Regardons les forces terrestres: sur 17 bataillons d'infanterie mobilisables, seuls 10 peuvent être complètement équipés aujourd'hui", a poursuivi M. Addor. L'équipement du soldat individuel doit être modernisé. La Suisse manque aussi d'armes anti-char modernes, qui jouent un rôle important en Ukraine.

Et il ne faut pas attendre la fin de l'année et le rapport annoncé du Département de la défense (DDPS) sur la sécurité pour prendre une décision. Ceux qui veulent patienter sont aussi ceux qui veulent régulièrement affaiblir ou abolir l'armée suisse, a encore dénoncé le Valaisan, ciblant la gauche.

Vrais risques

"Oui, l'armée doit être moderne et agile, avec une protection aérienne efficace. Mais ne versons pas dans l'émotionnel", a contré François Pointet (PVL/VD) au nom de la minorité. "Sortir les vieux chars Léopard de la cave pour les remettre en selle comme le demandent certains? Conserver les jets F-5 de la Patrouille suisse par nostalgie? C'est cela une armée moderne?"

Il ne faut pas se précipiter avant d'avoir fait le point sur les besoins réels et les capacités de l'armée, a poursuivi le vert libéral. La gauche était aussi unanime pour temporiser. Sans analyse sérieuse, la droite réclame plus d'argent, a dit Pierre-Alain Fridez (PS/JU). Le risque pour la Suisse d'être directement attaqués est pourtant faible, même selon le DDPS.

Selon le socialiste, les besoins actuels et les vrais risques sont, entre autres, la cyberdéfense et la protection contre les missiles de longue portée. "Actuellement, c'est vrai la Suisse, ne pourrait pas se défendre contre un missile intercontinental russe." Mais recycler des vieux chars ou investir dans de l'artillerie ne servira rien.

Il faudra économiser ailleurs, si on augmente le budget de l'armée. "Où faudra-t-il couper, dans la protection du climat, la coopération internationale?", s'est interrogé l'écologiste neuchâtelois Fabien Fivaz (Vert-e-s). Les partis qui soutiennent ce texte aujourd'hui sont les mêmes qui n'ont jamais voulu investir pour défendre la souveraineté de la Suisse en matière énergétique, maintenant la dépendance aux énergies fossiles des autocrates, a critiqué Marionna Schlatter (Vert-e-s/ZH).

Priorité aux avions

Pour le Conseil fédéral, la priorité, c'est le F-35 américain, sur lequel le peuple votera, et le système de défense sol-air Patriot, a rappelé la conseillère fédérale Viola Amherd. Il faut éviter des lacunes en matière de sécurité aérienne.

L'acquisition de matériel d'armement pour les forces terrestres est aussi nécessaire, de même que l'achat de nouveaux mortiers de 12 centimètres et les investissements dans le domaine cyber. D'autres modernisations et acquisitions pourront être effectuées plus tôt que prévu si le budget est augmenté, selon Viola Amherd.

Pour toutes ces raisons, la ministre de la défense défendait la motion. En raison du frein à l'endettement, il n'est pas possible d'augmenter d'un coup la part du budget fédéral affectée à l'armée, a-t-elle encore précisé.

Le Conseil des Etats devra encore se prononcer sur sa propre motion. Il devrait suivre la même voie que le National.