L’introduction d’un congé parental uniforme au niveau fédéral mérite d’être approfondie. C’est la conclusion tirée par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E), qui a donné suite à deux initiatives déposées par les cantons de Genève et du Jura. La commission a en outre examiné les divergences sur le 2e volet des mesures visant à freiner la hausse des coûts. Elle soutient par ailleurs le projet du Conseil fédéral visant à pérenniser les interventions précoces intensives pour les enfants atteints de troubles du spectre de l’autisme. Elle propose également d’introduire une 13e rente pour les bénéficiaires de l’AI qui ont droit aux prestations complémentaires.

La commission s’est penchée sur la question de l’introduction d’un congé parental lors l’examen préalable de quatre initiatives cantonales portant sur ce sujet. Par 10 voix contre 2 et 1 abstention, elle a donné suite aux initiatives déposées par les cantons de Genève et du Jura (24.301 et 24.310), demandant la création d’un congé parental au niveau suisse. Aux yeux de la commission, le sujet mérite d’être étudié de manière approfondie et attentive. L’introduction d’un congé parental pourrait en effet contribuer au renforcement de l'égalité entre femmes et hommes et à améliorer la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. En même temps, les jeunes parents, en première ligne les femmes, seraient encouragés à rester dans le monde du travail, permettant ainsi de lutter contre la pénurie de main-d’œuvre.

La commission salue la formulation ouverte choisie par les deux initiatives ainsi que la préférence donnée à une solution uniforme au niveau fédéral. Elle souligne cependant qu’il s’agira d’esquisser une solution pragmatique, compatible avec différents modèles familiaux et financièrement viable. Pour cela, le rapport du Conseil fédéral en réponse au Po. CSSS-N. « Modèles de congé parental. Analyse économique globale (coûts-bénéfices) » (21.3961), attendu dans les semaines à venir, devrait fournir des éléments fondamentaux pour la suite du débat. Les deux initiatives seront désormais examinées par la commission homologue du Conseil national, qui devra également se prononcer sur la nécessité de légiférer en la matière.

Par 7 voix contre 5 et 1 abstention, la commission propose cependant à son conseil de ne pas donner suite à deux initiatives semblables déposées par les cantons du Valais et du Tessin (24.305 et 24.311), car elles imposent des conditions minimales trop strictes et contraignantes.

2e volet des mesures visant à freiner la hausse des coûts sans réseaux de soins coordonnés

La commission a examiné les divergences sur le deuxième volet des mesures visant à freiner la hausse des coûts (22.062). Elle se rallie au Conseil national en ce qui concerne les controversés réseaux de soins coordonnés. Elle propose de supprimer ce nouveau fournisseur de prestations du volet de mesures. La CSSS-E reste toutefois pleinement convaincue des avantages de la coordination des soins. Face à l’ampleur de la critique, elle souhaite toutefois poursuivre ses réflexions sur ce sujet dans un cadre différent, afin de mieux soutenir les initiatives existantes et de les rendre accessibles au plus grand nombre possible de patientes et de patients. Concernant les rabais de quantité pour les médicaments générant un chiffre d’affaires important, une autre mesure essentielle, la commission se rallie également à la décision du Conseil national. Elle suit également ce dernier sur la question des prestations que les sages-femmes peuvent fournir à la charge de l’assurance obligatoire des soins. La commission soutient par ailleurs la clause d’évaluation introduite par le Conseil national. La CSSS-E a pris toutes ces décisions sans contre-proposition.

La commission a adopté, sans contre-proposition, des compromis portant sur les deux autres divergences dans le domaine des médicaments. S’agissant du réexamen différencié de l’efficacité, de l’adéquation et du caractère économique, elle propose à son conseil de combiner les versions du Conseil des États et du Conseil national. Cette solution doit permettre l’examen de ces critères à différents degrés, par exemple quand il existe déjà des preuves sur l’efficacité d’un médicament. Il doit aussi être possible de renoncer au réexamen d’un critère, par exemple dans le cas de médicaments bon marché, importants pour garantir l’approvisionnement. La commission propose également de combiner les deux approches pour la rémunération provisoire de médicaments novateurs. Selon cette proposition, les médicaments autorisés selon une des procédures rapides pourraient être rémunérés à partir du jour de leur autorisation. Comme la finalité de ces médicaments est de répondre à un besoin médical important, la commission extraparlementaire compétente doit être entendue avant que la décision de rémunération ne soit prise.

Concernant les autres divergences, la commission propose en revanche de s’en tenir à la version du Conseil des États. Ainsi, les assureurs ne pourront utiliser les données de facturation que pour informer, de façon ciblée, leurs assurées et assurés – mais pas les fournisseurs de prestations – sur des prestations moins onéreuses, des modèles d’assurance plus adéquats ou des mesures préventives (10 voix contre 2 et 1 abstention). La commission tient par ailleurs à inscrire dans la loi le principe selon lequel les gains d’efficience doivent être pris en compte dans les conventions tarifaires (sans contre-proposition). En outre, le Conseil fédéral doit être chargé, dans le cadre du volet de mesures visant à freiner la hausse des coûts, de fixer pour la structure tarifaire à la prestation une limite maximale pour les points facturables par jour (10 voix contre 1 et 1 abstention). Même si les nouvelles structures tarifaires apportent des améliorations, la commission estime que la réglementation dans ce domaine est lacunaire.

Le projet est prêt pour l’élimination des divergences durant la session de printemps.

Suite des délibérations concernant le financement de la 13e rente AVS

La commission a poursuivi ses délibérations au sujet du financement de la 13e rente AVS (24.073, projets 2 et 3) et a pris connaissance des éclaircissements supplémentaires fournis par l’administration à son attention. Avec la volonté de proposer une solution de financement durable, globale et susceptible de rassembler une majorité, elle a confié de nouveaux mandats à l’administration et entend poursuivre ses travaux lors du deuxième trimestre.

Une 13e rente AI pour les bénéficiaires de prestations complémentaires

La commission souhaite accorder aux bénéficiaires d’une rente AI qui ont droit à des prestations complémentaires (PC) un supplément égal à un douzième de leur rente AI, par analogie avec la 13e rente AVS. Par 6 voix contre 5, la commission a décidé de déposer la mo. « 13e rente AI pour les bénéficiaires de prestations complémentaires » (25.3014). À partir de 2026, les bénéficiaires d’une rente de vieillesse recevront, chaque mois de décembre, une aide financière conséquente. Le texte de l’initiative populaire prévoit que la 13e rente AVS ne doit avoir aucun effet sur la perception de PC. Les bénéficiaires d’une rente AVS qui perçoivent des PC sont donc mieux lotis que les bénéficiaires d’une rente AI qui perçoivent des PC. La majorité de la commission souhaite remédier à cette inégalité de traitement injustifiée de manière ciblée, en modifiant la loi sur les prestations complémentaires, d’autant plus que les PC doivent permettre de couvrir les besoins vitaux. L’amélioration visée aurait concerné environ 112 000 personnes fin 2023 et entraîné des dépenses supplémentaires d’au moins 166 millions de francs (99 millions pour la Confédération et 67 millions pour les cantons). La motion de commission sera traitée par le Conseil des États lors de la session de printemps.

La CSSS-E a par contre refusé, par 6 voix contre 0 et 5 abstentions, d’approuver l’iv. pa. « Les bénéficiaires de rentes AI doivent aussi avoir droit à une 13e rente » (24.424) de son homologue du Conseil national. Celle-ci prévoit une 13e rente AI pour toutes les personnes qui bénéficient d'une rente AI. Compte tenu de la situation financière tendue de l’AI, la commission estime qu'un soutien supplémentaire indifférencié n'est pas opportun.

Intervention précoce intensive en cas de troubles du spectre de l’autisme – la commission unanime

Lors du vote sur l’ensemble, la commission a adopté à l’unanimité la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité concernant l’intervention précoce intensive en cas de troubles du spectre de l’autisme (IPI, 24.066). L’entrée en matière n’a pas été contestée. Lors de la discussion par article, la commission a proposé de s’en tenir au projet du Conseil fédéral sur tous les points. Le projet permettra à l’AI de continuer à octroyer des forfaits pour la prise en charge des coûts de l’IPI après la fin du projet pilote. L’IPI est largement reconnue sur le plan scientifique et s’est révélée efficace pour traiter les jeunes enfants atteints d’une forme sévère de trouble du spectre de l’autisme. Pour la mise en œuvre de cette mesure, les cantons élaborent, en collaboration avec l’Office fédéral des assurances sociales, des principes harmonisés à l’échelle nationale. Avant de se pencher sur le projet, la commission avait auditionné une délégation de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de l’instruction publique, compétente en la matière. Le projet est prêt pour la session de printemps.

Autres objets

Par 8 voix contre 1 et 2 abstentions, la commission propose d’adopter la mo. « Sécurité de l’offre de soins en matière de psychiatrie infanto-juvénile » (24.3398), déposée par la CSSS-N. Comme celle-ci reprend en partie l’objectif de l’iv. ct. SO « Sécurité de l’offre de soins en matière de psychiatrie infanto-juvénile » (23.309), à savoir garantir des tarifs qui couvrent l’intégralité des coûts liés à la psychiatrie infanto-juvénile, la commission propose, par 5 voix contre 0 et 6 abstentions, de ne pas donner suite à l’initiative.

Pour contrecarrer la pénurie de médecins dans le domaine des soins médicaux de base, la commission préconise plusieurs mesures. Les tarifs doivent être revalorisés au bénéfice des médecins de premier recours. Elle propose ainsi à son conseil, par 9 voix contre 3 et 1 abstention, d’adopter la Mo. Nicolet. « LAMal. Renforcer la couverture de base avec une meilleure offre de médecins de famille » (22.4357). Considérant qu’il faudrait également former davantage de médecins, elle propose dans le cadre d’un co-rapport adressé à la Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil des États (CSEC-E), par 10 voix contre 0 et 3 abstentions, d’adopter la Mo. (Hurni) Crottaz. « Pénurie de médecins en Suisse. Mieux vaut prévenir que guérir! » (23.3854).

La commission a discuté du paysage hospitalier suisse. Elle examinera les interventions relatives à l’adaptation des tarifs et la compensation du renchérissement dans un contexte plus large, car plusieurs facteurs contribuent à la situation financière tendue des hôpitaux. Estimant qu’il est nécessaire d’intervenir immédiatement dans la planification hospitalière, elle a déposé à l’unanimité la motion « Renforcer la planification hospitalière grâce à des listes d’hôpitaux intercantonales » (25.3017). Elle entend ainsi charger le Conseil fédéral de modifier les bases légales de manière à ce que les cantons ne soient pas seulement tenus de coordonner leurs planifications hospitalières, comme c’est le cas aujourd’hui, mais aussi de coordonner les mandats de prestations au sein des régions de soins et de les attribuer conjointement.

La commission s’est informée de l’état d’avancement des nouveaux tarifs médicaux ambulatoires, qui entreront en vigueur le 1er janvier de l’année prochaine. Comme le Conseil fédéral, elle estime essentiel que l’introduction ne soit pas suivie d’une augmentation des coûts qui serait uniquement imputable au changement de système. C’est pourquoi, elle propose à l’unanimité à son conseil d’adopter la mo. (Bircher) Graber « Nouvelles structures tarifaires pour les soins ambulatoires. Garantir la neutralité des coûts » (23.4527).

La commission s’est renseignée sur l’état des négociations entre les partenaires tarifaires au sujet de la prise en charge des prestations d’interprétation en langue des signes dans le domaine de la santé. Regrettant que les partenaires tarifaires ne soient toujours pas parvenus à s’entendre, elle a décidé, par 6 voix contre 0 et 6 absentions, de déposer une motion de commission (25.2013) chargeant le Conseil fédéral de mettre en place des critères uniformes encadrant la prise en charge de ces prestations.

L’administration a par ailleurs informé la commission des conséquences potentielles de la mise en œuvre de la motion « Prix des médicaments. Remboursement par l’assurance obligatoire des soins des médicaments et moyens auxiliaires bon marché achetés à l’étranger, afin de faire baisser les prix et réduire les coûts » (23.4177). Celles-ci étant multiples, la commission auditionnera dans un deuxième temps les milieux concernés.

La commission a été consultée sur les amendements au Règlement sanitaire international (RSI), pour lesquels le Conseil fédéral a lancé une consultation le 13 novembre 2024. Elle prend acte de ces adaptations et continuera à observer de près les processus de suivi des pandémies au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

La commission a constaté avec satisfaction que les négociations sur les nouveaux tarifs de la physiothérapie ambulatoire avancent dans la bonne direction. Les partenaires tarifaires ont jusqu’à fin mai 2025 pour présenter une nouvelle convention tarifaire au Conseil fédéral. La commission prendra donc des nouvelles de la situation cet été.

La commission s’est informée sur l’arrêt 9C_702/2023 du Tribunal fédéral du 15 février 2024, qui soulève d’importantes questions en ce qui concerne la charge de la preuve de l’efficacité d’une prestation au sens de la LAMal. Elle continuera de se renseigner sur la thématique à l’avenir.

La commission a siégé les 27 et 28 janvier 2025 à Berne, sous la présidence du conseiller aux États Damian Müller (PLR, LU) et, pour partie, en présence de la Conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider.