Question à M. SABOYA SUNYE, ministre des Affaires étrangères de l’Andorre, Président du Comité des Ministres - Andreas Gross

Discours de M. Gauck, Président de l’Allemagne – Question de Maximilian Reimann

Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente. Observation de l’élection présidentielle en Arménie - M. Bugnon, M. Recordon

Discours de M. Burkhalter, Vice-président du Conseil fédéral, Chef du Département fédéral des Affaires étrangères de la Suisse – Questions de Maximilian Reimann, Luc Recordon

Discours de M. Ponta, Premier ministre de la Roumanie – Question de M. Gross

Mettre fin à la discrimination contre les enfants roms (Doc. 13158) – M. Voruz

Violence à l’encontre des communautés religieuses (Doc. 13157) – M. Recordon, Madame Schneider-Schneiter

Les réfugiés syriens en Jordanie, en Turquie, au Liban et en Irak : comment organiser et soutenir l’aide internationale ? - Débat d’actualité - Madame Fiala (au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe)

Frontex : responsabilités en matière de droits de l’homme : La gestion des défis en matière de migrations et d’asile au-delà de la frontière orientale de l’Union européenne (Doc 13163) - (Débat conjoint) Monsieur Voruz

Projet de Protocole no 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Doc. 13154) – Madame Fiala

Nanotechnologie : la mise en balance des avantages et des risques pour la santé publique et l’environnement L’éthique dans la science et la technologie (Doc. 13117) - (Débat conjoint) Madame Fiala

 

Communication du Comité des Ministres:

Question à M. SABOYA SUNYE, ministre des Affaires étrangères de l’Andorre, Président du Comité des Ministres - Andreas Gross

M. GROSS (Suisse)* - Les sociaux-démocrates vous remercient, Monsieur Saboya Sunyé, pour votre engagement lors de la présidence du Comité des Ministres.

Que fait le Comité des Ministres pour libérer le directeur de l’école d’études politiques de Bakou, qui a été arrêté tout simplement parce qu’il voulait organiser une manifestation dans une petite ville de son pays ? Il est de notre responsabilité de faire en sorte que les gens avec lesquels nous travaillons ne soient pas traités de la sorte.

 

M. LE PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES* – Nous partageons votre préoccupation, qui a d’ailleurs été exprimée par de nombreuses personnes, y compris par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et certains membres de votre Assemblée, qui ont déjà abordé le problème posé par la détention de M. Mammadov. Une délégation du Comité des Ministres s’est rendue il y a deux semaines en Azerbaïdjan. La question a été soulevée. Malheureusement, la délégation n’a pas pu rendre visite à cette personne. Il est essentiel que M. Mammadov bénéficie pleinement des garanties offertes par la Convention européenne des droits de l’homme. Je peux vous assurer que le Comité des Ministres continuera à suivre de très près cette question.

 

Discours de M. Gauck, Président de l’Allemagne – Question de Maximilian Reimann

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Reimann.

 

M. REIMANN (Suisse) * – Ma question est semblable à celle de M. Volontè. En tant que voisin de l’Allemagne, je suis également préoccupé par ces manifestations d’antigermanisme. Nous pensions que cela faisait partie d’une époque révolue. Vous avez déjà répondu à cette question, Monsieur le Président, ce dont je vous remercie.

 

LE PRÉSIDENT – Monsieur le Président, vous avez la parole.

 

M. LE PRÉSIDENT DE L’ALLEMAGNE* – Dans mon intervention, j’ai rappelé que l’Allemagne avait une expérience abominable de l’extrême droite. Voilà une dizaine d’années, pour des motifs racistes inacceptables, un groupe d’extrême droite a assassiné des personnes dont une femme policier. Une commission d’enquête, dont j’ai reçu les membres au Bundestag, a conclu qu’il ne s’agissait pas là d’une lacune législative, mais d’un manque de coopération entre le Bund et les Länder, dont les mandats sont différents, la police, en effet, relevant des Länder. Par ailleurs, les Länder comptent des offices de protection de la Constitution. C’est ainsi qu’en la matière, nos parlementaires considèrent que le fédéralisme est négatif. La mise en place d’une commission commune entre le Bund et les Länder s’est imposée afin de permettre une collecte de données communes. Une enquête subséquente a posé la question de savoir si les autorités avaient porté une attention suffisante à cet extrémisme. Le débat est vif et très controversé, et ne trouve pas de réponse. Je vous en livrerai une qui sans doute ne vous tranquillisera pas, mais il faut savoir que nous, Allemands, qui avons connu ce terrorisme national-socialiste sommes horrifiés, à tel point que nous n’autoriserons plus jamais qu’un tel mouvement politique ait du poids.

Quant à savoir si le parti d’extrême droite allemand devrait être ou non interdit, d’aucuns sont pour, d’autres sont contre. J’ai créé une association contre l’oubli et pour la démocratie. Des associations de citoyens en Allemagne mènent une action active, des citoyens démocrates manifestent massivement contre cet extrémisme de droite et les institutions luttent en se fondant sur la base de la primauté du droit. Cette action pourrait-elle se situer sur le plan électoral ? La question reste controversée; en effet, dès lors que l’on interdit un parti d’extrême droite fort et qu’il se divise en groupuscules, il devient encore plus difficile de lutter contre lui.

L’extrémisme est une question menaçante. En tant que membre du Conseil de l'Europe et de l’Union européenne, ce cadre commun à nous tous, nous luttons contre ces ennemis avec les armes qui sont les nôtres dans un système démocratique. Nous ne nous déplacerons pas dans un autre champ d’action que celui-là en interdisant à ces partis d’extrême droite d’exister et en les déclarant illégaux.

Votre dernière question, quant à elle, ne concerne pas le problème de l’extrémisme et je ne pourrai rien dire à ce sujet. Je vous invite toutefois à me faire part de ses tenants et aboutissants par écrit afin que je puisse y répondre.

 

Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente. Observation de l’élection présidentielle en Arménie - M. Bugnon, M. Recordon

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Bugnon.

 

M. BUGNON (Suisse) – J’ai participé en plusieurs occasions à des observations d’élections dans certains pays de l’ex-bloc soviétique. À chaque fois, j’ai constaté que, dans ces pays, prévalait une culture de la méfiance : dès qu’il y a des élections, on entend dire qu’il va y avoir de la triche et que les résultats seront faussés. Cette méfiance est entretenue dans l’intérêt de certains.

Comme on l’a déjà observé, une fois les élections passées, et ce quel que soit le nombre d’observateurs que l’on envoie, celui qui a perdu dénonce l’impréparation et l’insincérité du scrutin. Bien sûr, on ne peut jamais tout voir et le proverbe dit qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Mais la question est de savoir si c’est un grand incendie, susceptible de mettre en cause la démocratie, ou bien si c’est un petit feu de paille, que l’on peut éteindre.

Pour ma part, j’ai constaté dans ces différents pays, comme certains l’ont signalé avant moi, de nettes améliorations par rapport aux précédents scrutins. Si tout n’est pas parfait, des progrès certains ont quand même été accomplis. En effet, les gouvernements sortants ont intérêt à ce que l’on reconnaisse qu’ils mettent en place un système démocratique, ne serait-ce que pour donner de la valeur aux personnes qui représentent ces pays dans cet hémicycle. Par ailleurs, il y a un intérêt commun à ce que la démocratie fonctionne bien.

Des améliorations peuvent être apportées dans deux directions. Premièrement, le Conseil de l’Europe devrait suivre le processus jusqu’à la fin du dépouillement dans les bureaux de vote. Actuellement, nous n’avons pas l’occasion d’observer le transfert des urnes dans un bureau central et de voir comment se fait le dépouillement. Il faudrait pouvoir suivre le processus jusqu’au bout pour pouvoir attester que les opérations ont été faites normalement.

Deuxièmement, il est indispensable d’améliorer le contrôle des habitants qui doivent justifier d’un domicile et surtout voter dans la localité où celui-ci est situé. Car tant qu’un grand nombre de personnes d’une ville peuvent aller voter dans une autre ville, tout contrôle est impossible.

Cependant, on peut constater des avancées. Mais nous devons continuer à jouer notre rôle d’observateur pour qu’il y ait davantage de progrès.

 

M. RECORDON (Suisse) – De manière générale, je partage les propos de M. Villumsen, mais je concentrerai mon intervention sur les élections en Arménie, auxquelles j’ai assisté durant quelques jours.

Apparemment, le processus s’est bien déroulé. Je ne suis pas en mesure de dire s’il s’est amélioré ou non, puisque c’était la première fois que je suivais les élections dans ce pays, mais à mon sens, le principal problème sur lequel il convient d’insister tient au rôle de personnes dépendant de l’État dans le déroulement des opérations électorales. Il faut impérativement que ce soient des citoyens formés et sans appartenance, ou avec une appartenance politique tout à fait équilibrée et soigneusement pondérée, qui assurent la direction et l’exécution du travail dans les bureaux électoraux. Cela ne remet en rien en cause la bonne volonté de la plupart des gens que j’ai pu rencontrer lors de cette élection, mais c’est une question de principe et de gouvernance.

Deux détails méritent également d’être signalés.

Tout d’abord, il y a eu des protestations récurrentes concernant l’encre apposée sur les documents des votants, qui se dissipait paraît-il très vite. Nous ne l’avons pas constaté pour notre part, mais je pense que l’on devrait systématiquement faire des tests d’encre, en faisant imprimer sur des feuilles que nous conserverions les tampons tels qu’ils sont apposés sur les documents des électeurs.

Un autre aspect ponctuel, mais assez fréquent lors d’élections, et pas seulement en Arménie, serait de corriger la taille insuffisante des isoloirs et leur disposition parfois insuffisamment soigneuse – je dis bien «parfois» – de manière à éviter que l’on puisse voir ce qui se passe dans l’isoloir. Cela peut sembler un détail, mais cela renforcerait la confiance de l’électorat dans le processus.

Sous ces réserves, et autant que je puisse en juger, il me semble que ce processus a été régulier.

 

Discours de M. Burkhalter, Vice-président du Conseil fédéral, Chef du Département fédéral des Affaires étrangères de la Suisse – Questions de Maximilian Reimann, Luc Recordon

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle d’abord le discours de M. Burkhalter, vice-président du Conseil fédéral, chef du département fédéral des Affaires étrangères de la Suisse.

Monsieur le Ministre, c’est avec grand plaisir que je vous souhaite – pour la troisième fois ! – la bienvenue à Strasbourg, au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Votre visite revêt une dimension d’autant plus symbolique que votre pays célèbre cette année le cinquantième anniversaire de son adhésion au Conseil de l’Europe.

Je vous remercie personnellement pour le magnifique ouvrage que vous m’avez offert et que je lirai avec beaucoup d’intérêt. Je note qu’en couverture se trouvent des visages bien connus de cette Assemblée, qui en ont marqué l’histoire au cours des cinquante dernières années et qui, pour certains, sont encore présents parmi nous.

L’attachement indéfectible de la Suisse aux valeurs et aux standards de notre Organisation s’est notamment reflété dans les priorités de la présidence suisse du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, assumée par votre pays du 18 novembre 2009 au 11 mai 2010. Votre présidence, centrée sur trois thèmes – la protection des droits de l’homme et la primauté du droit, le renforcement des institutions démocratiques, l’augmentation de la transparence et de l’efficacité dans le fonctionnement du Conseil de l’Europe – a permis de lancer une série d’initiatives importantes qui ont marqué les travaux du Conseil de l’Europe pour plusieurs années. Je voudrais vous remercier, avec un peu de retard, pour la qualité de l’accueil qui nous avons été réservé dans votre pays à l’occasion des réunions que nous tenons traditionnellement, à savoir celles de notre Bureau et de notre Commission permanente. La Conférence d’Interlaken, pour ne citer qu’elle, a été une étape fondamentale dans la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme.

Par ailleurs, je tiens à préciser que la Suisse participe substantiellement aux programmes de coopération du Conseil de l’Europe par des contributions volontaires qui renforcent grandement l’impact de notre action sur le terrain, dans les Etats où notre soutien est particulièrement pertinent et attendu.

Finalement, je dois préciser que la délégation suisse à l’Assemblée est l’une des plus actives et je suis très heureux de toujours pouvoir compter sur le soutien de mes collègues suisses, notamment M. Gross, président du Groupe socialiste, qui est l’un des «recordmen» en nombre de participation aux votes ! Je citerai aussi Mme Maury Pasquier, présidente de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, sans oublier un vieil ami, qui n’est plus membre de cette Assemblée, notre ami Dick Marty, qui présidait aussi l’une de nos commissions et qui a accompli un travail extrêmement important au sein de notre Assemblée.

Monsieur le Ministre, c’est avec grand plaisir que je vous cède la parole.

 

M. BURKHALTER, vice-président du Conseil fédéral suisse, chef du département fédéral des Affaires étrangères de la Suisse – Je vous remercie, Monsieur le Président, de votre bienvenue chaleureuse- et triple ! Sachez que vous êtes, vous aussi, chaleureusement bienvenu dans notre pays, et à de multiples reprises si vous le souhaitez.

Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire et chers amis de l’Europe, le 6 mai prochain, cinquante jeunes Européens seront en Suisse. Ils achèveront une semaine qui les aura conduits dans différents endroits de notre pays et ici, au Conseil de l’Europe à Strasbourg. La Suisse célèbrera avec eux les 50 ans de son adhésion au Conseil de l’Europe.

C’est en effet le 6 mai 1963 que la Suisse a fait son entrée officielle au Conseil de l’Europe. Au printemps 1963, alors que Charles de Gaulle et Konrad Adenauer venaient de signer le Traité de l’Elysée et que Berlin s’apprêtait à accueillir John Fitzgerald Kennedy, la Suisse adhérait au Conseil de l’Europe. Un tel événement se célèbre, bien sûr, et je vous remercie de donner l’occasion à mon pays de s’exprimer ici même devant vous.

La Suisse a souhaité marquer cet événement en regardant surtout vers l’avenir, en regardant l’avenir dans les yeux de jeunes Européens. Voilà pourquoi la Suisse a invité cinquante jeunes issus de onze pays parmi ceux qui ont adhéré le plus récemment au Conseil de l’Europe. Nous aurons donc des participants venus d’Albanie, d’Arménie, d’Azerbaïdjan, de Bosnie-Herzégovine, de Géorgie, de Macédoine, du Monténégro, de Moldavie et de Russie.

Ces cinquante jeunes vivront ensemble une semaine de découverte, de formation, de réflexion. Ils s’occuperont de démocratie, de droits de l’homme, de justice, d’Etat de droit, de fédéralisme, de protection des minorités. Ils visiteront différents lieux de Suisse, Berne, Delémont, Zurich, Lucerne et Fribourg, où nous célèbrerons, le 6 mai, les 50 ans de l’adhésion en présence du Secrétaire Général, M. Jagland.

Ces jeunes iront aussi à Glaris, au cœur de la démocratie. Ils assisteront à une Landsgemeinde, l’exercice de la démocratie directe au sens le plus pur. J’avais assisté moi-même à cette Landsgemeinde, assemblée populaire en fait, de Glaris l’an passé, en compagnie du ministre autrichien des Affaires étrangères. Mesdames et Messieurs, cela s’appelle vivre la démocratie lorsque l’on voit un peuple rassemblé quatre heures sur une place de village débattre de différents sujets sous une pluie battante, écoutant et respectant l’opinion de tous, et prenant des décisions collectivement. C’est le cœur battant de la démocratie suisse que nous mettrons ainsi à l’honneur pour ces jeunes qui représentent l’avenir de l’Europe.

Dans leurs yeux et également dans ceux de leurs amis en Suisse, nous pourrons lire leur rêve d’avenir et celui de l’Europe que nous voulons leur laisser : une Europe de démocratie, d’ouverture, de sécurité, de prospérité, une Europe de paix.

Mesdames et Messieurs, la politique, c’est construire un pays, construire une Europe, construire un monde meilleur pour les générations futures, pour les enfants, c’est offrir à la jeunesse la chance de se réaliser, c’est lui offrir des perspectives. « Toute politique est autorisation de l’avenir », écrivait le philosophe suisse, neuchâtelois et européen, Denis de Rougemont. Toute politique est autorisation de l’avenir. C’est ce qui a motivé la Suisse à adhérer au Conseil de l’Europe le 6 mai 1963. C’est ce qui la motive à y être aujourd’hui : créer l’avenir pour et par les jeunes.

Aujourd’hui, regardons ensemble la Suisse, sa conception de la démocratie, du droit, de la liberté. J’évoquerai ensuite le Conseil de l’Europe et, son importance. Enfin, je parlerai de l’engagement de la Suisse en Europe et au-delà.

Parlons donc de la Suisse.

Le rôle d’un pays en Europe et ses relations avec l’Europe sont un sujet qui se prête à un débat démocratique. Ce débat s’inscrit dans le contexte d’une mondialisation qui s’accélère, et d’un changement des équilibres, mais aussi d’une diversification des centres globaux.

Il s’inscrit aussi dans le contexte d’une intégration européenne qui a, de fait, plusieurs vitesses et prend plusieurs formes : certains pays de l’Union européenne sont par exemple dans la zone euro et d’autres pas. Certains pays membres de l’Union européenne ne sont pas, ou pas complètement, dans l’espace Schengen, alors que d’autres, comme la Suisse, non membre de l’Union européenne, y sont pleinement associés. Le Conseil de l’Europe, lui, couvre presque tout le Continent.

La relation à l’Europe et à ses différentes institutions est partout un thème de débat et de réflexion. C’est une preuve de démocratie vivante. Cela est particulièrement vrai en Suisse, ce pays qui pratique la démocratie directe « au quotidien » – pas tous les jours sur la place de la Landsgemeinde sous la pluie battante, mais au moins quatre fois l’an dans les urnes et, chaque jour, dans la vie.

La Suisse est le seul pays d’Europe qui se soit prononcé par votation populaire – et par deux fois positivement – sur les extensions successives de l’Union européenne et, donc, sur l’accord sur la libre circulation des personnes. Cela sera probablement à nouveau le cas suite à l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne. Le débat populaire et démocratique est particulièrement vivant en Suisse.

La Suisse est située au cœur de l’Europe, à l’endroit où se rencontrent – et non où s’affrontent – les vastes cultures européennes. Les questions liées à l’identité européenne y sont très présentes par la nature même de sa construction historique, par son histoire institutionnelle et politique et par sa géographie. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles la Suisse s’est constituée très tôt comme un Etat dont la structure et la pratique politique ont des ressemblances avec celles d’une Europe en construction.

La Suisse s’est donné une Constitution fédérale dès 1848. Elle est l’un des rares pays où, à cette époque de révolutions européennes, les idées libérales, démocratiques et républicaines ont pu s’imposer puis demeurer sans interruption jusqu’à nos jours. Cette Constitution de 1848, dont les principaux éléments sont encore en vigueur après deux révisions intégrales du texte constitutionnel, a installé un pouvoir limité, décentralisé et partagé.

Le pouvoir y est limité en ce sens que l’initiative, la liberté et la responsabilité individuelles jouent un rôle fondamental dans notre pays. Même nos autorités sont constituées sur cette base, puisque l’essentiel de l’engagement politique est, en Suisse, un acte largement bénévole et un engagement de milice.

Par ailleurs, de vastes pans de la politique, notamment les questions liées au travail, dépendent largement du partenariat social, du dialogue entre syndicats et patronats et non de lois ou de politiques publiques.

Le pouvoir est aussi décentralisé en Suisse en vertu du principe de subsidiarité : seules certaines tâches sont déléguées à l’Etat fédéral, les autres appartiennent par défaut, en vertu de la Constitution, aux Etats cantonaux.

Enfin, le pouvoir en Suisse est fragmenté, parce que l’autorité exécutive est placée entre les mains de conseils collégiaux et non d’un seul individu. Le Conseil fédéral est une autorité collégiale où les décisions importantes se prennent collectivement et dont la présidence passe à tour de rôle à chaque membre du Conseil pour une année. Ce système, qui dépersonnalise le pouvoir, alors que la société d’aujourd’hui souhaite trop souvent le contraire, est appliqué à l’identique – ou presque – dans les cantons et dans les communes.

Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, un rouage essentiel s’est ajouté à cette construction institutionnelle : la démocratie semi-directe. Ce système, qui existe là aussi à l’identique dans les cantons et les communes, a renforcé les contre-pouvoirs et a donc limité encore un peu plus les pouvoirs exécutif et législatif. En Suisse, les grandes questions sont toujours tranchées par le peuple souverain.

La recette suisse est donc, Mesdames et Messieurs, de combiner libéralisme, fédéralisme et démocratie directe, avec son pendant : un système politique de consensus.

Dans ce contexte, la promotion et la protection des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit se trouvent inscrites dans le patrimoine génétique du pays et dans la Constitution. La volonté de réduire la pauvreté et celle de protéger l’environnement, que ce soit en Suisse ou dans le monde, se sont ajoutées à ces valeurs au fil des ans.

Mesdames et Messieurs, ce système, les Suisses l’aiment bien, au fond. Ils en sont fiers, mais sans arrogance. Ils y sont attachés par volonté. Cela dit, les Suisses prennent leur temps…

La Suisse a en effet mis du temps à adhérer à certaines grandes organisations comme le Conseil de l’Europe ou l’Organisation des Nations Unies, alors qu’elle partage pleinement et depuis très longtemps leurs valeurs. C’est vraisemblablement en raison de sa neutralité, dans un monde qui était longtemps fortement divisé, et du fait que le processus de formation des décisions prend du temps en démocratie directe. La Suisse est le seul pays au monde à avoir voté pour son adhésion à l’Onu, et cela par deux fois.

En 1986, dans un contexte encore marqué par la Guerre froide, la population a rejeté cette idée par 75 % des votants. Je m’en souviens très bien : j’étais jeune, j’étais pour et j’ai été battu - c’est l’apprentissage de la démocratie.

Entre-temps, le monde a changé, la Guerre froide a pris fin, l’Onu est devenue une organisation irréfutablement universelle et, en 2002, le peuple suisse a finalement soutenu cette adhésion à une organisation qui lui permet de défendre dans le monde ses valeurs et ses intérêts. La Suisse sera d’ailleurs candidate pour la première fois au Conseil de sécurité pour l’élection qui aura lieu en 2022. La Suisse prend son temps…

L’adhésion au Conseil de l’Europe a aussi pris un peu de temps, car la Suisse voulait se convaincre qu’il s’agissait, non pas d’une organisation opposant des blocs, mais d’une organisation au service de valeurs. La Suisse s’est convaincue que le Conseil de l’Europe était une organisation qui pouvait l’aider, non seulement à développer les valeurs de démocratie, de droits de l’homme et de paix en son sein, mais aussi à les promouvoir au-delà de ses propres frontières. Car sur un continent et dans un monde de plus en plus interconnectés, la Suisse a la conviction qu’elle a, comme d’autres, la responsabilité d’agir, tout spécialement en ce qui concerne les problèmes globaux, et de se montrer solidaire.

La stabilité et le développement économique et humain du continent et du monde est par ailleurs dans l’intérêt de tous, Suisse comprise. La politique extérieure de la Suisse peut donc se définir aujourd’hui par le triptyque : neutralité, solidarité et responsabilité. C’est notamment la raison pour laquelle la Suisse a décidé, l’an dernier, d’augmenter fortement son aide à la coopération et au développement, qui dépassera les 11 milliards de francs pour la période 2013-2016, atteignant alors 0,5 % du revenu national brut. Elle le fait comme un acte de responsabilité et de solidarité à l’égard de l’Europe et du monde, à un moment où d’autres doivent malheureusement réduire ces montants pour des raisons financières.

Le secteur de la coopération internationale est celui qui va connaître la plus forte croissance des dépenses politiques suisses en cette période budgétaire. La Suisse a donc mis quelques années de prudente et légitime – peut-être – observation avant de rejoindre le Conseil de l’Europe. Mais la dynamique née en Europe après la Seconde Guerre mondiale ne l’a évidemment pas laissée indifférente. Elle a observé ce mouvement avec bienveillance et certains Suisses ont d’ailleurs été très actifs au sein du mouvement européen de l’époque.

Au Congrès de La Haye, présidé par Winston Churchill en 1948, Denis de Rougemont, que je citais en introduction, a rédigé et a lu, lors de la séance de clôture, le « Message aux Européens », adopté par le Congrès et qui déboucha, en 1949, sur la naissance au Conseil de l’Europe. Le pays, lui, n’était pas encore prêt à adhérer et le contexte international de l’immédiat après-guerre ne s’y prêtait pas encore.

Le caractère intergouvernemental du Conseil de l’Europe et les valeurs et principes qu’il a défendus ont toutefois su convaincre la Suisse de l’utilité d’y adhérer dans les années 1960. Après son adhésion, la Suisse a vite trouvé à Strasbourg une manière de travailler et un climat qui lui étaient familiers. La mise en valeur du cadre local et régional, l’implication des milieux concernés de la société civile, la prise de décision par consensus et, plus généralement, une approche fondée avant tout sur le droit font du Conseil de l’Europe une enceinte qui convient bien à l’esprit suisse.

La Suisse attache une importance particulière aux conventions du Conseil de l’Europe, que ce soit en participant activement à leur élaboration ou en ratifiant les principales. Sur les 212 conventions du Conseil de l’Europe ouvertes à la ratification à ce jour, la Suisse en a ratifié 116 et en a signé 13 autres. D’une manière générale, nous sommes prêts à adhérer autant que possible aux conventions du Conseil de l’Europe. Pourtant, la Suisse étudie chaque adhésion avec soin. Elle a pour l’heure décidé de ne pas rejoindre quelques textes, non parce qu’elle n’en partage pas les objectifs, mais parce qu’elle a choisi de les réaliser par d’autres moyens. Il y a donc parfois divergence sur la méthode, mais pas forcément sur les objectifs.

J’aimerais illustrer cette attitude par un exemple qui souligne bien la culture politique de la Suisse. La Confédération n’a pas encore adopté la Charte sociale européenne. Si elle ne l’a pas fait, c’est parce que, en l’état, une application au pied de la lettre de cette convention en Suisse pourrait mettre en cause d’importants acquis économiques et sociaux que nous considérons comme élémentaires dans notre pays.

Je m’explique : le système suisse de formation professionnelle duale – l’apprentissage en école et en entreprise – est un facteur essentiel de la réussite économique de notre pays. La Suisse connaît le plus bas taux de chômage des jeunes d’Europe. Or c’est un défi brûlant, certainement même le plus brûlant pour notre continent, que de donner des perspectives et donc des emplois aux jeunes. L’une des raisons du succès de la Suisse dans ce domaine tient au système de l’apprentissage dual, car les jeunes, formés à la fois en entreprise et en école, s’adaptent rapidement aux réalités de l’économie. Par ailleurs, les besoins évolutifs du marché sont intégrés dans la formation elle-même.

Evidemment, ces jeunes apprentis ne touchent pas, pendant leur apprentissage, un salaire équivalent à ce qu’ils toucheront par la suite, une fois employés. Mais, pendant leur formation, leurs amis qui sont au lycée n’ont, eux, pas de salaire du tout. Or, notre adhésion à la Charte sociale pourrait remettre en cause une partie de ce système, en raison notamment – si l’on fait une lecture trop étroitement juridique de la Charte sociale – du niveau de salaire des apprentis.

La question est en cours de clarification et nous débattons de ce sujet. Nous plaidons donc pour que l’on tienne compte ici, non pas des processus, mais des résultats d’une politique. Bref, une fois encore, toute politique est autorisation de l’avenir.

Bien former les jeunes et leur offrir des emplois, c’est permettre l’avenir. La meilleure politique sociale, c’est d’offrir des emplois. Des politiques différentes peuvent amener à des conséquences similaires. La Suisse discute donc actuellement avec le Comité européen des droits sociaux pour que l’on puisse reconnaître des équivalences de ce système, ce qui permettrait à la Suisse d’adhérer à la Charte sociale sans compromettre l’un de ses atouts.

Car la Suisse a pour pratique d’appliquer strictement – de façon exemplaire, si possible – les textes qu’elle signe. Si elle sait qu’elle ne pourra pas les appliquer à cent pour cent ou presque – et c’est le cas ici pour l’heure –, elle préfère, de manière cohérente, renoncer à y adhérer, tout au moins tant qu’une jurisprudence suffisante ne permet pas de clarifier les obligations qui sont liées aux conventions.

Dans ce domaine comme dans d’autres, la Suisse est donc avant tout soucieuse des résultats de la politique pour ses habitants. J’ajoute que, en ce qui concerne la formation professionnelle, la Suisse envisage, dans le sens de son devoir de responsabilité et de solidarité, de lancer un vaste programme pour soutenir le développement de la formation professionnelle dans des pays d’Europe qui en ont besoin, notamment parce qu’ils connaissent un fort taux de chômage des jeunes.

J’en viens au Conseil de l'Europe et à son importance.

Mesdames et Messieurs, la contribution du Conseil de l'Europe au développement de la démocratie et de l'Etat de droit en Europe ainsi qu’à un système unique au monde de protection de l'individu, est universellement reconnue et les mécanismes développés au Conseil de l'Europe servent souvent de référence.

La protection des droits et des libertés a progressé dans tous les pays d'Europe grâce aux mécanismes développés ici à Strasbourg. Merci pour cela ! Il serait souhaitable que la jouissance de ces droits et libertés s'étende également aux populations qui n'en bénéficient pas encore : c'est en particulier le cas du Bélarus, avec lequel je souhaite vivement que le dialogue puisse reprendre, et du Kosovo, non encore admis au Conseil de l'Europe. C'est aussi les cas des territoires qui sont en proie à des conflits prolongés et figés, notamment sur le territoire de l'ex-Union Soviétique. Ici le préalable, c'est la résolution de ces différends, qui doit rester une priorité des efforts européens. Ce sera d'ailleurs une priorité de la Suisse en 2014, lorsqu'elle présidera l'OSCE.

La contribution du Conseil de l'Europe au développement des droits de l'homme et de l'Etat de droit a aussi eu des effets positifs pour la Suisse : les droits de l'homme et les libertés fondamentales citées au début de la nouvelle Constitution fédérale s'inspirent très largement des principes de la Convention européenne des droits de l'homme.

Plusieurs lacunes dans la protection des droits et libertés ont aussi été comblées depuis l'adhésion de la Suisse à la Convention, et la législation suisse a évolué par des décisions souveraines, mais dans un mouvement de dialogue typique des mécanismes de protection des droits de l'homme.

Promouvoir la croissance et l'emploi est évidemment une priorité, si ce n'est la priorité de la plupart des gouvernements européens actuellement. Or, la prospérité se construit sur un environnement institutionnel et juridique mais aussi social et économique stable. Ce n'est donc pas un hasard si la recherche de la stabilité est indissociable de la quête de la prospérité. Or, la stabilité, ce sont les règles qui régissent nos activités, qu'elles soient étatiques ou non, c'est aussi un contrat de société, un « Contrat social » pour reprendre les mots de Rousseau.

Le Conseil de l'Europe et ses conventions contribuent à la création d'un espace juridique cohérent et sur l'ensemble de notre continent. C'est bon pour la stabilité, pour le développement humain et pour la construction d'une économie prospère et d'une société qui intègre et offre des perspectives.

Quant aux organes de contrôle, au premier rang desquels évidemment la Cour européenne des droits de l'homme, ils sont une garantie sans égale de la cohérence et de la solidité de ce système.

La Suisse place plus haut que tout, dans son système de valeurs, les libertés et les droits de chaque personne individuelle. Le système de la Cour permet de garantir à chaque individu le respect de ses droits contre l'arbitraire ou la force de l'Etat. La Cour protège les individus et leurs libertés. Le fait que chacun puisse recourir «à Strasbourg» pour défendre ses droits contre son propre gouvernement constitue une garantie essentielle.

Bien sûr, les Etats n'aiment pas perdre devant la Cour. Et la Suisse n'est pas différente. D'ailleurs, la Suisse étudie de près un arrêt récent qui l'interpelle. Si elle est d'avis que cela est justifié, elle utilisera les voies juridiques prévues, en demandant un renvoi de l'affaire devant la grande Chambre. Mais le fait d'accepter cette règle, d'accepter un fonctionnement des institutions dans une société qui intègre, est le signe d'une démocratie mature.

La Convention européenne des droits de l'homme est un instrument central et essentiel dans le développement de l'Europe depuis la seconde moitié du XXe siècle. En protégeant efficacement des valeurs aussi importantes que le droit à la vie, le droit à un procès équitable, le droit au respect de la vie privée et familiale, la liberté d'expression, la liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit au respect de ses biens ou encore en interdisant la torture, le travail forcé, la peine de mort ou la détention arbitraire, la Convention et la Cour assurent les valeurs les plus fondamentales de notre continent et de l'humanité.

C'est pourquoi la Suisse a repris de telles valeurs dans sa Constitution.

La volonté de l'Union européenne, que la Suisse salue et soutient, d'adhérer à la Convention européenne des droits de l'homme souligne à l'évidence l'importance de ce mécanisme. Cette adhésion comblera utilement une lacune dans le dispositif de protection des droits de l'homme en Europe. La Suisse se félicite de l'accord trouvé récemment par les négociateurs.

L'accord d'adhésion de l'Union européenne devra encore franchir plusieurs étapes avant de pouvoir être ratifié par les Etats membres ainsi que par l'Union européenne, elle-même.

Il reste donc du travail, un travail important pour que nous puissions disposer d'un système de contrôle des droits de l'homme unique pour tout le continent. Les Etats membres du Conseil de l'Europe devront rester fermement engagés à assurer, ensemble, l'intégrité et la légitimité de ce mécanisme, indépendamment de leur appartenance ou non à l'Union européenne.

La signification des standards du Conseil de l'Europe ne s'arrête d'ailleurs pas aux limites de notre continent. Ils sont devenus une référence dans le monde entier. De nombreux pays ont adhéré à certains instruments juridiques du Conseil de l'Europe.

Les droits et libertés promus par le Conseil de l'Europe ont également permis de renforcer la sécurité sur notre continent. La paix au sein de nos sociétés - mais également la paix entre les nations - ne peut être garantie si les droits des individus sont régulièrement violés et leurs libertés attaquées.

De telles situations sont des facteurs d'instabilité, donc d'insécurité, qui ont des conséquences graves pour les régions concernées et des conséquences directes pour l'ensemble du continent, en termes économiques et de migration notamment.

Ce n'est pas un hasard si l'extension des droits et des libertés fondamentale est allée de pair avec une coopération renforcée entre les Etats et le recul des conflits violents en Europe.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, si le Conseil de l'Europe avait perdu de l'influence avec les élargissements successifs de la Communauté puis de l'Union européenne, la fin de la Guerre froide lui a donné un nouveau souffle. Son expertise a permis aux pays d'Europe centrale et orientale ainsi qu'aux pays des Balkans de bénéficier d'un soutien élémentaire dans leurs efforts de construction de l'Etat de droit, de démocratisation de leurs sociétés et de protection des droits de l'homme.

Presque tous les pays d'Europe se retrouvent désormais à Strasbourg pour consolider et perfectionner ce qui fait l'héritage commun, le socle de valeurs de notre continent. Nous espérons que la situation de deux Etats encore absents de ce système changera rapidement.

Le succès de la mission du Conseil de l'Europe n'est pas assuré pour autant. Les moyens dont il dispose n'iront pas en augmentation. Il importe donc qu'il concentre ses activités sur ce qui fait sa principale valeur ajoutée et qu'il coopère étroitement avec les autres organisations internationales.

La complémentarité doit ici prévaloir sur la compétition.

Le renforcement de l'efficacité du Conseil de l'Europe était une priorité de la présidence suisse du Comité des Ministres entre novembre 2009 et mai 2010. Il en allait à la fois de la réforme de la Cour européenne des droits de l'homme et de celle du Conseil de l'Europe.

La tenue de la Conférence d'Interlaken, en février 2010, a permis de faire adopter par les ministres de la justice de tous les pays membres un plan d'action pour la réforme de la Cour. Plusieurs étapes de ce plan ont depuis lors été franchies, notamment à travers l'adoption des déclarations d'Izmir et de Brighton.

Nous sommes en bonne voie mais nous ne sommes qu'à mi-chemin de ces réformes.

Il est donc essentiel que le processus d'Interlaken poursuive son cours et que la détermination d'assurer l'efficacité du fonctionnement de la Cour ne faiblisse pas, ni au sein des Etats membres, ni dans cette Assemblée. Il en va de l'efficacité donc de la crédibilité du système de protection des droits de l'homme en Europe.

En ce qui concerne l'autre objectif clé : la réforme du Conseil de l'Europe, la Suisse soutient pleinement les efforts entrepris, depuis le début de son mandat, par le Secrétaire Général M. Jagland que nous remercions de son engagement. La décision a été prise par les chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres, lors du troisième sommet du Conseil de l'Europe à Varsovie en 2005, de recentrer l'Organisation sur sa mission essentielle.

Cette décision est non seulement juste, elle est essentielle pour assurer la pertinence et donc l'utilité du Conseil de l'Europe à l'avenir.

Depuis 2005, le profil du Conseil de l'Europe a été renforcé. L'Organisation est aujourd'hui clairement identifiée dans les domaines de la préservation et de la promotion des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit en Europe.

Beaucoup a été fait depuis 2009 pour que ces grandes orientations soient reflétées dans la structure et surtout dans la pratique - dans le travail quotidien du Conseil de l'Europe.

Cet élan de réforme ne doit pas s'affaiblir et les travaux doivent se poursuivre avec détermination.

Le Secrétaire Général que vous élirez en juin de l'année prochaine devra s'engager résolument dans cette voie.

La Suisse est un pays de paix. J'étais tout récemment en Colombie et je lisais dans les yeux des enfants de déplacés du conflit armé, des enfants qui ont connu les horreurs de la guerre civile, qui ont été arrachés à tout et qui n'ont rien, des enfants de trois ou quatre ans, à qui l’on avait volé une part de leur enfance, je lisais dans leur yeux tout ce que cela signifie d’être un pays de paix et de prospérité. La Suisse a la chance d’en être un. Cela lui donne des devoirs et des responsabilités.

La Suisse s'engage dans le monde et sur notre continent en faveur de la résolution des conflits. Elle le fait à travers la facilitation du dialogue et par la médiation. La promotion des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la démocratie est le corollaire indispensable de ces efforts.

La Suisse souhaite continuer de s’engager au sein du Conseil de l’Europe et avec lui en faveur de ces objectifs. Elle s'identifie pleinement à la coopération intergouvernementale pratiquée au sein du Conseil de l'Europe. Il en va de même en ce qui concerne les activités de l'Organisation, pour lesquelles la Suisse figure parmi les plus grands contributeurs volontaires. Le Conseil de l'Europe est un partenaire très apprécié dans le cadre de notre propre coopération bilatérale avec plusieurs pays européens. C'est donc avec conviction que nous soutenons les efforts qu'entreprend l'Organisation en faveur des pays en transition.

L'année prochaine, la Suisse aura le privilège d'exercer la présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Cette présidence, qui intervient à un moment où l'OSCE est confrontée à des défis importants, exigera de la Suisse des efforts particuliers.

En premier lieu, il s'agira de renouer avec la capacité à réellement coopérer et donc à décider ensemble. L'OSCE a peut-être trop utilisé la formule «we agree to disagree» ; à l’avenir, il faudra davantage user de la formule «we disagree to disagree» ; encore mieux «we agree to agree» ! Dans une organisation qui décide à la règle de l'unanimité, cela dépendra de la volonté de chacun de ses membres, un grand nombre d’entre eux étant également membres du Conseil de l'Europe : «vos» pays. Cette évolution est essentielle pour une OSCE, qui comme son nom l'indique, se voue à la sécurité de «notre» Europe.

La Suisse voit dans sa présidence de l'OSCE une opportunité de contribuer encore davantage à la stabilité et à la prospérité en Europe et au-delà. Cet engagement nous permettra de renforcer notre action dans le domaine de la résolution de conflits, de la médiation et de la promotion de la paix, mais également de contribuer à l'avancement de la prééminence du droit et de la gouvernance démocratique.

Il existe entre le Conseil de l'Europe et l'OSCE un important potentiel de synergies et de complémentarités. Si le Conseil de l'Europe est avant tout une organisation qui établit et surveille des standards dans les domaines des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit, l'OSCE est en premier lieu un instrument pour la prévention des conflits, la gestion des crises et la réhabilitation post-conflits.

Mais n'oublions pas que l'OSCE établit aussi des standards – politiquement contraignants – dans les domaines des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la démocratie, qui jouent un rôle-clé, par exemple dans des pays de l'Asie centrale qui ne sont pas membres du Conseil de l'Europe.

La coopération entre les deux organisations est déjà bien établie dans plusieurs domaines : la tolérance et la non-discrimination, les minorités nationales, la lutte contre la traite des êtres humains et la lutte contre le terrorisme. Cela a permis de renforcer l'efficacité de ces activités. Nous pensons qu’il vaut la peine d'étendre cette collaboration à d'autres domaines, tels que la coopération sur le terrain ou l’observation d'élections.

Une coopération entre les Assemblées parlementaires des deux organisations – et pourquoi pas une séance commune ? – permettrait certainement d'approfondir ces potentiels et de stimuler une coopération concrète et efficace. J'aimerais vous inviter dès à présent à réfléchir à ces possibilités.

La Suisse en qualité de présidente en exercice de l'OSCE en 2014 soutiendra toute initiative de nature à renforcer une coopération effective avec le Conseil de l'Europe. Entre autres, nous prévoyons des conférences sur les sujets des minorités nationales en 2013 et 2014, qui réuniront les experts des deux organisations.

Les valeurs défendues par le Conseil de l'Europe sont devenues des standards en Europe et servent de référence ailleurs dans le monde.

Il est un domaine dans lequel notre action pourrait particulièrement rayonner vers l'extérieur : la lutte contre la peine de mort qui constitue l'une des priorités de la politique suisse en matière de droits de l'homme. La Suisse mène de nombreuses activités contre la peine capitale. Ainsi, en 2010, le quatrième Congrès mondial contre la peine de mort s'est tenu à Genève. Convaincue par l'importance de telles rencontres dans le cadre de la campagne mondiale contre ce fléau, la Suisse soutient à nouveau cet événement majeur en co-parrainant, aux côtés de l'Espagne, de la Norvège et de la France, l'édition 2013 du Congrès mondial qui aura lieu en juin prochain à Madrid.

Nous contribuons également aux efforts de la Commission internationale contre la peine de mort. La Suisse est actuellement un membre actif du groupe de soutien étatique à la Commission, dont le secrétariat se trouve à Genève.

Parvenir à une abolition générale de la peine capitale dans le monde prendra certes du temps, mais le processus est en route et, même si le chemin est semé d'embûches, la tendance évolue dans la bonne direction.

J'appelle tous les Etats membres du Conseil de l'Europe à poursuivre leurs efforts dans ce sens. La peine de mort est inefficace, illégitime et contraire aux valeurs des droits de l'homme. J'appelle en particulier le Bélarus, dernier Etat européen à ne pas avoir renoncé à la peine capitale, ainsi que les Etats-Unis et le Japon, Etats observateurs du Conseil de l'Europe, à poursuivre leur réflexion et à agir avec détermination pour aller dans le sens d'un moratoire, puis d'une abolition de la peine de mort. Tout simplement parce que cela est juste.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, «Toute politique est autorisation de l'avenir.» Toute politique se reflète dans le regard des jeunes, le regard des enfants de Suisse et d'Europe, le regard des cinquante jeunes qui vivront, en Suisse et à Strasbourg la semaine prochaine, les valeurs du Conseil de l'Europe et de la Suisse. Ce que nous voulons tous, au travers de nos diversités, c'est lire dans les yeux des enfants le désir d'avenir, l'envie de liberté, la joie de la paix, le rire des opportunités qui s'ouvrent dans un continent stable, sûr et prospère.

L'avenir de l'Europe se fera sur la base des valeurs fondamentales qui forment notre destin commun : les droits de l'homme, les libertés fondamentales, la démocratie, la paix, la justice, l'Etat de droit. C'est ce qui motive la Suisse au Conseil de l'Europe. Et c'est pour cela – pour ces regards-là – que nous remercions votre Assemblée parlementaire, chacune et chacun d'entre vous, de votre engagement. Merci et bonne fin de journée !

 

M. RECORDON (Suisse) – La Suisse s’est engagée à lutter contre l’argent sale, préoccupation importante aux titres des droits de l’homme, de l’économie et de la société mais aussi des droits humains les plus élémentaires lorsque l’on songe aux mafias. La Suisse est-elle prête à s’engager activement et non plus réactivement, sur un plan multilatéral, afin de lutter contre l’argent sale ?

 

LE VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL FÉDÉRAL DE LA SUISSE – Il n’est pas possible d’affirmer que la Suisse a agi réactivement et non activement dans la lutte contre le blanchiment d’argent sale. Notre législation, qui compte parmi les plus pointues au monde, est exemplaire en la matière, je tiens à le dire sans arrogance. Nous avons même été en avance mais cela n’empêche pas de l’améliorer en adoptant un certain nombre de justes recommandations. Comme je l’ai dit, cela prend du temps mais cela dure longtemps !

 

M. REIMANN (Suisse)* – Le GRECO s’est récemment penché sur le cas de la Suisse et a émis des critiques très vives contre le financement des partis. En lisant son rapport, j’ai eu l’impression que la Suisse était une république bananière, corrompue, et non pas un pays qui se caractérise par une démocratie directe. Qu’en pensez-vous ?

 

LE VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL FÉDÉRAL DE LA SUISSE – Concernant le financement des partis, je veux expliquer la position spécifique de la Suisse. Nous avons reçu cette recommandation nous demandant de nous aligner sur les normes pour le financement des partis. En Suisse, nous ne sommes pas cet avis, car nous avons la démocratie directe, le fédéralisme, la responsabilité individuelle et l’esprit de milice. Je m’explique.

La démocratie directe fait que les partis eux-mêmes sont peu importants. Les comités de campagne le sont au moins autant importants, ainsi que les comités pour les référendums ou les comités pour les initiatives, qui existent à tous les niveaux… Si donc vous voulez vraiment réglementer, vous devez le faire beaucoup plus largement. Ça ne sert à rien de ne réglementer que les partis.

Avec le fédéralisme suisse, on a un niveau cantonal et communal très fort. Les appareils des partis nationaux, Mesdames et Messieurs, ne comptent que quelques personnes relativement peu professionnalisées. On n’a pas du tout une situation avec d’immenses appareils. La participation à la vie politique se décale vers les cantons, les communes, les milices...

Le fédéralisme fait que normalement les changements se réalisent dans le laboratoire des cantons. Deux d’entre eux ont décidé le financement public des partis. On verra si les autres suivent. Pour le moment, il n’y a pas de majorité, dans aucun parlement cantonal ou fédéral.

Je termine avec l’esprit de milice. En Suisse, on estime que la responsabilité individuelle est très importante. Nous faisons confiance aux gens qui veulent financer les partis et nous pensons qu’ils n’ont pas forcément besoin de le dire.

Il faut ouvrir les yeux sur les conséquences de la réglementation sur le financement des partis. En France par exemple, Monsieur le Président, depuis la nouvelle réglementation sur les partis il y a bientôt 20 ans, le nombre de ces derniers a été multiplié par dix !… C’est surprenant. En Autriche, où on est passé au financement public des partis à cause de ces réglementations, il a fallu consacrer 200 millions d’euros à ce financement ! Mon Dieu ! En Suisse, on vit beaucoup plus modestement. En Hollande, il existe un parti qui compte un seul membre… Vous voyez comment les réglementations peuvent être détournées de leur but !

Notre système n’est pas parfait, mais il fonctionne bien et il n’y a pas de majorité pour le changer. Nous l’avons expliqué au GRECO, qui en a pris acte mais qui ne m’a pas semblé vraiment convaincu, parce que son but est l’harmonisation totale. Mesdames et Messieurs, l’Europe est un continent magnifique mais divers… La Vielfältigkeit a du bon.

 

Discours de M. Ponta, Premier ministre de la Roumanie – Question de M. Gross

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Gross, au nom du groupe socialiste.

 

M. GROSS (Suisse)* – Je vous remercie, Monsieur le Premier ministre, pour votre intervention encourageante. La dernière fois, devant le Comité des Présidents, vous avez promis de ne pas poursuivre cette mauvaise coutume que constitue la procédure d’urgence, qui, en fait empêche un véritable débat démocratique.

Je voudrais savoir si vous avez tenu cette promesse. Combien de fois avez-vous utilisé cette procédure ?

 

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Premier ministre.

 

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA ROUMANIE* – Je vous remercie de cette question.

La Constitution roumaine prévoit deux situations dans lesquelles une procédure d’urgence peut être adoptée. Il existe, en effet, une disposition constitutionnelle sur la responsabilité à laquelle le gouvernement précédent a eu recours à seize reprises en l’espace de deux ans. J’avais critiqué acerbement cette méthode.

Je n’y ai eu recours qu’une seule fois en l’espace d’un an pour une loi spéciale, portant sur la restitution des propriétés confisquées sous le régime communiste, car je considère qu’il ne s’agit pas de la responsabilité du gouvernement actuel. Je ne pense pas que mes parents étaient nés d’ailleurs à l’époque. C’est la responsabilité de l’Etat roumain. J’ai exprimé en son nom tous nos regrets et présenté des excuses à toutes celles et tous ceux qui ont souffert sous le régime communiste. C’est dans ces circonstances exceptionnelles que j’ai eu recours à cette procédure. Je n’ai pas l’intention d’y recourir de nouveau. Nous avons une vaste majorité au parlement, les bonnes lois sont adoptées non pas les gouvernements mais par les parlements !

La seconde disposition constitutionnelle est celle qui donne au gouvernement le droit d’adopter des décrets ou ordonnances d’urgence. Ces dix dernières années, il y en avait en moyenne 200 par an, quel que soit le gouvernement – libéral, socio-démocrate ou chrétien-démocrate. Nous sommes au mois d’avril et je crois que 24 textes ont été pris selon cette procédure, ce qui représente, par projection sur l’ensemble de l’année, un nombre inférieur de moitié à ce qui se faisait avant. J’espère qu’il y en aura même encore moins.

 

Mettre fin à la discrimination contre les enfants roms (Doc. 13158) – M. Voruz

M. VORUZ (Suisse) – Bravo pour l’excellent rapport de Mme Memecan qui nous éclaire sur les réalités que beaucoup trop de pays ne veulent pas reconnaître !

Ce rapport concerne les Roms installés dans divers pays, donc, en principe, régularisés. Nous constatons une fois de plus que les Roms sont les boucs émissaires de situations difficiles sur le plan économique, social ou politique. Les poussées xénophobes et les montées d’extrême droite en Europe mettent en danger les plus faibles, notamment les jeunes et les enfants venant des communautés roms.

J’aimerais toutefois soulever deux points négatifs. Le premier concerne les gens du voyage. Loin d’être considérés comme pauvres, ils ont de la peine à respecter certaines règles des pays hôtes, ce qui complique les rapports avec la population.

Le deuxième point concerne les Roms qui mendient dans les rues, envoyés par des réseaux, et qui agissent en présence de leurs enfants. Cela n’est pas admissible. Pour protéger les enfants roms, il faut absolument que les pays visés par le rapport, y compris la Suisse, empêchent les groupes pro-fascistes d’exécuter leur sale besogne.

Il faut aussi éduquer les enfants indigènes en vue de lutter contre les agressions envers les enfants roms. Pourquoi les enfants indigènes attaquent-ils ainsi leurs semblables ? Ne suivent-ils pas le comportement des adultes, voire de leurs parents ? Poser cette question, c’est y répondre.

Reprenant les chapitres 3 et 4 du rapport de Mme Memecan, je constate les efforts considérables de la Turquie pour l’ouverture à l’égard des Roms. Ce matin déjà, notre collègue Mme Durrieu l’a rappelé dans le cadre de son rapport sur le dialogue post-suivi avec la Turquie, ce pays respecte les principes des droits de l’homme, non seulement en tant que tels mais aussi, en particulier, contre la discrimination envers les enfants roms.

D’ailleurs, un seul amendement est proposé sur les 42 points du projet de résolution : c’est un véritable succès ! Nous acceptons le rapport ainsi que son amendement.

Serait-ce aujourd’hui la journée de la Turquie ? Certainement.

 

Violence à l’encontre des communautés religieuses (Doc. 13157) – M. Recordon, Madame Schneider-Schneiter

M. RECORDON (Suisse) – Je dirai, au sujet de ce rapport, certaines choses agréables et d’autres qui le sont moins – M. Volontè m’en excusera. Je suis très favorable à ce rapport dans la mesure où la question abordée est cruciale. Sur plusieurs points, elle y est traitée avec courage et pertinence.

Je suis moins favorable au résultat dans la mesure où, selon le proverbe, qui trop embrasse mal étreint. Or j’ai le sentiment que, s’agissant de l’extension géographique, le rapport a été un peu trop ambitieux. De même, pour ce qui concerne le champ d’application matérielle, on est allé trop loin.

Le mot «violence» figure dans le titre, alors qu’on devrait se limiter au champ d’application du rapport. Or on semble vouloir mettre en balance différents droits. S’agissant de chocs de convictions comme c’est le cas pour les caricatures de Mahomet, il ne s’agit plus de violence. Bien entendu, certaines personnes ressentent très émotionnellement ces caricatures comme une violence, mais nous devons avoir la justesse de dire qu’il s’agit d’opérer un équilibre des intérêts, de faire usage du principe de la proportionnalité.

De ce point de vue, j’ai eu des difficultés avec le rapport, de même qu’avec le point 8.6 qui a été cité par un précédent orateur. Je pense qu’il faudra profiter des amendements pour affiner le rapport si nous voulons qu’il reflète réellement la volonté commune de notre Assemblée.

 

Mme SCHNEIDER-SCHNEITER (Suisse)* – Malheureusement, les persécutions religieuses sont en augmentation partout dans le monde. Certes, certaines religions sont mieux protégées que d’autres, mais la religion chrétienne ne l’est pas suffisamment. Dans certains pays, les athées sont soutenus par les tribunaux contre ceux qui prétendent afficher des signes d’appartenance religieuse. Il est même parfois interdit de prier chez soi. Dans d’autres, il est interdit de posséder des livres chrétiens et les violences contre la communauté chrétienne sont tolérées, voire autorisées par la constitution, sans parler des interdictions professionnelle, de mariage, de propriété.

En Suisse, les discriminations religieuses sont interdites. Nous considérons que la liberté de conscience et de confession doit être très large. Les habitudes alimentaires et vestimentaires des différentes religions sont acceptées.

Il y a quelques mois, mon parti, le CVP, a soulevé une question véritablement hérétique en Suisse : doit-on arrêter l’aide au développement pour les pays qui tolèrent les persécutions religieuses ? L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe appelle très souvent au boycott des pays qui bafouent la liberté d’expression. Pourquoi ne pas adopter une telle intransigeance à l’égard de ceux qui persécutent les chrétiens ? Le Conseil de l’Europe défend les droits de l’homme partout dans le monde et doit s’engager pour le droit des minorités religieuses. Si ce n’est pas lui, qui le fera ?

Je sais qu’au sein de cette Assemblée, certains combattent activement les pratiques religieuses, notamment chrétiennes. La liberté religieuse des chrétiens doit cependant être protégée lorsqu’elle est bafouée, le plus souvent pour des raisons politiques. Nous soutenons les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et nous devons défendre la protection des minorités, y compris religieuses.

 

Les réfugiés syriens en Jordanie, en Turquie, au Liban et en Irak : comment organiser et soutenir l’aide internationale ? - Débat d’actualité - Madame Fiala (au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe)

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Fiala au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

 

Mme FIALA (Suisse)* – Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, ce débat est très émotionnel. La guerre civile en Syrie est une véritable tragédie. En tant que membre du groupe d’experts pour les centres de détention, je me suis rendue dans de nombreux camps aux frontières de Schengen, en Grèce notamment. Plus récemment, j’ai visité la Palestine et la Jordanie.

Je remercie la commission des questions politiques et de la démocratie et la sous-commission pour le Moyen-Orient de la une visite très importante qu’elles ont organisée. Vous avez entendu notre collègue, Mme Durrieu, qui a fait à cette occasion un extraordinaire travail. Je lui adresse tout mon respect et mon admiration. Vous avez entendu les chiffres que je ne répèterais pas.

Je vous encourage à ouvrir votre cœur devant ce qui se passe dans cette région. Après notre passage en Jordanie et en Palestine, je ne peux qu’être d’accord avec cette phrase du ministre des Affaires étrangères de Palestine : «Un pessimiste n’est rien d’autre qu’un optimiste bien informé.» Lorsque l’on rentre chez soi après avoir vu ces camps de réfugiés, rien ne vous pousse à être optimiste. On est plutôt triste.

Si vous aviez vu de vos propres yeux ce que représente l’accueil de 500 000 réfugiés, des enfants, des personnes âgées, des malades, vous ressentiriez une grande humilité, vous perdriez toute innocence et vous seriez transformés. La catastrophe humanitaire a pris une telle ampleur qu’il est impossible d’oublier ce que nous avons vu.

La Jordanie doit accueillir chaque jour 2 000 réfugiés de plus qui se battent pour l’eau, la sécurité. Lorsque j’écoute les discours dans mon propre pays sur les réfugiés, j’ai franchement honte.

J’ai regardé dans les yeux des Syriens qui mendiaient en Grèce dans un centre de détention. Ils préfèreraient mourir que de passer un an de plus dans ce centre. Ils ne cherchent pas à s’installer en Europe, n’ayez crainte. Ils veulent rentrer chez eux, reconstruire leurs villes, leurs maisons.

Quand vous rentrerez chez vous, chers collègues, acceptez cette responsabilité qui revient à chacun d’entre vous pour cette tragédie humanitaire. Ceux qui la subissent ont besoin de beaucoup d’argent, de notre sympathie et que nos cœurs restent ouverts.

 

Frontex : responsabilités en matière de droits de l’homme : La gestion des défis en matière de migrations et d’asile au-delà de la frontière orientale de l’Union européenne (Doc 13163) - (Débat conjoint) Monsieur Voruz

M. VORUZ (Suisse ) – Merci à messieurs les rapporteurs de nous éclairer sur le travail de Frontex et sur la gestion des défis en matière de migrations et d'asile au-delà des frontières de l'Union européenne.

Les rapports démontrent bien les réalités et ils nécessiteraient plus de temps qu’il nous est octroyé pour les commenter.

Si le travail de Frontex est important et concluant, des interventions au-delà des frontières Schengen et surtout en haute mer posent problème. Les responsabilités sont mal partagées entre les pays membres de l'agence de l'Union européenne lors d'interceptions en haute mer. Une fois celles-ci réalisées, qui est responsable de la prise en charge des réfugiés ? Aucun rapport de Frontex ne mentionne la présence de demandeurs d'asile ou de personnes vulnérables, par exemple des mineurs non accompagnés, lors d'opérations en mer.

Il convient donc de définir les responsabilités et surtout d’améliorer la collaboration entre les Etats membres face à des situations de ce genre. Les activités de Frontex doivent être contrôlées, tout comme les forces de sécurité des Etats le sont par les parlements et gouvernements nationaux.

Il faut aussi préciser l'importance du budget Frontex : 85 millions d'euros pour sécuriser les frontières Schengen, l'une des principales priorités des Etats membres, non seulement de l'Union européenne, mais aussi des pays associés à l'espace Schengen.

Afin que toutes les actions s'opèrent dans les meilleures conditions, les activités doivent s'exercer sur le principe de l’égalité de traitement, en vue de respecter la stratégie en matière de droits fondamentaux adoptée le 31 mars 2011 et d’intégrer la protection des droits de l'homme au cadre juridique, telle que le prévoit le règlement Frontex du 25 octobre 2011.

Mais pour cela, je le répète, il faut mettre fin à l'embarras dans lequel se trouve Frontex, celui d'avoir deux maîtres : l'Union européenne et ses Etats membres.

En ce qui concerne le second rapport du document 13163, je lance simplement un appel à l'Union européenne pour qu'elle n'externalise pas les problèmes liés aux migrations irrégulières et au droit d'asile.

Chers collègues, après ce que nous avons entendu ce matin à propos des réfugiés syriens et des difficultés auxquelles sont confrontées les pays limitrophes de la Syrie, c'est finalement peu de choses qui nous est demandé et certainement beaucoup moins compliqué à résoudre. Il faut soutenir les rapports qui nous ont été présentés et adopter les amendements proposés.

 

Projet de Protocole no 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Doc. 13154) – Madame Fiala

Mme FIALA (Suisse)* – Je remercie tout d’abord notre rapporteur pour son travail. Mon groupe appuie les modifications de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ce rapport traite de plusieurs questions : la marge d’appréciation, l’âge limite pour les juges, la question du dessaisissement, ex-article 30, le raccourcissement du délai pour pouvoir introduire sa requête à Strasbourg de six à quatre mois, et enfin la question des conditions appliquées à l’article 35-3 B.

Veuillez donc noter notre soutien.

 

Nanotechnologie : la mise en balance des avantages et des risques pour la santé publique et l’environnement L’éthique dans la science et la technologie (Doc. 13117) - (Débat conjoint) Madame Fiala

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Fiala, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

 

Mme FIALA (Suisse)* – Les nanotechnologies et l’éthique sont deux sujets vraiment très importants. Au nom du groupe libéral, je remercie les rapporteurs pour ce travail.

De notre point de vue, la question qui se pose est de savoir si le Conseil de l’Europe est vraiment l’enceinte appropriée pour analyser ces situations et réglementer ces domaines.

Actuellement, on constate une véritable inquiétude dans le monde à l’égard des sciences en général et des nanotechnologies en particulier. Pourtant, nous apprécions tous de pouvoir profiter des derniers progrès dans les domaines de la téléphonie mobile – nos téléphones sont de plus en plus miniaturisés et offrent de plus en plus de fonctions – ou encore des médicaments et traitements médicaux, pour ne citer que deux exemples parmi bien d’autres. Mais l’on constate, parallèlement, que le principe même de recherche est de plus en plus critiqué : poussé par des craintes irraisonnées, on professe qu’au CERN, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, on va tomber dans des trous noirs, que le génie génétique est l’œuvre du diable, et les nanotechnologies font particulièrement l’objet de critiques.

Ce pessimisme est dangereux. Certes, toute nouvelle technologie provoque des risques, mais les nouvelles technologies sont surtout des chances et des opportunités nouvelles. Norman Borlaug, le père du blé transgénique, a sauvé la vie à des centaines de millions de personnes. C’est un éminent scientifique parmi des milliers d’autres qui, au quotidien, améliorent nos connaissances et font avancer les technologies et progresser nos sociétés.

On ne doit pas tolérer que, mû par des peurs irraisonnées, on tourne le dos aux nouvelles technologies, notamment aux nanotechnologies. Avant de vouloir réglementer, il faut se poser la question des possibilités qui s’ouvrent. Peut-être que le prochain Normal Borlaug sera un spécialiste des nanotechnologies. Les nanotechnologies nous font entrer dans le monde de l’infiniment petit et leurs possibilités d’utilisation sont quasi illimitées – les nanomatériaux sont employés dans le bâtiment et les travaux publics, l’automobile, la médecine, la cosmétique, les textiles, que sais-je encore.

Les fruits de la recherche dopent nos économies. La recherche permet de mettre au point de nouveaux produits, créant dans le même temps des emplois très qualifiés, dans tous les domaines. Nous sommes engagés dans une compétition mondiale et si nous tournions le dos aux nouvelles technologies telles que les nanotechnologies, nous en supporterions les risques, car d’autres continents, d’autres pays continueraient les recherches. Ils seraient peut-être en première ligne pour le risque, mais ils seraient surtout les gagnants, car c’est eux qui réussiraient.

Nous devons donc être plus optimistes et poursuivre les recherches pour soutenir nos économies et notre emploi. Nous ne devons pas laisser dicter notre conduite par la peur. La technologie a radicalement bouleversé notre monde au cours du dernier siècle et aujourd’hui, les choses vont bien mieux. Poursuivons donc les recherches pour éviter de donner raison à Malthus quand il prétendait que l’on se heurterait, inévitablement, au problème de l’augmentation de la population mondiale. Je voudrais aussi rappeler qu’aujourd’hui déjà, des règles très strictes empêchent la dissémination dans l’environnement de substances dangereuses, et cela vaut aussi pour les nanotechnologies.

A mon avis, le Conseil de l’Europe serait bien avisé de se concentrer sur ses domaines fondamentaux de compétences. Ne vous méprenez pas sur mes propos : personne ici ne soutient que la fin justifie tous les moyens, y compris dans le domaine scientifique. Comme vous tous, j’exige le respect de normes éthiques, la transparence, la responsabilité et la bonne gouvernance des entreprises, leur responsabilité sociale, la participation active à de réseaux tels que le réseau parlementaire européen d’évaluation technologique. Toutes ces valeurs sont, bien entendu, très importantes, à mes yeux. Mais il serait, assez déplacé que le Conseil de l’Europe veuille se substituer aux principaux groupes qui évaluent les sciences et la technologique comme le Forum Nec, l’Epta ou l’Unesco.

En tant que libéraux, nous sommes toujours favorables aux libertés, mais nous sommes aussi conscients qu’une liberté doit se combiner à un sens aigu des responsabilités.