A l’instar du Conseil national, qui avait décidé à la session de printemps de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l’initiative populaire «Contre la construction de minarets», la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (CIP-E) propose également à son conseil, par 9 voix contre 1, de recommander un rejet de l’initiative. Aux yeux de la commission, une interdiction des minarets violerait certains principes fondamentaux de l’ordre juridique suisse, tels que l’égalité de traitement, l’interdiction de la discrimination, la liberté de religion et le principe de la proportionnalité. En outre, une telle interdiction nuirait à la crédibilité de la Suisse, dont la réputation internationale repose notamment sur le respect de ces principes. Enfin, elle risquerait indirectement d’offrir une justification à l’oppression dont sont victimes les chrétiens dans certains pays.
La commission souligne que toute personne se trouvant sur le territoire suisse, quelle que soit sa confession (y compris islamique), doit pleinement respecter la législation qui y est en vigueur. Une interdiction des minarets non seulement serait inutile, mais constituerait au contraire un obstacle à l’intégration de la population musulmane, dont la grande majorité respecte l’ordre juridique suisse. Une telle mesure ne ferait que favoriser l’émergence de tendances extrémistes.
Bien qu’elle ait rejeté l’initiative en question, la CIP-E en a approuvé la validité par 8 voix contre 0, et 2 abstentions, considérant que son texte ne violait pas les conditions prévues dans la Constitution fédérale. Selon elle, le Parlement n’est pas en droit de procéder à une nouvelle interprétation de la Constitution afin d’empêcher le peuple et les cantons de se prononcer sur une initiative populaire.
La CIP-E a néanmoins laissé en suspens la question de savoir si la Constitution devait être modifiée de manière à prévoir des conditions de validité plus strictes: avant de donner son avis concernant une initiative parlementaire visant cet objectif et déjà adoptée par le Conseil national (07.477 Iv.pa. Vischer. Validité des initiatives parlementaires), elle a décidé d’attendre le rapport du Conseil fédéral concernant les liens entre le droit international et le droit national. Ce rapport, que le Conseil fédéral devrait soumettre au Parlement ces prochains mois, fait suite à un postulat du Conseil des Etats.
Par ailleurs, la CIP-E a approuvé par 6 voix contre 2 une modification du Code civil élaborée par son homologue du Conseil national et adoptée par le Conseil national, selon laquelle les étrangers doivent établir la légalité de leur séjour pour pouvoir conclure un mariage en Suisse (05.463 Iv.pa. Empêcher les mariages fictifs). Cette modification vise à lever certaines incertitudes et à uniformiser la pratique des autorités de l’état civil à l’égard des personnes qui souhaitent conclure un mariage alors qu’elles séjournent illégalement en Suisse. Aux yeux d’une minorité de la commission, cette nouvelle disposition contreviendrait au droit au mariage garanti par la Constitution. La majorité souligne pour sa part que, dans sa mise en œuvre concrète, la nouvelle disposition devra tenir compte du principe constitutionnel de la proportionnalité afin que le droit au mariage ne soit en aucun cas remis en cause.
Alors que le Conseil national a donné suite à une initiative parlementaire du conseiller national Oskar Freysinger (UDC/VS) concernant l’incidence financière des liens d’intérêts (07.467), la CIP-E propose à son conseil, par 4 voix contre 3, de rejeter cette initiative. Elle estime en effet que les dispositions légales en vigueur garantissent une transparence suffisante en ce qui concerne les liens d’intérêt des parlementaires. La publication de tous leurs revenus soulèverait des problèmes de délimitation difficiles à résoudre et risquerait de donner une image faussée de l’étendue des liens d’intérêt existants.
Enfin, en approuvant à l’unanimité (11 voix contre 0) l’initiative parlementaire de la CIP-N «Sauvegarde de la démocratie, de l'Etat de droit et de la capacité d'action dans les situations extraordinaires» (09.402), la CIP-E a donné son feu vert à l’élaboration d’un projet par son homologue du Conseil national. Ladite initiative vise à ce que les ordonnances de nécessité édictées par le Conseil fédéral et dépourvues de base légale soient limitées dans le temps. Le Conseil fédéral serait également tenu de consulter les organes compétents de l’Assemblée fédérale avant de prendre des décisions urgentes qui sont dépourvues de base légale (par ex. la destruction de documents dans l’affaire Tinner), ou du moins de les en informer immédiatement. Il serait enfin tenu de soumettre pour approbation à l'Assemblée fédérale, dans un bref délai, les décisions urgentes ayant des incidences budgétaires d'une portée majeure.
Le 30 mars 2009, la CIP-E publiera un projet destiné à la consultation et concernant l’initiative parlementaire 08.515 (Retrait conditionnel d'une initiative populaire en cas d'adoption d'un contre-projet indirect).
La commission a siégé à Berne les 26 et 27 mars 2009 sous la présidence du conseiller aux Etats Hansheiri Inderkum (PDC/UR).
Berne, le 27 mars 2009, Services du Parlement