La Commission des affaires juridiques du Conseil national a achevé l’examen du projet de révision du code de procédure pénale (19.048). Elle a adopté le projet par 17 voix contre 0 et 8 abstentions lors du vote sur l’ensemble. Une minorité propose de renvoyer l’objet au Conseil fédéral.

Les modifications proposées du code de procédure pénale (CPP), qui est en vigueur depuis 2011, ont notamment pour but de transférer dans la loi, pour plus de transparence, des éléments de la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant certaines questions controversées. Peu après son entrée en vigueur, le nouveau CPP, qui a remplacé les 26 codes cantonaux de procédure pénale et la loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale, a en effet déjà fait l’objet de critiques isolées s’agissant de son adéquation à la pratique. Les modifications concernées visent à rectifier ces points problématiques.

Depuis juin dernier, la commission a consacré plusieurs séances à la discussion par article du projet de révision du code de procédure pénale. Au cours de cet examen approfondi, elle a notamment pris les décisions ci-après.

Participation aux actes de procédure

Actuellement, le droit de participer à la procédure prévu par le CPP permet au prévenu d’assister à l’administration des preuves, notamment aux auditions des témoins et des coprévenus. La commission s’oppose à la restriction de ce droit proposée par le Conseil fédéral et souhaite maintenir les dispositions en vigueur (16/9/0). La majorité de la commission est d’avis qu’il n’est pas opportun de restreindre des droits procéduraux importants, en particulier compte tenu du pouvoir étendu dont dispose le ministère public. Une minorité soutient la version du Conseil fédéral, qui prévoit que le ministère public peut refuser au prévenu le droit de participer à une audition tant qu’il ne s’est pas exprimé lui-même sur le sujet de l’audition. Deux autres minorités demandent de restreindre encore davantage le droit de participer. Elles estiment qu’un droit de participer étendu rend difficile la recherche de la vérité et risquerait de conduire à des collusions entre coprévenus.

Droit de recours du ministère public

Le projet du Conseil fédéral prévoit d’accorder dorénavant également au ministère public le droit d’attaquer les décisions du tribunal des mesures de contrainte, conformément au principe de la double instance. Cela permettrait d’intégrer au CPP la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière. La commission rejette toutefois cette modification (13/12/0), souhaitant qu’un droit de recours continue d’être expressément accordé exclusivement au prévenu. Une minorité propose de suivre la proposition du Conseil fédéral sur ce point.

Profils d’ADN

Selon la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral, un profil d’ADN peut être établi aux fins d’élucidation des actes sur lesquels porte la procédure, mais aussi lorsque des « indices concrets et significatifs » laissent présumer que le prévenu pourrait être mêlé à des infractions déjà commises ou risque d’être mêlé à des infractions futures d’une certaine gravité. S’agissant des infractions commises, le Conseil fédéral prévoit dans son projet que l’établissement d’un profil d’ADN peut déjà être autorisé si des « indices concrets » laissent présumer que le prévenu pourrait avoir commis d’autres crimes ou délits. Souhaitant aller encore plus loin, la commission a soutenu une proposition selon laquelle il suffirait qu’il existe une certaine probabilité que le prévenu ait commis d’autres crimes ou délits pour qu’un profil d’ADN puisse être établi (12/11/12). Une minorité estime que l’établissement d’un profil d’ADN doit être autorisé uniquement aux fins d’élucidation des actes sur lesquels porte la procédure. Une autre minorité est favorable à l’établissement d’un profil d’ADN en présence d’indices concrets laissant présumer que le prévenu pourrait avoir commis d’autres crimes, mais pas lorsque de tels indices laissent penser qu’il pourrait avoir commis d’autres délits.

En ce qui concerne l’élucidation d’éventuelles infractions futures, le Conseil fédéral propose que le tribunal puisse ordonner l’établissement d’un profil d’ADN sur une personne condamnée si des « indices concrets » laissent présumer qu’elle pourrait, à l’avenir, commettre d’autres crimes ou délits. La commission rejette cette proposition et souhaite maintenir le droit en vigueur (13/12/0), qui ne prévoit une telle mesure que si une certaine peine minimale a été atteinte, si une condamnation pour certaines infractions a été prononcée ou si une mesure thérapeutique ou un internement ont été ordonnés. Une minorité estime qu’il devrait être possible d’établir un profil d’ADN sur toutes les personnes condamnées.

Mise sous scellés

Lors de la discussion par article, la commission a chargé l’administration de créer un groupe de travail ayant pour tâche d’identifier de nouveaux moyens d’accélérer la procédure de levée des scellés. La commission soutient, sans opposition, la formulation élaborée par le groupe de travail, qui, par rapport au projet du Conseil fédéral, prévoit notamment une définition plus claire et plus étroite des documents, enregistrements et autres objets sous scellés, ainsi qu’une règlementation précise et stricte de la procédure de levée des scellés devant le tribunal des mesures de contrainte.

Justice restaurative

Selon le principe de la « justice restaurative », les deux parties doivent pouvoir convenir d’une médiation dans le cadre d’une procédure pénale. L’objectif est que les deux parties participent activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction. Le résultat d’une telle médiation pourrait être pris en considération par l’autorité pénale. Le Conseil fédéral s’oppose à l’introduction, dans le cadre de la révision prévue, d’une justice restaurative au champ d’application vaste telle que celle demandée par les participants à la consultation ainsi que par le postulat 18.4063, déposé par Lisa Mazzone. La commission propose, pour sa part, d’intégrer la « justice restaurative » dans le code de procédure pénale (15/6/3) et, partant, de ne pas classer le postulat Mazzone pour le moment, contrairement à ce que souhaite le Conseil fédéral. Une minorité s’oppose à l’intégration de la « justice restaurative ».

Investigations secrètes

À l’unanimité, la commission a accepté une proposition visant à faciliter les investigations secrètes dans le domaine de la pédopornographie. Selon cette proposition, un agent infiltré ne devrait pas être punissable dans la mesure où les objets ou représentations qu’il utilise ont comme contenu des actes d’ordre sexuel non effectifs avec des mineurs.

Le Conseil national devrait se pencher sur cet objet lors de la session de printemps 2021.

La commission a siégé les 5 et 6 novembre à Berne, sous la présidence de la conseillère nationale Laurence Fehlmann Rielle (PS, GE).