Hormis les obligations de diligence proposées par le Conseil fédéral pour les conseillères et les conseillers, qu’elle a transférées dans un projet 2 afin de les examiner ultérieurement, la commission salue pour l’essentiel la nouvelle loi fédérale sur la transparence des personnes morales. Toutefois, par 8 voix contre 3, elle demande à son conseil d’exclure les fondations et les associations du champ d’application de la nouvelle loi et de les exempter ainsi des obligations de s’inscrire au registre de transparence. Par ailleurs, elle propose, à l’unanimité, que les organes d’exécution des assurances sociales aient accès au registre afin de lutter plus efficacement contre les fraudes à l’assurance. Par contre, elle propose, par 8 voix contre 4 et 1 abstention, de limiter l’accès de l’Office fédéral de la statistique au registre en raison de l’absence de lien entre les tâches de l’office et la lutte contre le blanchiment d’argent. Plusieurs minorités ont décidé de déposer des propositions à l’intention du Conseil des États, qui devrait se pencher sur le projet à la session d’hiver.
Toujours en lien avec la lutte contre le blanchiment d’argent, la commission a décidé à l’unanimité de proposer à son conseil de rejeter les motions Hurni 21.4396 (« Pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, il faut introduire un registre des ayants droit économiques des personnes morales et des trusts ») et Weichelt 22.3456 (« Qui sont les ayants droit économiques ? »). La CAJ-E est en effet d’avis que les motions sont déjà mises en œuvre dans le cadre du projet 24.046 ou qu’elles pourraient être intégrées à celui-ci. Il ne lui paraît donc pas judicieux d’adopter séparément ces deux interventions.
Garde alternée
Après avoir pris connaissance du rapport que le Conseil fédéral a présenté en réponse au postulat 21.4141 « Évaluation de la pratique des tribunaux suite à la révision du droit des contributions d’entretien, en particulier en ce qui concerne la garde et le droit de visite », déposé par le conseiller national Andri Silberschmidt, la commission s’est penchée sur la motion 22.4000 « Parents séparés ou divorcés. La garde alternée doit devenir la règle, dans l’intérêt de l’enfant ») du conseiller national Marco Romano. Elle a pris acte du fait que la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) a l’intention de reprendre les objectifs de la motion Romano dans le cadre de la mise en œuvre de l’initiative parlementaire 21.449 du conseiller national Sidney Kamerzin. Pour des raisons de procédure, afin d’éviter que les travaux du Conseil fédéral et de la CAJ-N fassent double emploi, la commission propose à son conseil, sans opposition, de rejeter la motion 22.4000.
Projet de pacte civil de solidarité au niveau fédéral
Sur proposition de sa sous-commission ad hoc, la commission a fixé les grandes lignes du projet visant à mettre en œuvre l’iv. pa Caroni « Un pacs pour la Suisse» (22.448). Elle propose de créer une nouvelle forme d’union légale qui, sans concurrencer le mariage, garantirait la sécurité juridique des personnes en couple stable. Il s’agirait d’un partenariat faible, facile à conclure et à dissoudre. Ouvert à tous les couples, il n’aurait aucune incidence sur l’état civil, le nom, la filiation ou encore la fiscalité, mais offrirait une certaine protection et reconnaissance mutuelles tout en protégeant les enfants communs en cas de séparation. Il appartient désormais à l’administration de rédiger le projet de loi en vue de l’ouverture d’une procédure de consultation.
Pas d’autorité parentale conjointe dès la naissance de l’enfant de parents non mariés
Par 6 voix contre 3 et 1 abstention, la commission n’approuve pas la décision de la CAJ-N de donner suite à l’initiative parlementaire 24.419 « Pour l’autorité parentale conjointe dès la naissance de l’enfant de parents non mariés », déposée par le conseiller national Philippe Nantermod. S’agissant des enfants de parents non mariés, une déclaration conjointe est requise pour établir l’autorité parentale conjointe. La commission estime que cette réglementation a fait ses preuves et ne voit pas la nécessité d’introduire un automatisme. L’initiative est renvoyée à la CAJ-N pour qu’elle procède à un nouvel examen préalable.
Harcèlement (« stalking »)
Par 7 voix contre 2, la commission est entrée en matière sur le projet de son homologue du Conseil national concernant le harcèlement (19.433). Lors de sa dernière séance, elle avait entendu des représentantes et des représentants des cantons, de la Conférence suisse des Ministères publics et de la Fédération Suisse des Avocats. Elle salue l’introduction d’une nouvelle infraction sur le principe et espère que cela permettra de mieux protéger les victimes. Par 6 voix contre 3, la CAJ-E estime toutefois, contrairement à son homologue du Conseil national et au Conseil fédéral, que l’infraction devrait être conçue comme une infraction de mise en danger et non comme une infraction de résultat. De la sorte, le comportement du harceleur ou de la harceleuse serait punissable, qu’il entrave ou non la libre détermination de la façon de vivre de la victime. Par 7 voix contre 2, elle suit le Conseil fédéral dans sa volonté de faire de cette infraction exclusivement une infraction poursuivie sur plainte.
Autres décisions
- La commission est entrée en matière à l’unanimité sur le projet du Conseil fédéral concernant le développement de l’acquis de Schengen (24.072) et l’a adopté au vote sur l’ensemble par 8 voix contre 0 et 1 abstention, sans y apporter de modifications. Ce projet vise à moderniser l’échange d’informations entre les autorités de poursuite pénale des États membres de l’espace Schengen, notamment en fixant des délais précis de réponse aux demandes d’informations et en prévoyant un point de contact unique pour chaque État.
- Après avoir auditionné une délégation du canton de Genève, la commission a décidé, par 10 voix contre 3, de proposer à son conseil de rejeter une initiative déposée par le canton de Genève, qui vise à introduire une disposition pénale expresse relative au « stealthing » dans le code pénal (23.321). La commission considère que depuis la révision du droit pénal en matière sexuelle, cet acte est couvert par les infractions générales contre l’intégrité sexuelle.
La commission a siégé à Berne le 29 octobre 2024, sous la présidence du conseiller aux Etats Daniel Jositsch (S, ZH).