En transmettant le projet au Parlement, le Conseil fédéral a rempli le mandat que lui avaient confié les députés en 2016 dans le cadre de l’examen de la réforme de l’imposition des entreprises III. Le projet vise à permettre l’imposition des navires de haute mer en fonction de leur capacité de chargement et non pas en fonction du bénéfice ou de la perte effectivement réalisés. Plus de 20 États membres de l’Union européenne connaissent déjà une telle réglementation. L’objectif est donc de garantir la compétitivité de la place économique suisse.
La commission a tout d’abord entendu les milieux concernés, à savoir des personnes qui représentaient la Swiss Shipowners Association, Economiesuisse, Alliance Sud, Public Eye et l’Union syndicale suisse.
Après une discussion approfondie, la commission a décidé, par 15 voix contre 9, d’entrer en matière sur le projet. La majorité considère que ce dernier sert les intérêts de la place économique suisse en général, et plus particulièrement ceux des cantons où sont établies les entreprises de navigation maritime. Elle considère qu’il est fondamental d’envoyer un signal clair en faveur de l’économie. La commission s’attend par ailleurs à ce que l’introduction d’une taxe au tonnage provoque une hausse des recettes fiscales et favorise la création de nouveaux emplois. La minorité de la commission doute en revanche de la pertinence du projet et de sa conformité à la Constitution. Elle estime que le projet favorise un secteur d’activité qui n’est pas en difficulté, qu’il crée des lacunes fiscales et qu’il omet de définir des critères écologiques pertinents.
La commission entamera la discussion par article sur le projet à sa séance du mois d’août.
2. Corapport concernant la révision de la loi sur l’organisation de la Poste
La commission s’est en outre penchée sur le projet du Conseil fédéral visant à modifier la loi sur l’organisation de la Poste (21.048) dans un corapport adressé à la CTT-N, compétente en la matière. La CER-N a décidé, sans opposition, de suivre la décision du Conseil des États, qui avait refusé, à l’unanimité, d’entrer en matière sur ce projet à la session d’été. À l’instar du Conseil des États, elle estime que l’avenir du groupe Poste dans son ensemble doit être considéré selon une approche globale et qu’il y a d’abord lieu de mener un débat de fond sur la conception et le financement du service universel de la Poste. La commission considère en outre qu’il n’est pas correct, du point de vue institutionnel, d’autoriser PostFinance à octroyer des crédits et des hypothèques tant que l’entreprise reste indirectement détenue par la Confédération. Si la CTT-N devait malgré tout entrer en matière sur le projet, la CER-N propose, par 16 voix contre 7, de le renvoyer au Conseil fédéral en chargeant ce dernier de prévoir la privatisation de PostFinance dans le cadre d’une entrée en bourse par l’émission d’actions populaires ou par la vente à une banque suisse, et de redéfinir le mandat de service universel en matière de services de paiements.
Par 18 voix contre 5, la commission a encore décidé d’écrire au Conseil fédéral pour l’inviter à modifier sa stratégie de propriétaire de sorte que, à l’avenir, les acquisitions de la Poste suisse ou de PostFinance soient soumises à une réserve d’approbation du Conseil fédéral à partir d’un certain montant.
3. Extension de l’EAR à de nouveaux États partenaires à compter de 2023/2024
À ce jour, le Parlement a approuvé l’introduction de l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (EAR) avec 108 États partenaires. Avec son message 22.048, le Conseil fédéral propose d’étendre le réseau EAR de la Suisse à douze nouveaux États partenaires, dont l’Ukraine et la Moldavie. La commission soutient cette proposition par 15 voix contre 7. Elle juge important que la Suisse apporte sa contribution au renforcement de la transparence fiscale dans le monde et à la lutte contre l’évasion fiscale. Conformément à la pratique actuelle, la Suisse ne mettra en œuvre l’EAR avec les douze nouveaux États qu’une fois que le Forum mondial aura vérifié et confirmé qu’ils remplissent les exigences requises sur les plans juridique et opérationnel. Une minorité de la commission n’est pas favorable à l’extension du réseau EAR précisément parce qu’une grande partie des douze États concernés ne remplissent pas encore ces exigences.
La commission a approuvé la convention contre les doubles impositions avec l’Éthiopie (22.028) et celle avec l’Arménie (22.033) par 15 voix contre 4 et 2 abstentions.
4. Remise de produits phytosanitaires à des non-professionnels uniquement sur présentation d’une attestation de formation
La commission a procédé à l’examen préalable de la motion 20.4579, adoptée par le Conseil des États à la session d’été, qui vise à interdire tout usage non professionnel des produits phytosanitaires toxiques pour les êtres humains, les insectes ou les organismes aquatiques. À l’issue d’une longue discussion, elle a décidé de modifier la motion afin que ces produits ne puissent plus être vendus à des non-professionnels que s’ils disposent d’une formation adéquate. La commission entend ainsi soumettre l’utilisation non professionnelle aux mêmes conditions que l’utilisation professionnelle, dans l’agriculture par exemple. Elle a adopté la motion ainsi modifiée par 10 voix contre 5 et 9 abstentions. Plutôt que de prononcer des interdictions, la majorité souhaite faire en sorte que les personnes qui utilisent des produits phytosanitaires disposent des connaissances nécessaires sur les risques pour elles-mêmes et pour l’environnement. Une minorité de la commission souhaite maintenir le texte d’origine. Estimant qu’il existe suffisamment de substituts depuis longtemps, elle juge irresponsable de continuer à autoriser l’utilisation de produits phytosanitaires hautement toxiques par des non-professionnels. Une autre minorité propose de rejeter également le texte modifié, au motif qu’il est inutile et antilibéral de prévoir de nouvelles interdictions et prescriptions.
5. Incitation à l’exercice d’une activité professionnelle après l’âge de la retraite
Par 14 voix contre 10 et 1 abstention, la CER-N a décidé de déposer une motion intitulée « Incitations fiscales pour encourager l’activité professionnelle après l’âge ordinaire de la retraite » (22.3865). La majorité de la commission estime que, faute d’incitations, les gens qui seraient prêts à continuer de travailler au-delà de l’âge de la retraite sont poussés à abandonner leur activité professionnelle. Si plus de personnes restaient actives au-delà de l’âge de la retraite, cela pourrait contribuer de manière importante à remédier à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Une minorité est certes favorable aux objectifs de la motion, mais considère que les incitations fiscales ne sont pas le bon moyen pour les atteindre.
6. Pas de déduction fiscale des contributions d’entretien versées aux enfants majeurs en formation
Par 13 voix contre 11 et 1 abstention et par 18 voix contre 7, la CER-N propose à son conseil de ne pas donner suite aux initiatives 21.424, déposée par le conseiller national Jean-Pierre Grin, et 20.321, déposée par le canton de Genève. Elle se rallie ainsi à la proposition de sa commission homologue, dans le premier cas, et à la décision du Conseil des États, dans le deuxième. Ces deux initiatives visent à ce que les parents divorcés ou vivant séparément puissent déduire de leur revenu imposable les pensions alimentaires non seulement pour les enfants mineurs, comme c’est le cas actuellement, mais aussi pour les enfants majeurs en formation. Selon la majorité de la commission, cette modification renforcerait l’inégalité de traitement existant entre couples séparés et couples mariés, ceux-ci ne bénéficiant d’aucun autre allégement fiscal que la déduction générale pour enfant.
En outre, la commission a suspendu l’examen de l’initiative parlementaire 21.520 « Pour un calcul de la valeur vénale des titres non cotés correspondant à la valeur comptable de l’entreprise », déposée par la conseillère nationale Céline Amaudruz, afin de pouvoir l’examiner plus en détail. Elle devrait réinscrire cette initiative à l’ordre du jour d’une de ses séances du 4e trimestre.
La commission a siégé les 20 et 21 juin 2022 à Berne sous la présidence du conseiller national Leo Müller (M-E/LU) et, en partie, en présence des conseillers fédéraux Ueli Maurer et Guy Parmelin.