Berne (ats) La destruction de toutes les pièces à conviction ordonnées par le Conseil fédéral dans l'affaire Tinner en novembre 2007 était «disproportionnée». Telle est la conclusion du rapport de la délégation des commissions de gestion du Parlement publié jeudi.

Le document, finalement rendu public malgré l'opposition du gouvernement, se penche sur les motifs avancés par ce dernier pour justifier son attitude. Le verdict est sévère.  
 
La délégation est en effet d'avis que la situation ne justifiait pas l'application de l'article 185 alinéa 3 de la constitution l'autorisant à prendre des décisions «en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure». 
 
«Dans la perspective du droit international, il n'existait aucune raison impérieuse de renoncer à l'utilisation des plans de construction (d'armes nucléaires) comme pièces à conviction dans une procédure pénale», peut-on lire dans le rapport.  
 
Ce motif étant écarté, la délégation a ensuite examiné la question de savoir si des raisons relevant des relations avec l'étranger, c'est-à-dire en application de l'article 184 alinéa 3 de la constitution (sauvegarde des intérêts du pays), pouvaient justifier la destruction de ces pièces. Là aussi, la réponse est non, à ses yeux. 
 
Washington avait suggéré à la Suisse de transmettre les plans de construction tombés en sa possession sous la responsabilité d'un Etat habilité à posséder des armes nucléaires, relate la délégation. Or, le Conseil fédéral ne s'est jamais penché sur cette proposition, déplore-t-elle.  
 
Et de souligner que l'exécutif «a préféré répondre aux exigences des Etats-Unis en se débarassant de l'intégralité de toutes les pièces à conviction, y compris les plans de construction d'armes nucléaires». 
 
La délégation estime que, lors de la pesée d'intérêts, le Conseil fédéral n'a pas invoqué d'effets concrets sur la politique étrangère de la Suisse qui n'auraient pu être prévenus qu'au prix d'une intervention aussi lourde de conséquences pour l'indépendance de la justice. Par conséquent, elle considère la destruction ordonnée le 14 novembre 2007 «disproportionnée». 
 
L'enquête de la délégation a par contre montré que les services de renseignement suisses ont joué «un rôle mineur» dans la gestion de l'affaire Tinner par le Conseil fédéral. Celui-ci a apprécié les risques liés à l'existance des plans de construction d'armes nucléaires sans requérir leur aide, d'après les parlementaires.

22 janvier 2009

Affaire Tinner: gestion du dossier par le Conseil fédéral et légalité des mesures ordonnées. Rapport de la Délégation des Commissions de gestion des Chambres fédérales du 19 janvier 2009 pdf