Les errements du Parlement et du Conseil fédéral risquent d’aboutir à l’adoption de l’initiative, a averti le père de l'initiative sur les rémunérations abusives Thomas Minder (Ind./SH). Soutenue par de nombreuses organisations, l'initiative pour les multinationales responsables veut obliger les sociétés sises en Suisse à examiner régulièrement les conséquences de leur activité sur les droits humains et l'environnement, également à l'étranger.
Les entreprises manquant à ce devoir de diligence devraient répondre des dommages causés, y compris par les sociétés qu'elles contrôlent sans participer directement aux activités incriminées.
Sénateurs sceptiques
Les sénateurs ont toujours été sceptiques sur le contre-projet du National. Ce dernier prévoit des obligations allant moins loin en matière de responsabilité civile et ne s'appliquerait qu'aux entreprises de plus de 500 employés et un chiffre d'affaires d'au moins 80 millions seraient concernées.
La Chambre du peuple a insisté après la non-entrée en matière des sénateurs. En vain. Après avoir temporisé en septembre en renvoyant le dossier en commission, les sénateurs se sont rangés mercredi derrière l'approche défendue par le Conseil fédéral.
Le concept porte systématiquement sur le droit comptable, le devoir de diligence se limite aux domaines "minerais de conflit" et "travail des enfants". Seules les "sociétés d’intérêt public" devraient rendre un rapport. Par ailleurs, la responsabilité pour les entreprises contrôlées effectivement à l’étranger ne sera pas explicitement réglementée.
Retrait incertain
Par 25 voix contre 13, la majorité a préféré cette solution a minima aux propositions de sa commission pour optimiser le texte issu du National. La piste gouvernementale de rapports encore allégés pour les seules sociétés d'intérêt public ne permettra pas le retrait de l'initiative que vise son contre-projet indirect, a averti en vain la gauche.
Il faut éviter de se laisser dépasser comme pour le secret bancaire, a justifié Christian Levrat (PS/FR). La réputation suisse souffre déjà massivement à l'étranger et une campagne de votation aggraverait la situation. Non seulement la population demande plus d'équité, mais les entreprises elles-mêmes veulent renforcer la sécurité des droits et de plus en plus soutiennent une obligation de diligence.
Pas question de renoncer à la discussion par peur, a rétorqué Ruedi Noser (PLR/ZH). 99% des entreprises sont exemplaires et le combat peut être gagné auprès de la population.
Au vote sur l'ensemble, les sénateurs ont adopté le nouveau contre-projet par 39 voix contre 3. La balle retourne dans le camp du National.