Impôts

Les couples mariés devraient être taxés séparément. Le National a adopté jeudi par 92 voix contre 88 et 6 abstentions une motion ( 16.3006 ) demandant un projet d'imposition individuelle. Mais il ne pourrait s'agir que d'une victoire d'étape.Une telle réforme ne devrait pas passer le cap du Conseil des Etats. Le PDC soleurois Pirmin Bischof a en effet réussi à rallier une majorité des sénateurs derrière une motion qui ne mise que sur une imposition commune pour éliminer la discrimination qui frappe encore plus de 80'000 couples mariés et de nombreux retraités.Ne pourraient donc être retenus que des modèles comme le splitting ou le calcul alternatif. Outre les démocrates-chrétiens et les démocrates du centre acquis à la cause, les PLR Josef Dittli (UR), Joachim Eder (ZG), Olivier Français (VD), Thomas Hefti (GL) et Karin Keller-Sutter (SG) ainsi que le PBD Werner Lüginbühl (BE) ont signé le texte.Le refus le 28 février de l'initiative du PDC laisse le champ libre aux autorités pour décider quelle réforme adopter pour que la forte progression de l'impôt fédéral direct (IFD) ne désavantage plus les époux par rapport aux concubins, qui ne sont pas imposés en commun.Système plus justePour la gauche, le PLR, le PBD et les Vert'libéraux, la solution passe par l'imposition individuelle qui permet de taxer chacun en fonction de ses propres revenus. Il s'agit d'un système simple et juste, qui permet une imposition neutre par rapport à l'état civil, a souligné Cesla Amarelle (PS/VD) au nom de la commission.Elle répond ainsi à l'évolution de la société, où les mode de vie sont de plus en plus divers. De nombreux pays, comme l'Autriche, la Suède ou la Grande-Bretagne, ont déjà adopté ce système.Un de ses avantages est d'inciter les femmes à travailler, a fait valoir Cesla Amarelle. Par ricochet, on pourrait recruter davantage de main-d'oeuvre indigène, comme le réclame l'initiative contre l'immigration de masse, a poursuivi Hans-Ulrich Bigler (PLR/ZH). Le potentiel s'élève à quelque 50'000 emplois.RéticencesMais l'imposition individuelle est loin d'avoir bonne presse auprès de tous les cantons, entre autre parce qu'elle les contraindrait à changer de système et entraînerait une surcharge de travail. Le Conseil fédéral n'a jamais été très chaud non plus. Dans plusieurs rapports, il a mis en évidence les inconvénients d'un tel modèle.L'imposition individuelle est un monstre bureaucratique très coûteux, a lancé Aloïs Gmür (PDC/SZ). Il faudra remplir 800'000 déclarations d'impôts de plus. Un argument rejeté par Hans-Peter Portmann (PLR/ZH), qui a rappelé que plus de 80% des conjoints remplissent leurs déclarations en ligne.CompliquéLes opposants à ce modèle pointent du doigt d'autres problèmes d'application, que le ministre des finances Ueli Maurer a à nouveau détaillé: prise en compte de la situation économique de la famille, répartition des revenus et de la fortune entre les conjoints ainsi que des déductions pour enfants, imposition des mineurs. On risque de créer de nouvelles discriminations, selon Aloïs Gmür.Thomas Aeschi (UDC/ZG) a été jusqu'à voir dans l'imposition individuelle une tentative de miner l'institution du mariage. Selon les modèles, la facture pour l'IFD irait de 240 millions à 2,37 milliards de francs. Les incidences sur les impôts cantonaux n'ont pas encore pu être démontrées.Pour l'instant, le gouvernement ne veut pas se lier les mains. Il prendra une décision de principe dans les six mois. Puis devrait présenter un projet au Parlement d'ici la fin de l'année. Il faudra trouver un compromis, selon Ueli Maurer, doutant qu'une majorité puisse se dégager pour l'imposition individuelle.Splitting ?Le PDC et l'UDC soutiennent de leur côté le "splitting", qui permet d'imposer les couples mariés à un taux plus bas. C'est la solution retenue par la majorité des cantons, a argumenté Thomas Aeschi.Suivant la variante retenue, les pertes fiscales sont estimées entre 1,2 et 2,3 milliards de francs par an dont un cinquième au détriment des cantons. Les adversaires de ce système reprochent surtout au splitting de privilégier une vision "rétrograde" de la famille: les couples où un époux (souvent le mari) est le principal pourvoyeur de revenus.Calcul alternatif ?Une autre option serait de relancer "le calcul alternatif de l'impôt", une idée d'Eveline Widmer-Schlumpf gelée en 2013 faute de soutien en procédure de consultation.Les impôts des conjoints seraient calculés selon le barème actuel, puis comme s'il s'agissait de deux concubins. La facture la moins lourde serait appliquée. Les baisses de recettes sont estimées à 1,2 milliard.