(ats) Le Conseil national a recommandé mercredi par 123 voix contre 63 de rejeter l'initiative de l'UDC "pour une immigration modérée" qui vise à résilier la libre circulation des personnes. Tous les autres partis et le gouvernement ont exprimé leur rejet du texte.

Septante députés, dont la moitié issus des rangs de l'UDC, se sont exprimés lors d'un débat fleuve de plus de 8 heures réparties sur deux séances. Le suspense a pourtant été de courte durée. Face à l'UDC qui redoute une Suisse à dix millions d'habitants, tous les autres partis ont fait bloc pour défendre la libre circulation.

L'initiative populaire exige que la Suisse règle l'immigration de manière autonome. Si le texte était accepté par le peuple, les autorités auraient un an pour négocier la fin de l'accord sur la libre circulation avec Bruxelles. Faute de solution dans ce délai, le Conseil fédéral devrait dénoncer l'accord dans le mois qui suit.

Ce serait un "Brexit suisse", a lancé la ministre de justice et police Karin Keller-Sutter. La Suisse s'imposerait un délai de négociation très serré, a-t-elle précisé. De plus contrairement au Brexit, où l'UE doit négocier avec Londres, Bruxelles n'a aucune obligation de renégocier avec la Suisse qui pourrait se retrouver sans accord du jour au lendemain.

Initiative "dumping salarial"

Pour la majorité du National, l'initiative qui signifierait la fin des accords bilatéraux I mettrait en danger des emplois et la protection des salariés. Cela serait "fatal pour notre économie", a prévenu Isabelle Chevalley (PVL/VD). Grâce à la libre circulation, qui est déjà soumise à des conditions, les employeurs peuvent recruter rapidement de la main-d'oeuvre qualifiée dans l'espace européen.

La libre circulation a dynamisé l'économie suisse et c'est un succès pour la protection des travailleurs. Les mesures d'accompagnement, qui permettent de contrôler l'immigration, disparaîtraient si l'initiative était acceptée et les travailleurs étrangers seraient moins protégés. L'initiative de l'UDC va mener au "dumping salarial", a prévenu Samira Marti (PS/BL).

Le Conseil fédéral a réaffirmé son engagement pour le maintien du niveau de salaire actuel. Il met également en place des mesures pour favoriser l'emploi des travailleurs âgés, a précisé Karin Keller-Sutter.

Le nombre de personnes arrivant à l'âge de la retraite va d'ailleurs augmenter et la main-d'oeuvre qualifiée diminuer. La Suisse dépendra des travailleurs étrangers qualifiés. Abandonner la libre circulation aggraverait la pénurie sur le marché du travail.

Résilier les accords bilatéraux

Avec son initiative, l'UDC joue cartes sur table, elle veut résilier les accords bilatéraux, relèvent plusieurs députés. Renoncer à la libre circulation aurait des conséquences très néfastes pour la Suisse en tant que pôle économique, mais aussi scientifique. Par ailleurs, cela entraînerait la fin de l'ensemble des accords bilatéraux I, a rappelé Mme Keller-Sutter.

Libre circulation, obstacles techniques au commerce, marchés publics, agriculture, transports terrestre et aérien, recherche sont liés entre eux par une clause dite guillotine. Sans ces accords, le PIB de la Suisse chuterait de 5 à 7% d'ici à 2035, a averti Valérie Piller Carrard (PS/FR). La Suisse pourrait également être exclue de l'accord Schengen, dont la libre circulation est la base et par extension de celui de Dublin, a affirmé la ministre de la justice.

Dénoncer les accords bilatéraux reviendrait à isoler le pays, a souligné Philipp Matthias Bregy (PDC/VS). La moitié des exportations suisses vont vers l'UE. Quelque 500'000 Suisses profitent également de la libre circulation pour vivre dans l'Union européenne, a ajouté Kurt Fluri (PLR/SO).

"Cauchemar" à dix millions d'habitants

Pour l'UDC, la fin des accords bilatéraux I ne serait pas un problème. Ces six accords, sur les 120 existant avec l'UE, ne sont pas décisifs, a affirmé Albert Rösti (UDC/BE).

Les Suisses ne veulent pas du "cauchemar" d'un pays à dix millions d'habitants, a plaidé Jean-Luc Addor (UDC/VS). Cette surpopulation "incontrôlée" aura un impact sur l'environnement. Les infrastructures ne suivent plus, avec des transports publics et des autoroutes toujours plus chargés et des loyers qui augmentent.

L'accord sur la libre circulation pousse les employeurs à engager des travailleurs étrangers bon marché au détriment des Suisses. Il doit être levé pour favoriser les travailleurs suisses les plus âgés, qui peinent souvent à trouver un emploi, ainsi que les jeunes qui terminent une formation, a plaidé Roberta Pantani (UDC/TI).

Le dossier passe au Conseil des Etats.