Après examen d’un corapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats, la majorité de la Commission de la politique de sécurité de la Chambre haute a décidé de maintenir, à une exception près, ses propositions initiales sur les projets relatifs à la lutte contre le terrorisme (18.071 et 19.032). Au vote sur l’ensemble, la commission a une nouvelle fois soutenu les projets à l’unanimité.

La Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-E) avait achevé la discussion par article des deux projets en novembre dernier. Le Conseil des Etats lui a toutefois renvoyé les objets lors de la session d’hiver, la chargeant de les examiner à nouveau en tenant compte du corapport de la Commission des affaires juridiques de la Chambre des cantons (CAJ-E). C’est désormais chose faite.

S’agissant du projet 18.071, qui prévoit de renforcer le dispositif pénal, la commission propose de maintenir sa version initiale. Les décisions prises portent en particulier sur les points suivants :

  • Peines prévues pour la participation à des organisations criminelles et terroristes (art. 260ter CP) : par 10 voix contre 3, la majorité maintient sa proposition selon laquelle la participation aussi bien à des organisations terroristes qu’à des organisations criminelles et le soutien à de telles organisations doivent pouvoir être punis d’une peine privative de liberté de dix ans au plus. Une minorité souhaite pour sa part qu’une distinction soit faite entre les peines prévues pour les organisations criminelles (cinq ans au plus) et les organisations terroristes (dix ans au plus).
  • Soutien à des activités terroristes (art. 260ter, al. 1, let. b, CP) : par 9 voix contre 3 et 1 abstention, la majorité propose de maintenir sa version initiale, selon laquelle est puni quiconque soutient une organisation criminelle ou terroriste dans son activité. Elle considère que la formulation utilisée est appropriée, étant donné que l’aide fournie par des organisations humanitaires telles que le CICR, par exemple, demeure non punissable. Une minorité souhaite préciser qu’il doit s’agir de soutien à des activités criminelles, sans quoi la disposition s’écarterait trop, selon elle, du droit en vigueur.
  • Transmission anticipée d’informations et de moyens de preuve (art. 80dbis, al. 1, let. a, de la loi sur l’entraide internationale en matière pénale) : par 10 voix contre 2, la commission rejette une proposition de la CAJ-E visant à supprimer la possibilité pour les autorités de décider, à titre exceptionnel et à certaines conditions, de transmettre de manière anticipée des informations et des moyens de preuve.

En relation avec le projet 19.032, qui prévoit de renforcer les mesures policières préventives, la CPS-E propose, par 7 voix contre 6, de maintenir ses décisions initiales au sujet des arrêts domiciliaires. Selon la courte majorité, ceux-ci doivent pouvoir être prolongés par tranches de trois mois (au lieu de ne pouvoir être prolongés qu’à deux reprises, conformément à l’art. 23o, al. 5, LMSI) ; en outre, Fedpol doit pouvoir accorder des dérogations, notamment pour des raisons de santé (art. 23o, al. 3, LMSI). La majorité de la commission souligne que le potentiel de menace doit être notable pour ordonner des arrêts domiciliaires. Il doit donc aussi être possible de prolonger ces derniers dans le cas de terroristes potentiels étant toujours considérés comme dangereux. Des exceptions justifiées par des raisons de profession ou de formation, comme le prévoient le Conseil fédéral et la CAJ-E, vont trop loin aux yeux de la CPS-E et videraient ces mesures de leur substance. Deux minorités proposent d’adopter la version du Conseil fédéral. Pour elles, il s’agit de garantir la proportionnalité en limitant la durée des arrêts domiciliaires et en gardant la possibilité de prévoir des dérogations. Elles craignent autrement que les dispositions concernées ne contreviennent à la Convention européenne des droits de l’homme.

En revanche, la CPS-E propose désormais, par 7 voix contre 6, que la durée des autres mesures policières préventives soit limitée à six mois et ne puisse être prolongée qu’une fois de six mois au plus (art. 23g LMSI) – au lieu de pouvoir être prolongée plusieurs fois par tranches de six mois, ainsi que la commission l’avait proposé dans un premier temps. Après avoir réévalué la situation, la majorité de la CPS-E est en effet d’avis que le principe de proportionnalité ne serait pas respecté si des mesures subordonnées à un potentiel de menace moindre pouvaient être prolongées indéfiniment.

Le Conseil des Etats examinera les deux objets en sa qualité de conseil prioritaire à la session de printemps.

Autres thèmes

La cheffe du DDPS et le directeur du Service de renseignement de la Confédération ont fourni des informations à la commission au sujet de l’affaire Crypto et lui ont communiqué la suite de la procédure.

Par ailleurs, la CPS-E a procédé à plusieurs auditions consacrées à la violence et à l’extrémisme chez les jeunes. A cette occasion, elle entendu des représentants des milieux scientifiques, des professions concernées ainsi que du Réseau national de sécurité.

La commission a siégé le 17 février 2020 à Berne, sous la présidence du conseiller aux Etats Thomas Minder et, pour partie, en présence de la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, cheffe du DFJP, et de la conseillère fédérale Viola Amherd, cheffe du DDPS.