Le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie (Doc. 14282) – Elisabeth Schneider-Schneiter, Liliane Maury Pasquier, Manuel Tornare

La lutte contre les inégalités de revenus: un moyen de favoriser la cohésion sociale et le développement économique (Doc. 14287) – Pierre-Alain Fridez

Protéger les femmes réfugiées de la violence fondée sur le genre (Doc. 14284) – Pierre-Alain Fridez

Discours de M. Prokopios PAVLOPOULOS, Président de la République hellénique – Raphaël Comte

La protection des droits des parents et des enfants appartenant à des minorités religieuses (Doc. 14260) – Manuel Tornare

La convergence technologique, l’intelligence artificielle et les droits de l’homme (Doc. 14288) –Raphaël Comte, Jean-Pierre Grin

Débat selon la procédure d'urgence: Projet de Convention du Conseil de l’Europe sur les infractions visant des biens culturels (Doc. 14300) – Liliane Maury Pasquier

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie (Doc. 14282) – Elisabeth Schneider-Schneiter, Liliane Maury Pasquier, Manuel Tornare

Frau Schneider-Schneiter (Schweiz) Alle Macht dem Präsidenten! Der Präsident wird nicht nur Staats- sondern auch Regierungschef und er kann mit Dekreten mit Gesetzeskraft das Parlament umgehen. Und der Präsident kann die Besetzung des obersten Gerichts beeinflussen.

Zusammengefasst: Die Legislative und die Judikative werden massiv geschwächt. Alle Macht konzentriert sich auf einen einzigen Mann. Schon alleine diese künftige autokratische Verfassung steht den Grundsätzen des Europarates diametral entgegen. Hält man sich vor Augen, wie der künftige Alleinherrscher in den letzten Jahren seine Verantwortung gegenüber Minderheiten und Andersdenkenden wahrgenommen hat, dann sieht die Zukunft düster aus.

Daher stellen wir uns zurecht die Frage, wie mit der Türkei als Mitgliedsland umzugehen ist. Kommen wir mit einem offenen, direkten und kritisch-konstruktiven Dialog – wie wir Schweizer mit der Türkei umzugehen pflegen – noch weiter? Oder wie weit dürfen wir unsere bewährten Systeme fordern, um nicht als Rechtsimperialisten zu gelten?

Obwohl das Resultat des Referendums zu Recht angezweifelt wird, gibt es immerhin einen großen Teil von Menschen in der Türkei, die diesem, für uns fremden System bei vollem Bewusstsein aller Konsequenzen zugestimmt haben, ob uns das passt oder nicht.

Das volle Monitoring-Verfahren haben wir vor einigen Jahren aufgehoben, weil die Todesstrafe abgeschafft wurde, wegen der «Null-Toleranz-Strategie» gegenüber Folter sowie wegen der Aufhebung vieler Einschränkungen der Vereinigungs-, Religions- und Meinungsfreiheit sowie der Garantie kultureller Rechte gegenüber der kurdischen Minderheit.

Die beiden Berichterstatter und eine Mehrheit der parlamentarischen Versammlung zeigten sich damals überzeugt, dass die Türkei die fraglichen Reformen fortsetzen und vollenden werde. Warnenden Stimmen wurde kein Gehör verleiht und nun stehen wir vor der Frage einer erneuten Ausweitung des Monitoring-Verfahrens.

Rückblickend gesehen, hatte der Europarat der Entwicklung dieses Landes wohl zu viel Vertrauen geschenkt. Die Ausgangslage ist aber fragiler denn je. Wie finden wir einen konstruktiven Weg im Sinne der Ziele des Europarates?

Die Situation kann und darf nicht schöngeredet werden. Aber bringt es den Dialog zwischen dem Europarat und der Türkei tatsächlich weiter, wenn wir die Türkei erneut zu einem Monitoring-Verfahren zwingen?

Was bringt ein solches Verfahren ganz konkret den Menschen in diesem Land? Wäre es zum heutigen Zeitpunkt nicht sinnvoller, das gespaltene Land viel mehr im Dialog zu begleiten und mit den bestehenden Instrumenten zu versuchen, Verbesserungen hinzubekommen, damit uns dieses Land nicht vollumfänglich entgleitet?

In diesem Sinne bedanke ich mich für diesen Bericht.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse) – Le moins que l’on puisse dire est que la situation en Turquie est particulièrement inquiétante à l’heure actuelle. Je viens d’ailleurs d’apprendre le bombardement par les forces turques de la région de Shengal.

Comme l’a fait Mme Brasseur, j’aimerais vous inviter à regarder de plus près la situation d’une centaine de parlementaires turcs, particulièrement des députés du Parti démocratique des peuples – le HDP –, qui représente l’opposition politique kurde et différentes minorités.

L’amendement constitutionnel adopté le 20 mai 2016 par le Parlement turc a abouti à la levée de l’immunité de plus de 130 parlementaires, dont 55 des 59 députés du HDP, soit 93% de la représentation de ce parti. Une levée à la fois individuelle et massive de l’immunité parlementaire que notre Assemblée a critiquée dans une résolution adoptée en juin 2016.

Après juillet 2016, la situation s’est aggravée. Plusieurs parlementaires ont été arrêtés et placés en détention dans l’attente de leur procès, sur la base de charges liées à l’exercice de leur mandat de député et n’ayant ni caractère, ni objectif violent. En réalité, le simple fait d’exprimer une opinion dissidente semble être à l’origine de ces arrestations.

Parmi les parlementaires concernés se trouvent les deux dirigeants du HDP et une dizaine de leurs collègues, par exemple la députée d’Hakkari, Mme Selma Irmak. J’évoque son cas pour montrer qu’il s’agit non pas seulement d’abstractions, mais bien de personnes. Mme Irmak fait face à 22 plaintes pénales. A titre d’exemple, on lui reproche d’avoir pris part à la célébration de la Journée internationale des droits des femmes. Bref, Selma Irmak est en prison pour avoir fait usage de sa liberté d’expression et refusé de se présenter devant le procureur.

A la situation de Mme Irmak et de ses collègues vient s’ajouter celle des collectivités locales dans le sud-est du pays, où des dizaines de maires ont été emprisonnés et remplacés par les administrateurs nommés par le Gouvernement.

La situation de ces parlementaires pose problème quant au fondement des arrestations, lesquelles reposent sur une décision de levée de leur immunité qui, selon la Commission de Venise, n’est pas conforme à la Constitution turque. Elle est aussi problématique au regard de leurs conditions de détention. Sans parler de la suite car, lorsque le procès se tiendra, l’état du système judiciaire laisser craindre le pire.

Ces incarcérations de parlementaires de l’opposition, en restreignant le débat démocratique, ont pesé sur la campagne et sur l’issue du référendum adopté le 16 avril. Elles constituent, dans tous les cas, une grave atteinte aux droits parlementaires, ainsi qu’un affront majeur à la démocratie et à l’Etat de droit en Turquie. Pour faire face aux défis nombreux et ardus qui se posent à elle, la Turquie doit pouvoir compter sur l’union de toutes ses forces vives en dialogue et avec le soutien de notre Assemblée. C’est dans cet esprit qu’il convient de rouvrir une procédure de suivi, afin d’assurer le plein respect des valeurs du Conseil de l’Europe par un pays qui est l’un de ses plus anciens membres.

M. TORNARE (Suisse) – L’Europe a mis des siècles à construire les principes du vivre-ensemble et de la démocratie. Ces fondamentaux sont incontournables. Il s’agit du droit des personnes, cher à mon compatriote genevois Jean-Jacques Rousseau, de la séparation des pouvoirs, chère à Montesquieu, du suffrage universel, trop tardivement octroyé aux femmes, de la protection des élus, puisque l’immunité est indispensable, de la laïcité, les religions devant rester hors de la sphère publique, de l’abolition universelle de la peine de mort, du droit humanitaire, créé par l’un de mes compatriotes, Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge, de la lutte contre les discriminations, le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie, et de la condamnation des génocides. Ces principes sont intangibles. Ils sont universels et ne sont pas modulables. Ces sont ces principes, comme l’a dit Mme Brasseur, qui ont fait notre maison depuis 1949. Ces fondamentaux garantissent la paix, la sécurité et le bien-être des citoyens. L’Europe en bénéficie depuis des décennies.

Depuis quelques années, pourtant, les transgressions de ces principes sont courantes; nous avons évoqué la Hongrie, la Pologne et d’autres pays qui ne les respectent pas. C’est parce que nous aimons la Turquie, mes chers collègues, que nous lui souhaitons un autre destin que la répression. Je ne reviendrai pas sur les arrestations, déjà évoquées. Mais je souhaite m’arrêter sur un point: la torture. Je souhaite que la Suisse, mon pays, adresse une requête formelle au Comité européen pour la prévention de la torture, pour que des commissaires soient envoyés en Turquie et fassent le point sur les potentiels actes de torture liés à la répression au lendemain du coup d’Etat. Nous devons faire tout notre possible pour que la Turquie rejoigne notre grande maison et ne transgresse pas ces principes qui nous sont chers.

 

La lutte contre les inégalités de revenus: un moyen de favoriser la cohésion sociale et le développement économique (Doc. 14287) – Pierre-Alain Fridez

M. FRIDEZ (Suisse) – Je tiens en préambule à féliciter M. Hunko pour son rapport et ses propositions. C’est un sujet important, une problématique que j’ai eu l’occasion d’approfondir en me plongeant dans les écrits de Joseph Stiglitz ou de Thomas Piketty. Je suis convaincu que l’égalité salariale entre femmes et hommes et un salaire minimum correct permettant de vivre décemment des fruits de son travail représentent des objectifs essentiels pour assurer la cohésion sociale, et surtout pour atteindre un monde plus juste et solidaire.

Je vais me permettre d’aborder un sujet particulier, car pour obtenir un salaire décent, encore faut-il disposer d’un travail, ce qui n’est pas toujours le cas, le chômage frappant de trop nombreux travailleurs.

Aussi la question d’un revenu de base inconditionnel me paraît-elle une idée d’avenir – en tous cas une idée à creuser. Elle n’est pas encore trop d’actualité, j’en conviens. Benoît Hamon n’a pas réussi à convaincre en France ces jours-ci en faisant de ce thème le point fort de son programme. En Suisse, voilà peu, cette idée a été balayée par quelque 75% des électeurs. Mais le revenu inconditionnel de base est testé ailleurs – en Finlande, par exemple. A suivre.

Mais pourquoi ce revenu est-il une idée à creuser? Tout d’abord pour redistribuer les richesses et combattre les inégalités de revenus, à travers l’impôt – un impôt progressif et juste. Pour redistribuer, donc, et, avec les moyens dégagés, permettre à chacune et à chacun de vivre décemment et non plus simplement de survivre.

C’est une idée à creuser non seulement pour redistribuer mais aussi dans un but de simplification. Je prends l’exemple de la Suisse, un pays que je connais bien et où l’on compte beaucoup de personnes riches, c’est vrai, mais également des pauvres, en trop grand nombre. En Suisse, de toute façon, chacune ou chacun reçoit de quoi vivre, que cette personne travaille ou non. Si elle ne travaille pas, elle touche ordinairement le chômage ou, à défaut, une aide sociale, soit un minimum vital. Mais la situation peut se compliquer si la personne est malade: de longues procédures l’attendent et différents organismes vont déployer de nombreux artifices pour la renvoyer vers un autre contributeur. Assurances invalidité, aide sociale, qui agit alors au titre de la subsidiarité: tous ces organismes se renvoient la balle. Le citoyen peut alors traverser de longues périodes de tracasseries administratives et d’insécurité avec, en définitive, toujours une caisse qui paiera.

Le revenu de base inconditionnel serait, en l’occurrence, une belle simplification. De la musique d’avenir, peut-être: je vous propose quand même de soutenir dès aujourd’hui l’excellent projet de notre collègue.

 

Protéger les femmes réfugiées de la violence fondée sur le genre (Doc. 14284) – Pierre-Alain Fridez

M. FRIDEZ (Suisse) – Je m’associe aux félicitations à la rapporteure, Mme Wurm, ainsi qu’à Mme De Sutter, rapporteure pour avis.

Le sujet dont nous débattons est important, et votre rapport cite tous les éléments essentiels. Il faut accepter et mettre en application les propositions qu’il contient. On a coutume de dire que les personnes réfugiées sont victimes de la double peine. Je pense que, pour les femmes migrantes, il faut même parler de triple peine.

La première peine, c’est ce qu’elles ont vécu dans leur pays, les drames qu’elles y ont connus. En Syrie ou d’autres pays, toute la population est soumise à des atrocités qu’il faut dénoncer.

La deuxième peine est celle du voyage – un voyage plein de risques, avec des contraintes, des difficultés et des souffrances. Imaginez la situation d’une mère qui se déplace avec ses enfants, et tous les soucis que cela représente.

La troisième peine est celle qui est liée au genre: ce sont toutes les atrocités que peuvent subir des femmes victimes de sexisme, de pressions, d’abus, ou obligées de se prostituer.

Tout cela est inacceptable: trois peines, c’est beaucoup trop. On a coutume de dire, dans nos pays démocratiques, que l’on juge un pays à la façon dont il s’occupe des plus faibles d’entre les siens. Nous tenons là un exemple concret: il faut répondre à cette situation, aider les femmes qui arrivent chez nous à s’intégrer, devenir indépendantes, et commencer une nouvelle vie dans les meilleures conditions.

Il s’agit d’un excellent rapport, que je soutiens pleinement.

 

Discours de M. Prokopios PAVLOPOULOS, Président de la République hellénique – Raphaël Comte

M. COMTE (Suisse), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Monsieur le Président, la question de Chypre est d’une grande actualité puisque des négociations sont en cours entre Chypriotes grecs et Chypriotes turcs sur la réunification de l’île. Nous connaissons le rôle important que joue la Grèce dans la question chypriote.

Quel regard, quelle appréciation la Grèce porte-t-elle sur ce processus de négociation? Quelle contribution compte-t-elle apporter à la résolution de la question chypriote?

 

La protection des droits des parents et des enfants appartenant à des minorités religieuses (Doc. 14260) – Manuel Tornare

M. TORNARE (Suisse) – Comme M. Ghiletchi, je suis très attentif au respect des droits des minorités religieuses. Je ne suis pas certain que M. Ghiletchi en soit convaincu: je voudrais donc lui donner un exemple. Lorsque j’étais maire de Genève, j’ai imposé, contre l’avis de la plus haute autorité juridique de mon pays, à savoir le Tribunal fédéral, des carrés confessionnels dans les cimetières municipaux, pour les juifs et pour les musulmans, au nom du respect et de la tolérance religieuse.

Je reconnais à M. Ghiletchi une grande ténacité, un acharnement dans la présentation de ses arguments, pour lequel je lui rends hommage. En revanche, je ne suis pas du tout d’accord avec sa méthode, pour des raisons que je vais expliquer.

Depuis près de 180 ans, mon pays pratique une tout autre méthode, qui a permis d’assurer la paix entre les différentes Eglises – vous savez que la Suisse est un pays divers et pluriel, qui compte quatre religions, ainsi que beaucoup d’athées et d’agnostiques. Cette paix confessionnelle, cette paix sociale, nous l’avons obtenue grâce à la méthode que je vais décrire.

Premièrement, il faut définir des normes générales. Notre Constitution protège la liberté de conscience et la liberté de pensée: ce n’est pas le cas de beaucoup de pays d’Europe, malheureusement – cela a déjà été dit. Il s’agit d’une sorte d’impératif catégorique au sens d’Emmanuel Kant. Il ne faut pas se payer de mots: cette liberté de conscience, cette liberté de pensée, doit s’appliquer non seulement aux religions, mais aussi à tout débat démocratique ainsi qu’à l’enseignement des sciences – dans certains Etats américains, en effet, certains enseignements des sciences sont interdits. Je le répète: la liberté de conscience, la liberté de pensée, représentent un impératif catégorique.

Deuxièmement, je pense qu’il n’y a pas que les minorités religieuses. Dans certains de vos pays qui sont passés de la «religion» d’Etat qui était l’athéisme à une liberté religieuse, il n’est pas toujours bien compris qu’il faut défendre l’ensemble des minorités – pas seulement les minorités religieuses, mais aussi les minorités sexuelles – je pense au Caucase du Nord, dont nous avons parlé récemment –, ainsi que les minorités ethniques. Certains garantissent la liberté religieuse pour des minorités religieuses telles que les évangélistes… et pourchassent les juifs. Et cela se passe en Europe, dans des pays appartenant au Conseil de l’Europe. Il faut donc une norme générale qui garantisse la liberté pour toutes les minorités, quelles qu’elles soient.

Troisièmement, comme cela a déjà été dit, il faut la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Je suis un laïc, même si je suis catholique. Comme Victor Hugo – excusez du peu –, je veux «l’Etat laïque, purement laïque, exclusivement laïque […], je veux […] ce que voulaient nos pères, l’Eglise chez elle et l’Etat chez lui». Or ce n’est pas l’esprit que je sens dans votre rapport. Je ne sais si cela est voulu ou pas – je ne veux pas vous faire de procès d’intention – mais il y a un mélange entre l’enseignement de la religion et le fait religieux, ce qui est très différent.

Sur le plan professionnel, j’ai été proviseur avant de faire de la politique. Dans les collèges de Genève que je présidais, j’ai imposé l’enseignement du fait religieux, de l’histoire des religions, mais pas celui du catéchisme. Pour moi, le catéchisme s’enseigne hors de l’école publique.

Je reviendrai, pour terminer, sur l’exemple qui a été donné par mon ami M. Schneider, député de l’Alsace. Il est vrai que, parfois, des parents, surtout ceux qui appartiennent à des sectes, imposent à leurs enfants une manière tyrannique de concevoir la religion. Cela, nous ne le voulons pas. Or vous ne dénoncez pas ces dérives dans votre rapport. Comment pourrais-je voter un projet de résolution qui n’apporte aucune précision à ce sujet? Je vous conseille donc de ne pas voter ce texte.

 

La convergence technologique, l’intelligence artificielle et les droits de l’homme (Doc. 14288) –Raphaël Comte, Jean-Pierre Grin

M. COMTE (Suisse), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – En 1816, sur les bords du lac Léman, était écrit un roman qui a connu un immense succès: Frankenstein ou le Prométhée moderne, de Mary Shelley. Ce roman a deux siècles, mais son message, lui, n’a pas pris une seule ride. II met en lumière le risque que la technologie échappe au contrôle de l’être humain, le risque que l’humain soit dépassé par sa propre créature. Ce risque est réel aujourd’hui, il est d’une brûlante actualité.

La technologie évolue extrêmement rapidement et il va de soi que l’arsenal législatif doit être modernisé pour tenir compte de cette évolution. La Convention n° 108, citée dans le rapport, date de 1981. Dans ce domaine, c’est la préhistoire; c’est le temps des dinosaures. Il est indispensable de moderniser ce texte.

Je me permets toutefois une mise en garde, mes chers collègues: ne tombons pas dans le travers des parlementaires. Ils aiment parler et surtout légiférer, parfois un peu trop. Nous voulons régler tous les détails, alors que parfois la meilleure loi, c’est celle à laquelle nous renonçons. Et dans les domaines technologiques, la situation évolue si rapidement que toute loi devient très vite obsolète. Il faut donc avoir la sagesse de légiférer peu mais bien, de légiférer sur les principes, de légiférer par lois-cadres et non de manière trop détaillée.

L’être humain doit toujours rester au cœur de préoccupations lorsque nous parlons de technologie. L’homme doit être en mesure de contrôler la machine. Frankenstein doit rester un roman et non devenir une réalité. Et derrière chaque machine, il doit y avoir un être humain, qui assume la responsabilité des actes effectués par la machine.

Ensuite, chaque être humain doit être en mesure de définir la part de technologie qu’il veut laisser entrer dans sa vie, et notamment dans sa vie privée. La technologie peut constituer un risque considérable pour la sphère privée de chaque individu, et chacun a le droit de vouloir se prémunir contre ce risque. Il faut donc donner à chacun de nouveaux droits, tel que le droit à la tranquillité ou à l’anonymat, comme le souligne le rapport.

Enfin, chacun doit avoir le droit de préférer le contact humain à celui d’un robot. Je pense en particulier au domaine médical et aux soins, notamment pour les personnes âgées. Face au vieillissement de la population et aux coûts qu’il peut engendrer, la tentation est grande de multiplier la présence des machines et de limiter la présence humaine. Cette évolution ne pourra pas être totalement empêchée et elle est en partie justifiée, mais dans un domaine où la relation humaine est fondamentale, il convient de préserver le plus possible le contact humain et de limiter le rôle de la machine au strict nécessaire.

En résumé, il s’agit d’affirmer un principe clair: c’est bien la machine qui doit être au service de l’homme, et non l’inverse.

M. GRIN (Suisse) – Les nouvelles technologies et leurs applications ne seront pas sans conséquences sociales, éthiques, voire juridiques. La préservation de la dignité humaine doit à cet égard être une préoccupation importante pour notre Conseil. Le progrès technologique doit, selon l’adage, être au service de l’homme et non le contraire. La technologie moderne, et singulièrement la robotique, devrait faciliter les contacts humains, non les remplacer.

L’omniprésence des nouvelles technologies et leurs applications estompent souvent la distinction entre l’homme et la machine, entre le monde physique et le monde virtuel. Cela rend les rapports humains plus distants, mais aussi plus rapides. Les opérations de traitement automatisé visant à collecter, manier et utiliser les données à caractère personnel doivent être protégées par le renforcement de la transparence et de la réglementation: c’est le rôle des pouvoirs publics, qui doivent mettre les opérateurs en face de leurs responsabilités. Tout robot, toute voiture connectée, toute machine dotée d’intelligence artificielle doit rester sous le contrôle humain. Le respect de la vie privée doit être garanti en évitant que des appareils ne permettent, à l’insu des utilisateurs, la géolocalisation et l’intrusion dans la vie privée.

Sur le plan politique, nous devons prendre conscience de l’incidence croissante de la science et de la technologie sur notre société en développant le caractère démocratique de nos divers échanges. C’est par l’éducation de notre jeunesse et l’intégration dans les programmes scolaires de la promotion de débats éclairés sur les avancées scientifiques et technologiques – en y incluant les questions éthiques – que cette prise de conscience aura lieu.

Dans un monde en mouvement rapide, l’évaluation scientifique est une condition essentielle pour que la démocratie représentative continue de jouer tout son rôle dans le fonctionnement de nos institutions. Nos parlements respectifs doivent favoriser et mettre en place des programmes éducatifs et des échanges réguliers entre les sciences humaines, sociales et technologiques, en abordant dans ces échanges la liaison entre la recherche fondamentale et ses implications pour l’économie et la société.

L’évolution de la biomédecine, avec l’ouverture de possibles manipulations génétiques, la procréation médicalement assistée, la fécondation in vitro avec transplantation d’embryons nécessitent de nouvelles réglementations éthiques et juridiques. Leur élaboration est en cours, non sans des débats importants entre les chercheurs et la société. Il sera important pour l’avenir de garantir un cadre juridique cohérent et des mécanismes de supervision efficaces au niveau international.

L’excellent rapport de M. Le Déaut évoque tous les problèmes liés à la convergence technologique, à l’intelligence artificielle et aux droits de l’homme. Notre liberté individuelle dépendra de la manière dont ces problèmes seront évalués et encadrés. Le principal objectif doit être la préservation de la dignité humaine.

 

Débat selon la procédure d'urgence: Projet de Convention du Conseil de l’Europe sur les infractions visant des biens culturels (Doc. 14300) – Liliane Maury Pasquier

Mme MAURY PASQUIER (Suisse) – La Convention européenne sur les infractions visant les biens culturels, également connue sous le nom de Convention de Delphes, ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l’Europe en 1985, n’est malheureusement jamais entrée en vigueur, faute de ratifications suffisantes.

Depuis quelques années, la problématique de la protection du patrimoine culturel et de la lutte contre son trafic illicite est à nouveau sur le devant de la scène internationale et mérite une réponse et une action rapides et ciblées des Etats. Dans ce contexte, le Comité sur les infractions visant les biens culturels sous l’autorité du Comité européen pour les problèmes criminels du Conseil de l’Europe a proposé la révision totale de la Convention de 1985 afin de simplifier et de rationaliser sa formulation et sa structure en vue d’harmoniser les principes pertinents du droit pénal, de renforcer son efficacité et de rendre sa ratification, puis son entrée en vigueur possibles dans le plus grand nombre d’Etats.

La future Convention européenne sur les infractions visant les biens culturels deviendra ainsi un instrument important de coopération interétatique pour la mise en œuvre du volet pénal des infractions qui touchent les biens culturels.

Bien que mon pays ait été mis en cause – le rapporteur l’a rappelé –, j’aimerais affirmer ici, ainsi que le fait le Comité européen pour les problèmes criminels dans son préambule, que nous sommes convaincus que les divers biens culturels appartenant aux peuples représentent un témoignage important et irremplaçable de leur culture et de leur identité et qu’ils constituent leur patrimoine culturel. Dans le contexte actuel, il est nécessaire de disposer d’une nouvelle convention du Conseil de l'Europe sur les infractions visant des biens culturels afin qu’il prévoie des sanctions pénales en la matière.

Avec l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur la transfert international des biens culturels en juin 2005, la Suisse a mis en œuvre la Convention de l’Unesco de 1970 relative aux mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicite des biens culturels. Cette loi introduit d’ores et déjà une pénalisation spéciale en matière de biens culturels qui complète les infractions générales du code pénal suisse. Il est ainsi interdit en Suisse d’importer, de vendre, de distribuer, de procurer, d’acquérir ou d’exporter des biens culturels volés ou dont le propriétaire s’est trouvé dessaisi sans sa volonté, provenant soit de pillages, soit de fouilles illicites. Mais il est certain que notre législation peut et doit être améliorée.

La Suisse a ainsi participé activement à l’élaboration du projet de texte lors des quatre sessions du Comité sur les infractions visant les biens culturels. Ainsi qu’elle le fait à chaque fois, elle étudiera dès que possible la possibilité d’une ratification de cette nouvelle convention.

La Convention européenne sur les infractions visant les biens culturels permettra de renforcer les règles pénales suisses déjà en vigueur et de réitérer la manifestation d’une volonté et d’un engagement marqués pour la protection du patrimoine culturel.