La version orale fait foi


Très chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
 
Le Palais fédéral est certes l’espace de travail des parlementaires fédéraux, mais Il est aussi le lieu où l’histoire de notre démocratie nous est contée. Cela va de nos mythes fondateurs à la Croix suisse, dont le hall de la coupole reproduit la forme. Dans les salles des conseils, tout est également récit. Dans notre salle, l’exemple le plus visible se trouve derrière vous, sur cette œuvre monumentale de l’artiste Albert Welti appelée la Landsgemeinde. Un autre exemple, moins visible, est celui de la frise qui fait le tour de la salle au-dessus de nos têtes et où figurent les années marquantes de la Confédération.
 
Mesdames et Messieurs,
J’ai l’honneur d’ouvrir cette dernière session de la 50ème législature en inaugurant un élément qui manquait au récit de l’épopée de notre démocratie directe. Permettez-moi de suivre avec vous le parcours donné par la frise, et de vous servir de guide.
Sur ma gauche, 1291. Sans aucun doute la date la plus connue. Cette année-là a été signé ce qu’on a défini comme le pacte fondateur de notre pays. Il s’agit du renouvellement d’une alliance entre les trois cantons primitifs: Uri, Schwyz et Nidwald. Ces trois cantons, considérant la «malice des temps» et pour être «mieux à même de défendre leurs vies et leurs biens», se sont engagés à se prêter les uns aux autres secours et assistance. 
Puis de 1370, année de la Charte des prêtres, en passant par 1393 où fut signé le Convenant de Sempach, à 1481, année du Convenant de Stans, le nombre de conjurés ne cesse de s’étendre, et leurs liens juridiques et défensifs se consolident un peu plus chaque fois.
En 1803, Napoléon annule la République helvétique imposée quatre ans plus tôt, pour rétablir une Confédération. Celle-ci y gagne six cantons, puisque l’Acte de Médiation supprime les notions de pays sujets ou alliés. Après la chute de l’Empereur, il faut rétablir une nouvelle constitution. Ce sera chose faite en 1815, avec ce qu’on appelle le Pacte fédéral de la Restauration.
Enfin vient 1848, année de la première Constitution fédérale et des débuts de la Suisse moderne. La Confédération se donne un gouvernement centralisé, auquel sont dévolues certaines responsabilités qui étaient auparavant du domaine cantonal. L’évènement marque également la naissance de notre Parlement bicaméral, et la décision de faire de Berne la ville fédérale.
Avec la première modification de la Constitution en 1874, de nouvelles tâches sont centralisées au niveau fédéral et le référendum facultatif est ajouté dans la constitution. Cela représente un premier pas vers la démocratie directe telle que nous la vivons au quotidien.
Tous ces événements et les récits qui les accompagnent ont fait notre pays; ils sont notre histoire. Mais ils ont quelque chose d’autre en commun: l’absence des femmes. Jusque tard dans le XXème siècle, seuls les hommes apparaissaient prendre les décisions qui concernaient chacun. Ainsi, environ une moitié de la population adulte décidait pour l’ensemble. Cette situation, héritée de l’histoire et qui nous apparait si injuste aujourd’hui, prit fin en 1971, année où pour la première fois en Suisse – 53 ans après l’Allemagne, 27 ans après la France et 26 après l’Italie, les Suissesses accèdent au droit de vote et entrent au palais du Parlement.  
 
Mesdames et Messieurs,
On met parfois du temps à donner leur juste place aux événements historiques. Il a fallu attendre 2019 pour penser à fixer l’année 1971 sur la frise et l’ordonner comme il se doit parmi les jalons de notre démocratie.
Avec la date 1999 sur ma gauche, année de la dernière modification de la constitution, voici désormais le récit complet.
Je suis très heureux d’être le premier à pouvoir le raconter dans son intégralité, avec toutes les étapes phares qui ont modelé notre système politique – un système à nul autre pareil. La démocratie directe et le bicaméralisme parfait nous remplissent de fierté, mais nous ne vivrions pas en démocratie sans la participation des citoyennes suisses.