(ats) La Suisse devrait créer une Institution nationale des droits de l'homme (INDH). Le Conseil des Etats a donné son feu vert mardi par 34 voix contre 7. Le dossier passe au National.

La future institution doit prendre le relais du Centre national de compétence pour les droits humains (CSDH) mis en place en 2011, en qualité de projet-pilote. Elle apportera une analyse scientifique et indépendante des problèmes touchant aux droits humains en Suisse.

Son mandat couvrira tant des questions liées à la situation des droits humains en Suisse que la mise en oeuvre dans le pays des engagements internationaux pris. L'INDH n'a pas vocation à assumer des tâches administratives ni une fonction de médiation, pas plus qu'elle ne sera amenée à traiter des dossiers individuels.

Grâce à sa forme de corporation de droit public (association), l'institution pourra définir ses propres activités dans le cadre de son mandat et réagir rapidement aux développements qui se présentent. Confédération et cantons pourront être associés d'une manière qui préserve l’indépendance de l’INDH.

Pas de fonction de surveillance

S'ils sont d'accord avec le concept, les sénateurs ont tenu à préciser les tâches de l'institution. Elle ne doit pas enregistrer de plainte individuelle, ni assurer de fonction de surveillance, ont-ils inscrit dans la loi. Les membres de l'institution doivent en outre être soumis à la confidentialité. Les informations reçues par des tiers et leurs sources ne peuvent être divulguées.

La gauche aurait aimé ne pas limiter les tâches de l'institution à celles inscrites dans la loi. "Une telle approche ne permet pas de répondre aux exigences d'indépendance", a plaidé Carlo Sommaruga (PS/GE). Ajouter l'adverbe "notamment" permettrait d'embrasser des activités auxquelles personne ne pense aujourd'hui, mais qui seront indispensables à l'avenir.

Une formulation ouverte mènerait à des insécurités, lui a opposé Matthias Michel (PLR/ZG) pour la commission. Philippe Bauer (PLR/NE) a lui craint de voir "l'institution échapper à son créateur", qu'elle soit "victime d'une inflation galopante, d'un autoallumage" et qu'elle "dépasse ainsi le cadre relativement strict qu'on souhaite lui donner." Par 28 voix contre 15, les sénateurs ont donc rejeté la proposition.

La composition de l'INDH devra en outre garantir une répartition équilibrée des différentes communautés linguistiques. Concernant le financement de l'institution, la Chambre des cantons veut qu'un plafond de dépenses soit soumis tous les quatre ans à l'Assemblée fédérale. Le Conseil fédéral avait prévu une enveloppe annuelle d'un million de francs, à l'image de ce qui est fait pour le projet-pilote.

Encouragements onusiens

La création d’une institution pérenne pour la Suisse figure depuis longtemps à l’agenda politique. Elle répond à une exigence tant sur le plan de la politique intérieure que sur celui de la politique extérieure, dans la mesure où l’ONU encourage la création de ce type d’instance. Plus de 120 États, dont la quasi-totalité des pays européens, ont déjà mis en place une telle institution.

Afin d’éviter toute interruption entre la création de l'INDH et le CSDH qui arrivera à échéance fin 2020, le Conseil fédéral propose d'en prolonger le mandat de deux ans. Par ses expertises, le CSDH a démontré la nécessité de disposer d'une solution durable disposant d'une base légale en Suisse. Actuellement, seules les discriminations raciales, ethniques ou religieuses sont prises en compte. Des groupes vulnérables manquent encore de protection.

Dans la foulée, le Conseil des Etats a tacitement rejeté une motion demandant qu'un projet de loi pour le soutien d'une institution nationale des droits de l'homme soit présenté au Parlement. Ses objectifs sont déjà atteints, a pointé Matthias Michel.