L'initiative populaire a déjà fait beaucoup parler d'elle. Les associations à l'origine du texte ont organisé des excursions dans les montagnes pour dénoncer la disparition des géants blancs. Des drapeaux et des autocollants fleurissent en outre sur les balcons ou les vélos des Suisses.
L'objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre d'ici 2050 demandé par les initiants est peu disputé. C'est le chemin pour y arriver, en particulier l'interdiction des carburants et des combustibles fossiles (huile, gaz, essence ou diesel), qui divise.
Le National ne veut pas aller aussi loin. En mars, il a rejeté de justesse l'initiative au profit du contre-projet direct du Conseil fédéral, offrant ainsi suffisamment de temps à sa commission compétente pour élaborer son propre contre-projet. Indirect, il a l'avantage de fixer des objectifs concrets directement dans la loi et ainsi d'accélérer le processus législatif.
Objectifs intermédiaires pour 2040
D'ici 2050, les secteurs du bâtiment et des transports ne devront plus émettre de CO2, et celui de l’industrie devra réduire ses émissions de 90%. Les émissions restantes devront être compensées. Un objectif intermédiaire est aussi fixé: la Suisse devra réduire ses émissions de 75% par rapport à 1990 d'ici 2040.
Plusieurs instruments d'encouragement sont envisagés. Un programme doit notamment être mis sur pied pour remplacer les installations de chauffage à combustible fossile et les chauffages électriques inefficaces. La Confédération le financera pendant une décennie, à hauteur de 200 millions de francs par année.
Un autre programme s'adresse à l'industrie. Doté de 200 millions par an pendant six ans, il doit encourager les entreprises à recourir à de nouvelles technologies et processus de réduction de CO2.
"Loi pour l'eau gelée"
Seule l'UDC s'est opposée au texte, tentant tout d'abord de le couler et de le renvoyer en commission. Il ne faut pas faire de loi "pour l'eau gelée, mais pour les gens", a critiqué Michael Graber (UDC/VS). La population a rejeté, il y a un an, la loi sur le CO2, dont les objectifs sont quasiment identiques au contre-projet.
Accepter le texte passerait outre la volonté du souverain, a continué le Valaisan, qui le juge par ailleurs inutile pour sauver les glaciers. Pour Pierre-André Page (UDC/FR), il faut avancer, mais différemment. "Les objectifs et les mesures proposés sont disproportionnés et inacceptables du point de vue des dépenses. Ils coûteraient des milliards aux citoyens."
Le parti conservateur n'a pas eu gain de cause. Les députés sont entrés en matière sur le texte par 135 voix contre 52, et ont tout aussi largement balayé la demande de renvoi en commission. Les orateurs, qu'ils soient écologistes ou libéraux, ont souligné l'urgence de la situation et la nécessité d'agir rapidement.
Duel gauche-UDC
Les débats ont tourné à l'affrontement entre la gauche et l'UDC, par minorité interposée. Les premiers ont plaidé pour des objectifs plus ambitieux, alors que les seconds ont tenté de les réduire au maximum.
"Le dérèglement climatique s'emballe. Chaque minute compte pour l'enrayer", a relevé Delphine Klopfenstein Broggini (Vert-e-s/GE). "Il faut augmenter la cadence et gagner dix ans dans la sortie des énergies fossiles et du nucléaire." L'objectif de zéro émission doit être atteint dès 2040.
Le camp rose-vert aurait également voulu que les émissions du trafic aérien soient prises en compte dans les objectifs intermédiaires. "C'est le secteur le plus polluant en Suisse. Il entraîne 27% des émissions", a souligné Christophe Clivaz (Vert-e-s/VS).
A l'autre bout de l'échiquier politique, l'UDC a refusé l'inscription même d'objectifs finaux ou intermédiaires pour certains secteurs en particulier dans la loi. "Ce serait un micromanagement de la part de l'Etat", a dénoncé Mike Egger (UDC/SG). "Les objectifs proposés ne sont en outre ni attractifs ni réalistes." Aucune de ces propositions n'a passé la rampe.
Débats interrompus
D'autres ont été discutées sans pouvoir être tranchées. La gauche exige notamment des mesures de protection du climat complémentaires ou plus contraignantes dans les secteurs du bâtiment, des transports et de la finance.
L'udc veut à l'inverse exclure tout objectif pour la finance. "Ce serait dangereux pour le secteur", a plaidé Michael Graber. La classe moyenne en souffrirait, car les banques ne lui accorderaient plus d'hypothèques lors de l'achat d'un logement chauffé avec des énergies fossiles. Le parti conservateur souhaite aussi réduire les exigences pour les entreprises.
Les programmes d'aide pour l'industrie et pour le remplacement des chauffages n'ont pas non plus les faveurs de l'UDC. "Les cantons ont déjà mis en place de tels soutiens et ils fonctionnent tellement bien que les entreprises ont du mal à suivre", selon Pierre-André Page. Les stocks de pompes à chaleur ne sont pas suffisants et la main-d'oeuvre manque.
Faute de temps, les débats ont été interrompus. Ces propositions seront votées mercredi. La majorité des députés semble s'y opposer.