La définition du viol est dépassée. Actuellement, seule la pénétration non consentie d'une femme par un homme est considérée comme un viol. La victime doit en outre avoir démontré une certaine résistance. Le projet sur la table entend prendre en compte toute pénétration non consentie, et abandonner la notion de contrainte.
Ne pas laisser les violeurs impunis
Complexe et émotionnel, le sujet a fait l'objet de vifs et longs débats au Conseil des Etats. Les discussions se sont cristallisées autour de la question du consentement. Pour les sénateurs, opter pour le "oui, c'est oui" entraînerait une criminalisation de la sexualité et un renversement du fardeau de la preuve. Ils ont donc préféré l'expression du refus, à savoir "non, c'est non".
Les échanges au National s'inscrivent dans la même dynamique. Lors du débat d'entrée en matière, tous les groupes ont souligné la nécessité de moderniser le code pénal. "Récemment, plusieurs acquittements ont été prononcés, car la victime n'avait pas montré assez de résistance. Cette conception n'est plus acceptable", a résumé Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE).
En Suisse, 12% des femmes ont subi un viol, a continué la rapportrice de commission. Seules 8% d'entre elles ont porté plainte. "Cela montre le manque de confiance des femmes dans le système judiciaire." La Genevoise a reconnu que le projet n'allait pas résoudre tous les problèmes. Mais c'est un premier pas à franchir.
Durcissement des peines demandé
Les députés s'opposent en revanche sur l'ampleur de la révision. La droite s'est prononcée majoritairement pour baser la définition du viol sur le refus de la victime.
"La version du 'oui, c'est oui' créera beaucoup plus de confusions, de déceptions et de frustrations qu'elle n'en résoudrait", a assuré Vincent Maitre (Centre/GE). Christa Markwalder (PLR/BE) a souligné qu'il est par exemple plus simple de saisir la signification de pleurs.
Barbara Steinemann (UDC/ZH) s'est elle insurgée contre une politique symbolique. Elle a plaidé à l'inverse pour un durcissement de nombreuses peines. "Nous nous tenons du côté des victimes. Des sanctions plus importantes sont nécessaires."
Corps féminin pas en libre service
Pour le camp rose-vert en revanche, l'option du consentement est la seule et unique solution. "Il va de soi qu'on ne prend pas de l'argent dans le portemonnaie de son voisin sans lui demander. Il va de soi qu'on n'entre pas chez quelqu'un sans sonner. Pourquoi mon portemonnaie et ma maison seraient mieux protégés que mon corps?" a interrogé Tamara Funiciello (PS/BE).
"Le corps des femmes n'est pas un magasin en libre-service", a martelé la Bernoise. Opter pour la version "non, c'est non", "c'est présumer que le corps du partenaire est à la libre disposition", a abondé Raphaël Mahaim (Vert-e-s/VD). "Le corps de l'autre n'est jamais un open bar. Avant d’avoir un moment de partage sexuel, il faut s’assurer du consentement de son partenaire."
Présomption d'innocence maintenue
Plusieurs orateurs ont encore relevé que le changement est minime sur le plan juridique. "L'auteur n'aura jamais à prouver quoi que ce soit. Le doute profitera toujours à l'accusé. Toute autre affirmation est fausse et fallacieuse", a pointé Baptiste Hurni (PS/NE). Il n'y a pas renversement du fardeau de la peine, ni atteinte à la présomption d'innocence.
Raphaël Mahaim a encore tordu le cou à plusieurs "bêtises" avancées par ses opposants. "Non il n'y aura pas besoin d'un contrat signé en quatre exemplaires. Non il n'y aura pas besoin d'une application sur smartphone."
L'issue des débats est ouverte. La commission a plaidé pour l'option du consentement. Pas sûr que le plenum suive.