Avant le vote, la coprésidente du PS Suisse Mattea Meyer a dit sa déception devant le résultat des débats parlementaires. Le projet ne répond ni au problème du pouvoir d'achat, ni à celui de l'égalité, ni au fait que ce sont surtout les assureurs qui vont en profiter.
"Ce projet coûte cher et n'apporte pas grand-chose", a déploré la Zurichoise. "La promesse que les rentes seraient garanties n'a pas été tenue", a renchéri Katharina Prelicz-Huber (Vert-e-s/ZH).
"Rendez-vous avec l'Histoire"
La droite a au contraire défendu la réforme. "Nous avons rendez-vous avec l'Histoire", a déclaré Benjamin Roduit (Centre/VS). "Alors que la France se bat avec la réforme des retraites, nous sommes en mesure de présenter un projet qui tient la route, un compromis", a-t-il dit.
Regine Sauter (PLR/ZH) a accusé la gauche de vouloir imposer des solutions maximalistes. Melanie Mettler (PVL/BE) a estimé que la réforme de la LPP offre des améliorations importantes pour les temps partiels ou les bas salaires. "C'était la promesse."
Le National a finalement approuvé le projet par 113 voix contre 69 et 15 abstentions. De son côté, le Conseil des Etats a dit oui par 29 voix contre 8 et 5 abstentions.
Compensations
La réforme de la LPP prévoit un abaissement du taux de conversion, de 6,8% à 6%, devenu nécessaire avec l'augmentation de l'espérance de vie. Le capital constitué par un rentier durant son activité professionnelle aboutira à une rente plus petite.
Coeur de la réforme, différents modèles ont été proposés pour compenser les pertes de rentes des générations transitoires concernées. Avec celui retenu par le Parlement, la moitié des personnes assurées bénéficieront d'une compensation de rentes, durant une période transitoire de 15 ans.
Concrètement, toute personne qui possède un avoir de 215'100 francs ou moins au moment de la retraite aura droit à l'intégralité du supplément, soit 200 francs par mois pour les cinq premières années, 150 francs pour les cinq suivantes, et 100 pour les cinq dernières.
Les assurés qui bénéficient d'un avoir entre 215'100 et 430'200 toucheront aussi un supplément, échelonné de manière dégressive en fonction de l'avoir. Ceux qui ont plus ne toucheront rien. Il s'agit d'un compromis. Le National aurait voulu moins charger la barque. Le Conseil des Etats a proposé ce modèle un peu plus généreux, qui a prévalu.
Une réforme coûteuse
La réforme du Conseil fédéral entendait initialement garantir des compensations de rentes à tous les assurés, et ce sans limite dans le temps. Le ministre des affaires sociales Alain Berset pensait avoir fait le plus dur en réunissant à une même table les partenaires sociaux.
Mais le camp bourgeois n'en a jamais voulu. Le rejet du projet par l'Union suisse des arts et métiers (USAM) a certainement pesé. De même que les coûts estimés de la réforme: 3,2 milliards de francs par an sur 10 ans pour le modèle du gouvernement, contre quelque 2,1 milliards pour celui du Parlement.
Promesses
La majorité bourgeoise était attendue au tournant sur ce dossier, après la campagne sur la réforme de l'AVS et les promesses faites de toute part pour améliorer la situation des femmes.
Outre les compensations, les Chambres se sont ainsi accordées sur toute une série de mesures techniques mais importantes, comme la déduction de coordination, soit le montant soustrait du salaire annuel AVS afin de déterminer le salaire LPP assuré.
Aujourd'hui, elle est fixée à 25'725 francs. Le Conseil des Etats a proposé de flexibiliser le système, afin de s'adapter aux nouveaux modes de travail, comme les emplois à temps partiel, ce qui concerne avant tout des femmes. Après la navette entre les Chambres, elle a été alignée sur le salaire AVS, soit 20% de ce dernier.
Le seuil d'accès au deuxième pilier a aussi fait débat. Aujourd'hui fixé à 22'050 francs, il passera à 19'845 francs, ce qui permettra à 100'000 personnes d'être nouvellement ou mieux assurées.
Face aux urnes
Le Parlement a aussi décidé de ne pas toucher à l'âge du début de l'épargne, soit 25 ans. Enfin, les personnes de plus de 55 ans ne seront plus pénalisées par un taux de prélèvement trop élevé. Il ne restera plus que deux étapes: un taux de 9% du salaire coordonné entre 25 et 44 ans, puis un taux de 14% dès 45 ans jusqu'à l'âge de la retraite.
Pour une partie de la droite, le compromis des Chambres a une vraie chance dans les urnes. Car il ne fait pas de doute que le peuple se prononcera: la gauche et les syndicats ont déjà annoncé un référendum.