(ats) La Suisse doit introduire un registre fédéral des ayants droit économiques pour lutter contre le blanchiment d'argent. Le Conseil des Etats a soutenu mercredi ce projet du Conseil fédéral. Mais il veut régler la question des avocats-conseils dans un deuxième temps.

Les sociétés devront annoncer l'identité de leurs ayants droit économiques dans un registre fédéral. Le registre électronique, qui ne sera pas public, sera tenu par le Département fédéral de justice et police.

Le projet se base sur les normes internationales en la matière. Les banques suisses ont besoin de cette régulation, a dit la ministre des finances Karin Keller-Sutter. Dans le monde entier, les sociétés sont utilisées de manière abusive par des criminels. Avec sa place financière majeure, la Suisse n'est pas épargnée.

Doutes sur l'efficacité

Plusieurs orateurs ont douté de l'efficacité d'une telle mesure. La bureaucratie risque d'augmenter, et pas forcément avec un effet clair. "Le monde ne va pas s'améliorer avec ce registre", a dit Daniel Jositsch (PS/ZH) au nom de la commission. Mais la pression à l'international est forte.

"Le Groupe d'action financière n'est pas un repaire d'extrême gauche", s'est agacé Carlo Sommaruga (PS/GE) face à ses collègues. "Je ne sais pas si vous lisez les rapports de fedpol, mais les réseaux mafieux, le blanchiment et le financement du terrorisme s'implantent de plus en plus en Suisse".

L'udc a tenté de renvoyer tout le projet, estimant que la Suisse dispose déjà de suffisamment de moyens de lutte contre le blanchiment d'argent, mais a échoué par 30 voix contre 7.

Le Conseil des Etats a ensuite décidé d'exclure les fondations et les associations du champ d'application, et ainsi les exempter des obligations de s'inscrire au registre. La gauche et le Conseil fédéral craignaient une lacune dans la loi, mais n'ont pas obtenu gain de cause.

Accès au registre

L'accès au registre sera réservé aux autorités de police, pénales et administratives de la Confédération et des cantons dans le cadre de la lutte contre le blanchiment. La Chambre des cantons a décidé que les organes d'exécution des assurances sociales y auront accès également, afin de lutter plus efficacement contre les fraudes à l'assurance.

Les intermédiaires financiers pourront aussi consulter en ligne les données du registre, dans la mesure où ces données sont nécessaires à l'accomplissement de leurs obligations. L'économie privée a demandé cet accès, et il est strictement encadré, a précisé Karin Keller-Sutter face aux sceptiques.

La gauche a échoué à donner un droit de consultation du registre aux ONG et aux médias. Les scandales de blanchiment sont souvent rendus publics par la presse ou des ONG, a plaidé Carlo Sommaruga (PS/GE). La proposition a été balayée par 27 voix contre 10.

Avocats à voir plus tard

Les avocats et les notaires sont aussi concernés par ce durcissement des règles. Le Conseil fédéral entend soumettre les activités de conseil, notamment juridique, qui présentent un risque élevé de blanchiment d'argent, aux obligations de diligence relevant de la législation sur le blanchiment d'argent. La structuration de sociétés et les transactions immobilières sont notamment dans le viseur.

Mais la Chambre des cantons, contre l'avis du Conseil fédéral et de la gauche, entend bien régler cet aspect plus tard dans un autre projet. Ces obligations de diligence entraîneraient un surcroît de travail disproportionné pour les personnes qui y seraient soumises et leur conception ne tient pas compte des risques, selon Daniel Jositsch. Et de douter qu'elles soient compatibles avec le secret professionnel des avocats et des avocates.

Enfin, les négociants en métaux précieux sont aussi concernés. Les paiements en espèce supérieurs à 15'000 francs seront désormais soumis à une obligation de diligence (contre 100'000 francs aujourd'hui). Dans le commerce des biens immobiliers, les obligations de diligence relevant de la loi sur le blanchiment vaudront pour tous les paiements en espèces, quel que soit le montant.

Au vote, sur l'ensemble, le dossier a été avalisé par 26 voix contre 6 et 3 abstentions. Il passe au National.