Les sénateurs ont rejeté le concept des zones avec OGM par 25 voix contre 18. Le soutien d'une majorité de droite composée d'élus PLR, UDC et PDC n'a pas suffi à sauver cette idée proposée dans le cadre de la révision de la loi sur le génie génétique. Le réalisme qu'ont prôné la ministre de l'environnement Doris Leuthard et Ruedi Noser (PLR/ZH) n'a pas ratissé assez large dans l'hémicycle.
Toute technologie présente des risques au début, mais le rôle du législateur est de les prévenir sur le long terme par des mesures ciblées et non d'interdire le changement, a assuré en vain la conseillère fédérale. "Si la Suisse prolonge le moratoire pour la troisième fois et sans autres garanties, ses partenaires commerciaux pourraient mal le percevoir."
Elle a rappelé que des cantons ou régions pourraient de toute façon interdire la coexistence entre zones avec et zones sans OGM. La Suisse n'autorise pas les OGM sur son territoire alors qu'aujourd'hui "un tiers des cultures mondiales sont génétiquement modifiées", a pointé de son côté M. Noser. Le marché prospère à l'étranger, il faut vivre dans la réalité, a insisté son collègue de parti Hans Wicki (NW).
Les sénateurs ont estimé que trop d'incertitudes gravitent autour des organismes génétiquement modifiés. "Les inquiétudes des Suisses n'ont cessé de grandir au lieu de s'apaiser avec les années", a dit Werner Luginbühl (PBD/BE). "On n'observe d'élan en faveur des OGM ni chez les consommateurs, ni chez les paysans", a ajouté Géraldine Savary (PS/VD): "95% des produits en Suisse en sont exempts".
"Risques de pollinisation"
Le gouvernement proposait d'autoriser au plus tôt dès 2022 la culture d'OGM, sur des parcelles concentrées dans des zones reconnues et soumises à un contrôle accru. Elles devaient être définies à la demande d'agriculteurs voulant cultiver des variétés d'OGM sous une entité commune.
Plantes conventionnelles et génétiquement modifiées auraient été strictement séparées, depuis la culture jusqu'à la vente en passant par la chaîne de production. Ces filières étanches auraient aussi dû permettre au consommateur de choisir des produits avec ou sans OGM.
L'espace agricole suisse est trop petit pour assurer une coexistence entre zones avec et sans OGM, a relevé Mme Savary. La Vaudoise a insisté sur les "risques réels de pollinisation", malgré toutes les mesures que l'on voudrait prendre pour prévenir les mélanges indésirables. Un des arguments majeurs qui avaient convaincu les trois quarts des députés de la Chambre du peuple en décembre.
Moratoire jusqu'en 2021
Après le National, le Conseil des Etats a aussi accepté de prolonger le moratoire sur les OGM dans l'agriculture de quatre ans, jusqu'en 2021. La gauche voulait même l'étendre sur huit ans pour ne pas avoir besoin de se prononcer trop régulièrement. La proposition de Didier Berberat (PS/NE) n'a toutefois séduit que 18 sénateurs sur 42.
"Il n'y a pas péril en la demeure", une prolongation sur huit ans ne menacerait pas les travaux de recherche, ni d'ailleurs la commercialisation de produits OGM intéressants car on en est encore loin aujourd'hui, a déclaré en vain M. Berberat. "On ne se rend pas compte que cette technologie avance très vite, elle devrait frapper aux portes du pays dans cinq ou six ans déjà", a rétorqué M. Noser.
Système de surveillance
Contrairement au National, le Conseil des Etats a tenu à préserver le système de surveillance centralisé proposé par le gouvernement. Sur la base d'informations transmises par les cantons, il vise à déceler les disséminations indésirables d'OGM et à reconnaître suffisamment tôt leurs éventuels effets sur l'environnement.
Les essais expérimentaux avec des OGM dans des zones particulièrement sécurisées demeurent possibles en Suisse. Les sénateurs ont soutenu l'introduction de mesures administratives en cas de violation de la loi. Parmi elles, le retrait d'autorisations, des amendes jusqu'à 10'000 francs ou la confiscation des biens.
Autre divergence avec le National, la Chambre des cantons a soutenu par 24 voix contre 16 l'obligation pour les personnes qui utilisent des OGM de veiller à ce que ces organismes et leurs déchets ne contiennent pas de gènes introduits par génie génétique qui puissent résister aux antibiotiques. "Une prescription importante pour la sécurité qu'il faut conserver", a insisté Brigitte Häberli (PDC/TG).
Le projet retourne au National.