(ats) La recherche médicale peut souffler. Les expérimentations animales ne doivent pas être interdites en Suisse, comme le demande une initiative populaire. Le National a tacitement rejeté jeudi le texte et dit non à un contre-projet.

Lancée en 2017 par des citoyens saint-gallois, l'initiative propose de remplacer la pratique actuelle par des méthodes alternatives plus éthiques. Elle prévoit aussi d'interdire le commerce, l'importation et l'exportation de produits faisant directement ou indirectement l'objet d'expérimentations sur des animaux.

Le bien-être animal est important, mais l'initiative est trop radicale, a souligné Martin Haab (UDC/ZH) pour la commission. Elle aurait des conséquences importantes sur la qualité des soins en Suisse. La population et son économie seraient privées de médicaments indispensables, a souligné Simone De Montmollin (PLR/GE).

Pas de vaccin contre le Covid-19

Sans essais sur des animaux, les vaccins contre le coronavirus développés à l'étranger n'auraient pas été autorisés en Suisse avec ce texte, a rappelé Lilian Studer (PEV/AG). L'interdiction d'importer de nouveaux produits développés grâce à ces méthodes est en effet particulièrement problématique, a renchéri Valérie Piller Carrard (PS/FR).

Au-delà de la crise du Covid-19, c'est toute la recherche suisse qui serait isolée, selon plusieurs orateurs. Les essais sur les humains seraient aussi interdits, a relevé Fabien Fivaz (Verts/NE), ce qui poserait de gros problèmes pour les études cliniques en Suisse, comme celles sur les maladies sur le sommeil.

L'initiative signerait la fin de recherches dans de multiples domaines comme le cancer ou Alzheimer, selon Christian Wasserfallen (PLR/BE). Il faudrait aussi compter avec la fuite des cerveaux, selon Thomas De Courten (UDC/BL).

Recherche 3R sous-dotée

Mais le PS, les Verts et le PVL ne voulaient pas en rester là. Il faut selon eux développer la recherche sans animaux. Pour Isabelle Chevalley (PVL/VD), les moyens financiers investis dans la recherche 3R (Replace, Reduce, Refine) qui prévoit de réduire le nombre d’expériences sur les animaux et de limiter les contraintes qui leur sont imposées sont ridiculement bas.

Le programme "Advancing 3R - animaux, recherche et société" est actuellement doté de 20 millions de francs sur cinq ans. En comparaison, "il y a toujours 200 millions d'argent public par année pour l'expérimentation animale", a dénoncé la Vaudoise.

La recherche sur les animaux n'est souvent pas transposable à l'homme. Il faut une sortie progressive de ces "vieilles méthodes" coûteuses en ancrant durablement dans la loi le soutien à la recherche 3R, a-t-elle soutenu.

Les méthodes de substitution sont déjà largement utilisées et la recherche sur les animaux n'est menée que s'il n'y a pas d'alternative, a contré la droite.

Pas de contre-projet

Le nombre d'expérimentations animales a fortement baissé: elles s'élevaient encore à deux millions en 1983, mais plus qu'à 572'100 en 2019, a illustré Sidney Kamerzin (Centre/VS). La Suisse dispose d'un cadre juridique parmi les plus stricts au monde.

Une majorité UDC, PLR et du Centre a rejeté par 106 voix contre 85 une proposition individuelle pour développer les approches de recherche 3R. Elle a également dit non par 110 voix contre 81 à un contre-projet indirect de la gauche et du PVL. Enfin, ils ne sont pas entrés en matière sur un contre-projet direct des Verts. Ces deux dernières propositions prévoyaient une sortie par étapes de ce type d'expérimentation.

Le Conseil fédéral recommande aussi le rejet de l'initiative. Il partage l'objectif de l'initiative pour réduire la souffrance de l'animal, mais la manière d'atteindre cet objectif va trop loin, selon le ministre de la santé Alain Berset.

On ne peut pas s'en passer

"Ce projet exclut d'emblée une pesée d'intérêt entre l'utilité de la recherche et les risques et les contraintes sur l'animal", a-t-il dit. Aujourd'hui, la recherche fondamentale ne peut se passer d'une phase qui implique des humains ou des animaux.

L'initiative "Oui à l'interdiction de l'expérimentation animale et humaine - Oui aux approches de recherche qui favorisent la sécurité et le progrès" est soutenue par quelque 80 organisations et entreprises. La Protection suisse des Animaux (PSA) n'en fait pas partie. Parmi les personnalités qui l'appuient figurent des membres du PS et des Verts et des partisans de la cause animale.