Dans la réforme de la prévoyance professionnelle, le taux de conversion sera abaissé de 6,8% à 6%. Ce point n'est pas contesté. Le capital constitué par un rentier lors de son activité professionnelle aboutira ainsi à une rente plus petite. Un capital de 100'000 francs donnera droit à une rente de 6000 francs au lieu de 6800 francs.
Pour compenser cette perte, différents modèles s'affrontent. Le Conseil fédéral, s'appuyant sur un dialogue entre une partie des partenaires sociaux, proposait un concept où tous les assurés auraient reçu un supplément, et ce sans préciser de limite dans le temps. Il fixerait par la suite chaque année le montant du supplément pour les nouveaux rentiers.
Contre l'arrosoir
Le National, poussé par sa droite qui veut éviter tout "effet arrosoir", n'en veut pas. Il a opté en décembre dernier pour un modèle qui couvre entre 35% et 40% des rentiers des seules quinze premières années après l'entrée en vigueur de la réforme et prend en compte la part surobligatoire des caisses de pensions. La gauche a crié au scandale, considérant que la réforme se ferait sur le dos des bas salaires et des femmes, et a déjà fait planer l'ombre du référendum.
La Chambre des cantons devait se prononcer mercredi. Persuadée que la réforme du 2e pilier doit prévoir des suppléments de rente suffisamment élevés pour être acceptée par le peuple en cas de votation, la commission compétente des Etats voulait être plus généreuse que la Chambre du peuple.
Son modèle prévoyait de prendre en compte le salaire au moment de la retraite. 70% des assurés de la génération transitoire recevraient l'intégralité du supplément et 18% auraient un supplément réduit.
Réforme trop chère
Sauf que les débats ont clairement montré que cette proposition ne trouverait plus de majorité en plénum. La plupart des oratrices et orateurs de droite lui ont reproché son coût trop élevé.
"Nous n'avions pas tous les chiffres en détail au moment des discussions en commission", a ainsi relevé Johanna Gapany (PLR/FR). Il ne serait pas correct de faire peser des coûts disproportionnés sur les épaules des travailleuses et travailleurs d'aujourd'hui et de demain.
Sur la base de ce constat, le sénateur Josef Dittli (PLR/UR) a tenté de faire un pas vers le Conseil national, en reprenant pour l'essentiel son modèle. Il entendait toutefois l'améliorer quelque peu en faveur des bas salaires et des personnes travaillant à temps partiels.
Renvoi en commission
Mais la majorité des intervenantes et intervenants au sein de la Chambre n'a pas voulu se laisser mettre sous pression. "Aucune réforme n'a trouvé une majorité populaire en votation jusqu'ici dans ce dossier. C'est dire notre responsabilité pour trouver le meilleur modèle possible", a dit Isabelle Chassot (Centre/FR). Et de proposer de renvoyer la nouvelle proposition en commission pour l'étudier.
"Nous parlons de milliards de francs de différences entre ces modèles. La majorité d'entre nous a découvert cette proposition de compromis ce matin sur sa table et ne connait pas ses conséquences", a abondé Primin Bischof (Centre/SO).
Une approche aussi défendue par le conseiller fédéral Alain Berset. "En vous écoutant, je n'ai pas l'impression que les débats sont mûrs au sein de cette Chambre. La proposition Dittli provoquera des effets de seuil, peut-être même des incitatifs négatifs. Il faut reprendre tout cela dans le détail."
La gauche du plénum n'a pas manqué de critiquer tous les modèles qui diffèrent de celui du Conseil fédéral. L'UDC de son côté, qui ne cache pas sa préférence pour le modèle du National, aurait voulu aller de l'avant dans la réforme. Au vote, 28 voix contre 15 ont finalement décidé de renvoyer le dossier en commission, tout en entrant en matière sur la réforme.
Deux échecs déjà
Le peuple avait rejeté en 2010 un projet se limitant à la baisse du taux de conversion. Il a également refusé en 2017 la réforme conjointe du 1er et du 2e pilier qui incluait une telle baisse, mais prévoyait un supplément de rente AVS.
Après cet échec, le Conseil fédéral a décidé de revenir à deux projets distincts. Il a transmis au Parlement sa réforme de l'AVS l'année dernière, qui l'a soutenue. Les femmes devront travailler jusqu'à 65 ans comme les hommes avec des compensations pour celles qui sont proches de la retraite. La gauche a lancé un référendum, le peuple se prononcera en septembre prochain.